Star-crossed est une nouvelle série diffusée sur les ondes de CW aux États-Unis depuis la mi-février. L’action se déroule en Illinois alors qu’un vaisseau extra-terrestre venu de la planète Atria se soit écrasé sur la Terre. Les autorités américaines, épouvantées, les confinent dans un ghetto et dix ans plus tard, elles autorisent 7 de leurs adolescents à venir étudier dans un lycée dans le cadre d’un programme d’intégration. Alors que ceux-ci doivent endurer sarcasmes et mépris se dessine une romance entre l’Atrien Roman (Matt Lanter) et la terrienne Emery (Aimee Teegarden). Star-crossed est une pâle copie de séries originales de la CW où l’élément surnaturel, guère convaincant, n’est qu’une distraction pour traiter de la vie de lycée d’étudiants anormalement beaux. Bien qu’on y retrouve des thèmes d’actualité comme l’intimidation et le racisme, cette métaphore manque cruellement de subtilité et on ne serait pas étonné que la série se retrouve aux oubliettes avant la fin de la saison.
Une formule gagnante épuisée
En 2014, un vaisseau s’est écrasé et Emery, alors enfant, a recueilli chez elle l’Atrien du même âge Roman, qui a par la suite été capturé par les autorités fédérales. Cette rencontre marque fortement les deux enfants qui se reverront, presque par miracle, 10 ans plus tard au lycée. Appartenant à deux genres humains différents, ils sont pourtant amoureux l’un de l’autre, envers et contre tous. C’est que pour une raison que l’on ne comprend pas jusqu’ici, le peuple américain a une peur viscérale de ces extraterrestres qui n’ont pourtant jamais représenté un danger contre l’espèce humaine. Lors d’une altercation entre les deux races, le père d’Emery qui est chef de police tue accidentellement le père de Roman, lequel était le premier défenseur d’une cohabitation entre les deux espèces. Graduellement, la tension montre entre les deux clans et excédés d’être constamment ostracisés, les Atriens recrutent en douce une armée en vue d’une éventuelle attaque. De l’autre côté, le groupe Red Hawks manifeste ouvertement sa haine à l’encontre de ces étrangers et ne rate pas une occasion de les discréditer. Cette intolérance est aussi palpable au lycée alors que les élèves participant au projet pilote font l’objet d’intimidation de la part des autres étudiants. Pourtant, les deux clans auraient tout intérêt à coopérer, notamment dans le domaine médical, puisque Roman parvient grâce à une transfusion de son sang à sauver la vie de la meilleure amie d’Emery, Julia (Malese Jow) qui était en train de perdre sa bataille contre un cancer.
Dès les premières minutes du pilote de Star-crossed, on est frappé par sa suffisance. Les Atriens, une autre forme de vie, font écho aux vampires de Vampire Diaries diffusée sur la même chaîne. Pour ce qui est de leurs dons surnaturels, ils s’apparentent fort à ceux que l’on retrouve dans The tomorrow people et dans les deux séries, ceux qui les possèdent sont mis à l’écart socialement par leurs pairs. Quant à la romance entre les deux espèces, ce thème a déjà été exploité dans Beauty and the beast. Côté mise-en-scène, la série fait preuve de beaucoup de paresse, à commencer par l’année où elle se situe, 2024, qui n’a de futuriste que le chiffre. Mis à part quelques gadgets et le premier plan de la série clairement identifié blue screen, la mode, les automobiles et les technologies n’ont absolument rien d’audacieux. Même les Atriens venus d’une autre planète ne se distinguent pas du genre humain. Physiquement, on n’a pas voulu trop les enlaidir, mis à part quelques tatous fort bien disposés sur le côté de leurs visages. Ainsi, ces différences de races sont insipides et ne sont qu’un prétexte pour aborder les relations entre adolescents qui assument mal leurs différences.
L’incompréhensible peur de l’autre
L’arrivée d’extra-terrestres sur la Terre dans Star-crossed provoque un immense choc au sein de la population américaine. Depuis, les autorités ont construit un ghetto où ils les ont entassés. La prémisse est extrêmement bâclée puisqu’on ne sait quel danger cette race représentait sur l’être humain, pas plus que ce qui a amené le gouvernement à tenter une immersion d’étudiants dans un lycée dix ans plus tard. Que s’est-il passé entre temps? La série ne daigne pas entrer dans ces détails. Toujours est-il qu’on prône maintenant le rapprochement, mais force est de constater qu’un plan de communication aurait été nécessaire avant d’entamer l’expérience. En effet, la population, visiblement inquiète se rassemble à chaque passage d’Atriens avec des pancartes et slogans vindicatifs. Afin d’assurer la sécurité de ces cobayes venus d’ailleurs, on a même fait appel à des militaires armés de mitraillettes qui montent la garde dans les couloirs du lycée. Cet usage de l’extrême est aussi peu subtil que les thèmes principaux abordés dans la série : l’intimidation et le racisme.
Dans Star-crossed, deux visions s’affrontent : l’une réactionnaire au changement qui est à forte majorité et la seconde qui prône la tolérance et qui est incarnée par Roman et Emery. Lors d’un échange entre les deux, cette dernière dit :« we may be from two different worlds, but in some way we’re still the same ». Dans l’autre camp, Taylor, qui incarne le cliché de la blonde populaire, clame haut et fort :« I am all for equality, but when they start messing with tradition, that’s when I go turbo bitch. Is there nothing sacred? » On le voit, le scénario est loin de faire dans la dentelle, mais pourquoi CW passe constamment par la métaphore de l’extra-terrestre pour faire passer son message? Religion, homosexualité, handicaps, maladies, couleur de peau : les sujets d’intimidation ne manquent pas pourtant. En choisissant comme cible des habitants d’une autre planète, on pense peut-être que tous les laissés pour compte pourront se reconnaître, mais en voulant trop généraliser, c’est l’effet contraire qui se produit. De plus, l’élément surnaturel est davantage abordé du point de vue « spectacle » (effets spéciaux) qu’il ne sert vraiment à l’histoire et même de ce point de vue, on est déçu puisqu’il n’y en a à peu près pas dans la série.
À créer le même genre de séries trop souvent, on atteint sa limite et Star-crossed l’a amplement franchie comme les cotes d’écoute décevantes (entre 1,12 et 1,28) en attestent. Ce qu’il y a de plus frustrant, c’est que la CW propose série après série le même genre de divertissement superficiel aux jeunes adultes, clairement son public cible, et qu’elle ne profite pas de sa notoriété auprès de cet auditoire pour toucher à des sujets plus sensibles qui auraient le mérite de favoriser la réflexion, au lieu de l’abrutissement.