L’article 38 de la loi sur la presse du 29 juillet 1881 incrimine toute reproduction, même partielle, d’un acte de procédure avant qu’il ait été lu en audience publique.
Mais si la Cour d’appel de Paris avait autorisé une entorse à cette règle dans un arrêt du 28 novembre 2012, la Cour de cassation est venue fermement exercer son contrôle en censurant les juges d’appel dans une décision rendue en date du 28 janvier 2014.
En l’espèce, l’édition nationale du journal « Le Parisien libéré » et son site internet ont publié le point de vue technique d’un expert, relatif à la commission de deux infractions imputées au docteur X, qui faisait alors l’objet d’une information en cours pour homicide involontaire et omission de porter secours.
Assignés devant le tribunal correctionnel, la directrice de publication et l’auteur de l’article ont été relaxés, jugement validé par les juges de la Cour d’appel de Paris pour plusieurs raisons.
Tout d’abord, le rapport d’expertise communiqué par voie de presse était un rapport technique qui, selon la Cour, ne valait pas appréciation de la culpabilité du médecin accusé.
Ensuite, les juges d’appel ont relevé, pour justifier leur décision, que le point de vue contraire du rapport technique était mentionné dans l’article et que, dix jours plus tard, un droit de réponse était publié par le journal « Le Parisien libéré ».
Enfin, la Cour a énoncé que les publications incriminées ne portaient pas atteinte au droit du prévenu de bénéficier d’un procès équitable et a, par conséquent, fait primer la liberté d’expression sur l’application de l’article 38 de la loi de 1881.
Cela étant, cet arrêt n’est pas exempt de toute critique, ce que n’a pas manqué de relever la Cour de Cassation. En effet, si la liberté d’expression est une valeur fondamentale au sein de notre République, il n’en va pas moins que celle-ci peut être limitée de façon proportionnée face à d’autres droits fondamentaux, tels que, notamment, le droit à un procès équitable.
De surcroît, la parution de pièces d’un dossier d’instruction en cours, en sus de briser le secret de l’instruction, paraît aller à l’encontre de la présomption d’innocence, valeur pourtant essentielle de notre société.
C’est aussi ce qui semble être venu à l’esprit des juges de la Cour de cassation qui se sont prononcés le 28 janvier dernier en défaveur de la directrice de publication et de l’auteur de l’article paru dans « Le Parisien libéré ».
Les juges suprêmes ont ainsi décidé « qu’en se déterminant ainsi, sans apprécier l’incidence de la publication, dans son contexte, sur les droits de la personne mise en cause, et, notamment, sur son droit à la présomption d’innocence, au sens de l’article 6§2 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme, la Cour d’appel n’a pas justifié sa décision ».
Cet attendu, aussi clair soit-il, est regrettablement dénué d’appréciation quant à la mise en œuvre de la liberté d’expression et plus encore quant au secret de l’instruction, qui n’est en l’espèce pas invoqué.
Dès lors, il appartiendra à la Cour d’appel de renvoi de statuer à nouveau sur ces faits et de concilier liberté d’expression et droit au procès équitable. Affaire à suivre…