Plus d'une décennie après Sea Change et deux derniers essais peu inspirés Guéro (2005) et Modern Guilt (2008), Beck délaisse ses expérimentations électroniques pour renouer avec le songwritting, à l'origine de morceaux à la beauté évanescente tels que "Morning Phase" ou encore "BlueMoon". Sur un autre versant, la catharsis du californien se chargera d'apporter une onde plus sombre à certains passages du disque comme sur "Wave". Cette dernière piste affirme l'ambivalence d'un musicien qui délivre ses meilleures compositions dans une verve nonchalante et mortiférée par les turpitudes de l'âme, comme un principe ontologique initié depuis "Looser".
C'est ainsi dans l'extension de cette émotion que Morning Phase résonne le plus clairement à l'oreille. Si le disque est dirigé par un jeu de corde minimal à la senteur country réaffirmée, on appréciera cà et là les quelques aspirations "violonesques" et les nappes de piano qui viennent contraster le climat relativement ensoleillé de cet opus.
Si l'onde sonore dégagée par ce Morning Phase se reflète aisément dans celle de son ainé, c'est en partie dû au fait que cet album est le prolongement de sessions d'enregistrement initiées sous la houlette de Nigel Godrich mais que Beck avait égaré. On ressentira aisément cette influence dans les intonations de piano de "Unforgiven" qui renvoie au titre "Codex" de Radiohead, et sur la montée disgressante de "Wave", qui elle évoque la période Amnesiac des anglais, datée du début des années 2000.
En définitif, Morning Phase réussit à créer une continuité temporelle avec son aïeux Sea Change, et c'est là sa plus grande qualité. Mais au-delà de ça, il ne parvient pas à en reproduire l'éclectisme ni même à faire voltiger une folk, qui si elle reste de bonne facture, a perdu de sa superbe et trompe rarement l'ennui. Le vertige n'est clairement plus au rendez-vous et les mouvements qui articulent les morceaux agacent par leur prévisibilité et lâchent du lest expérimental... pas pour le meilleur. Arrangements déjà vus, mesures quasiment dupliquées, on ne peut en toute sincérité ne pas comparer les deux œuvres tant la première résonne dans la seconde. Du champ de roses au champ de blé la senteur n'est évidemment plus la même, et pour ceux qui ne connaitraient pas l'oeuvre la plus aboutie de la tête blonde californienne, jetez-y une oreille en amont de ce disque, et découvrez-y la grâce de ses élans romantiques.
En Bref : si Morning Phase n'est pas un mauvais un disque en soi, il lui est difficile de retrouver les sommets atteints par Sea Change. N'en restent pas moins quelques morceaux lumineux, touchés par la sensibilité photovoltaïque de Beck.