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Noir de boue et d'obus, par la Compagnie Difé Kako

Publié le 05 mars 2014 par Onarretetout

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Le général Mangin avait estimé que la France n’avait pas assez d’enfants pour mener une guerre et il avait promu l’idée d’une « Force noire » dès 1910, intégrée dans l’armée française pour en renforcer les rangs. Ce sont les Tirailleurs sénégalais, qui, en fait, venaient de plusieurs pays d’Afrique de l’Ouest. Les Antilles ont aussi été sollicitées et beaucoup d’Antillais ont payé « l’impôt du sang ». La première guerre mondiale a rassemblé « deux millions de fous (…) enfermés sur la terre, comme dans un cabanon, pour y tout détruire, Allemagne, France et Continents » (Céline – Voyage au bout de la nuit). Le spectacle de la Compagnie Difé Kako le rappelle justement.

Qui dit guerre dit ennemi, mais qui est l’ennemi ? Sinon peut-être l’humanité même, puisque Céline compare les combattants à des chiens pires que des chiens. Ou la folie qui provoque le rire ici parce que « là-bas, je vais mourir ». Ou la mort elle-même, mais pas une mort allégorique, une de ces femmes portant une faux. La mort partout, les corps qu’on emporte, ceux qu’on enterre sur place, ceux qu’on a fusillés pour l’exemple, ceux que les bombardements ont assourdis, le bruit des obus s’ajoutant au bruit mouillé de la boue piétinée, martelée de tous ces pas cadencés. Creuser des tranchées, ramper dans la boue, et dans ces gestes faire connaissance, parfois au corps à corps, parfois dans la douleur. C’est, à la fin, une masse grouillante d’hommes à l’assaut de rien, des vagues dont le flux et le reflux bougent à peine les lignes de front : les images d’archives en disent long sur cette guerre. Et les monuments aux morts, les statues qui se dressent dans chaque commune française semblent souvent vouloir ne faire du poilu qu’un parmi des milliers. Parfois un nom se détache, un individu, quelqu’un, noir de boue et d’obus, qui rappelle que c’était un homme, une femme, un fils, un père. Ancien combattant.

J'ai vu ce spectacle à la MPAA, à Paris. Il sera présenté les 20 et 21 mars à La Merise à Trappes, les 10 et 11 avril à la Maison des Arts de Lingolsheim, les 29 et 30 avril au CMAC, le 6 mai à La Trinité en Martinique et en juillet au Théâtre Golovine en Avignon.


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