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L'après "Hémisphères vodous" - Partie II

Publié le 05 mars 2014 par Lifeproof @CcilLifeproof

Suite de l'interview de Thibaut Honoré par Anaïs.

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Vue de l'exposition "Hémisphères vodous", Salle Conrath de l'hôtel de ville, oeuvre d'Hervé Bohnert crédits photographique : Anaïs Roesz

Anaïs: Beaucoup de gens s'interrogent sur l'orthographe du mot « vodou » ? Est- ce que tu pourrais donner la distinction entre vodou et vaudou ?

Thibaut Honoré: C'est un choix qui a été adopté par le musée vodou lui-même. Choix que je trouve extrêmement pertinent. Il me semblait évident de bouleverser mes habitudes grammaticales, orthographiques, et que j'aille vers ce type d'orthographe. Cette terminologie, la manière de l'écrire, varie en fonction des déplacements géographiques, historiques et sociaux. C'est-à-dire que le vodou parfois écrit "vaudou", "voodoo" ou "vodoun" en fonction des régions, désigne une religion traditionnelle qui est apparue en Afrique de l’Ouest probablement autour du 17ème siècle dans la forme que nous lui connaissons aujourd’hui.

Le mot s'écrit différemment en fonction des années, des siècles, et des déportations. S'agissant d'un débat qui est initié pour la première fois à Strasbourg, autour de cette question du vaudou originel, on revient au sens premier du mot. Ce n'est donc pas une faute d'orthographe.

Quelle est la prochaine étape « d’Hémisphères vodous » ?

La prochaine étape c'est la réalisation du catalogue d'exposition. J'aimerais qu'il puisse sortir pour la fin de l'année 2014. c'est une étape vraiment importante. D'autant plus que c'est un souhait des artistes eux-mêmes. C'est une belle manifestation dont on a eu de très bons échos.

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Vue de l'exposition "Hémisphères vodous", Salle Conrath de l'hôtel de ville, oeuvres d'Ainaz Nosrat, crédits photographique : Anaïs Roesz

Est-ce qu'il y aura une suite « d'hémisphères vodous » ?

Suite à mes différents voyages, mes différentes rencontres, on m'a parlé de communautés implantées à Paris le long du canal Saint Martin, entre le bassin de la Villette et le Square Jules Ferry. Ce sont des communautés majoritairement ivoiriennes, congolaises, togolaises, gabonaises etc. Il y a, à priori un nouveau vodou qui s'est mis en place, mais qui, par l'intermédiaire d'un pur syncrétisme, est lié à l'eau. Les gens jettent leurs objets vodous dans le canal.

Des hommes, équipés pour des missions de dragages comme cela se fait dans les misions d'entretien des canaux, ont collecté et continuent à accumuler ces objets. Aujourd'hui il y a une collection gigantesque d'objets vodous. je m'apprête prochainement à me déplacer sur place pour faire moi-même le constat de cette histoire. Mais rumeur ou pas, cela suffit à me donner envie de travailler la dessus. Au point que lorsque cette histoire m'est venue aux oreilles, j'ai commencé à en discuter avec certains artistes, et j'aurais vraiment à cœur de proposer aux alentours de 2016-2017 un deuxième volet parisien « d'hémisphères vodous ». Ce deuxième volet présenterait des expositions dans l'espace public ou dans les galeries attenantes au canal Saint-Martin, autour de cette question du vodou.

Pour moi l'apparition de ces objets vodous à Paris, c'est exactement la même chose que le musée vodou à Strasbourg. Ce qui m’intéresse dans mon travail de commissaire autour de cette thématique, de ces objets muséographiques ou de ces collections extraordinaires, ou de ces phénomènes presque paranormaux ce n'est pas tant l'objet vodou qui est dedans mais l'interaction, l'incidence même que cela peut entraîner dans notre quotidien et comment cela reconditionne complètement notre champ d'investigation sur les thématiques culturelles. Je pense que les artistes, qui absorbent les choses, vont repenser leurs pratiques par rapport à cette nouvelle collection. Pour moi c'était la même chose, une espèce de collection immatérielle, universelle à travers l'eau du canal Saint-Martin et qui devient pour moi un espace scénographique, cultuel et muséographique. De la même manière que le musée vodou existe à Strasbourg, l'apparition de cette nouvelle collection constitue déjà un champ d'expérimentations qui est extrêmement intéressant.

Des pistes de réflexions pour les artistes, pour des lieux?

L'objectif serait de demander à des artistes de réfléchir autour de l'eau et du vodou, deux sujets d'exploitations intellectuelles et culturelles. Un syncrétisme s'opère tout le long du canal. Et j'aimerais bien me consacrer là dessus.

Il y a déjà quelques petites idées, et quelques propositions qui ont été faites. C'est un travail très dense, qui nécessitera un budget d'organisation beaucoup plus important et qui sous-entend de faire des propositions aux mairies d'arrondissements. C'est vraiment le prochain projet après « hémisphères vodous », sur le même principe, différents lieux, différents artistes, mais là sur un parcours directement donné par la topographie du canal et  autour de l'existence de ces nouvelles pratiques. Il s'agirait encore une fois de demander aux artistes de créer les œuvres avant d'avoir vu la collection. C'est une façon de voir comment ils fantasmeront les choses.

Je dois refaire tout un projet dans une ville, que finalement, je ne connais pas si bien que ça. Je ne la connais qu'en tant qu'amateur d'art ou de flâneur mais pas en tant que personnalité du monde culturel parisien. C'est un challenge à relever, c'est une superbe opportunité. C'est vraiment quelque chose qui vient changer mes habitudes culturelles. Il n'était pas prévu que je reste dans cette lignée du vodou, mais j'aime rebondir sur des choses qui apparaissent. Je suis convaincu que quand les choses apparaissent, c'est bien de réagir dessus.

Propos recueillis par Anaïs.


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