La situation politique en Ukraine n'a cessé de se dégrader ses dernières semaines et devient aujourd'hui confuse, entre la destitution (et la fuite) du président et les pressions militaires exercées par le voisin russe. Mais qu'en est-il de la situation économique du pays ?
Brève présentation de l'Ukraine
L'Ukraine est un État d'Europe de l'Est, d'une superficie de 603 500 km², c'est-à-dire presqu'autant que la France avec ses territoires d'outre-mer. Sa capitale est Kiev (2,8 millions d'habitants) et les autres principales grandes villes du pays sont Kharkiv (1,5 million d'habitants), Dnipropetrovsk (1 million d'habitants), Odessa (1 million d'habitants), Donetsk (1 million d'habitants) et Lviv (850 000 habitants).
[ Source : Courrier International ]
La démographie est un véritable défi pour l'Ukraine, puisque la population totale est passée de 51,6 millions d'habitants en 1991 à 45,6 millions en 2013. La langue des affaires est très souvent le russe, notamment dans la partie est du pays, alors que l’ouest utilise plus volontiers l'ukrainien ou l'anglais pour les affaires. La monnaie de l'Ukraine est la hryvnia (UAH).
Selon le FMI (World Economic Outlook Database), le PIB s'élève à 182 milliards de dollars, le taux d'inflation est à 1,9 % et le taux de chômage s'établit à 8 % de la population active. Selon la Banque mondiale, la contribution des différents secteurs au PIB est la suivante : agriculture (9,3 %), industrie (29,8 %), services (60,9 %). Sur le plan de l'emploi, la répartition est : agriculture (17,2 %), industrie (20,7 %), services (62,1 %).
Petit résumé économico-politique de la situation en Ukraine
Cette infographie s'arrête à la signature de l'accord de sortie de crise (sic !) du 21 février 2014 :
[ Source : La Manche libre ]
Depuis les événements s'accélèrent mais la situation reste des plus confuses, d'autant que la Russie semble vouloir la guerre avec l'Ukraine, mais pas à n'importe qu'elle prix visiblement... Toujours est-il, que si vous souhaitez comprendre pourquoi l'Est et l'Ouest de ce pays semblent irréconciliables politiquement, il suffit de regarder les deux cartes ci-dessous issues d'un article de Slate.fr (en bleu, les districts remportés à l'élection présidentielle de 2010 par Viktor Ianoukovitch, en jaune ceux gagnés par son opposante Ioulia Tymochenko) :
[ Source : Slate.fr ]
[ Source : Slate.fr ]
Les finances publiques de l'Ukraine
Dire qu'elles sont dans un état épouvantable est au mieux un truisme, mais plus certainement un euphémisme comme le montrent les deux graphiques ci-dessous :
[ Source : Les Échos ]
[ Source : Natixis ]
Bref, les dépenses publiques ont augmenté, mais les recettes ont stagné d'autant que la croissance a fortement chuté depuis 2012. La conséquence fut une dégradation de la note souveraine de l'Ukraine par les agences de notation, le pays étant désormais perçu par les investisseurs comme très proche de la "faillite".
En outre, la Russie a laissé entendre qu'elle pourrait bloquer le versement d'une aide de 15 milliards de dollars accordée en décembre; il reviendrait donc à l'UE de suppléer à ce besoin de capitaux que l'on estime bon an mal an à 20 milliards de dollars (mais 35 milliards d'euros immédiatement pour éviter le défaut...). Que pèse alors le prêt européen de 610 millions d'euros octroyé par l'UE et ratifié ce matin-même par le Parlement ukrainien ?
[ Source : La Voix du Nord ]
Or, lorsque l'UE a proposé un prêt de 20 milliards d'euros à Kiev en décembre dernier, les conditions étaient si drastiques (par exemple moins subventionner le secteur du gaz, ce qui alourdirait mécaniquement la note pour les ménages) qu'elles ressemblaient à s'y méprendre à un plan d'austérité made in Troïka. Pas franchement l'idéal lorsqu'un pays est déjà à feu et à sang, et que la Troïka est clairement discréditée pour son action non respectueuse des droits de l'Homme...
La dépendance économique à la Russie
J'ai souvent expliqué sur ce blog que s'il était important d'étudier la dynamique de la dette publique, il fallait étudier avec au moins autant d'intérêt la balance extérieure. Car en l'occurrence celle-ci fait apparaître une dépendante très importante au gaz naturel russe, qui représente 87 % du total des importations de gaz de l'Ukraine et dont le prix est renégocié tous les trimestres !
Plus précisément, la Russie contribue pour 69 % aux importations totales d'énergie de l'Ukraine. De plus, on voit sur le tableau ci-dessous que la Russie est à la fois le principal client et le principal fournisseur de l'Ukraine :
[ Source : Comtrade ]
On comprend donc mieux pourquoi les restrictions commerciales, prises par la Russie lors de l'annonce par Kiev d'un accord commercial avec l'UE, pèsent et pèseront très lourds sur la balance courante de l'Ukraine :
[ Source : Natixis ]
Rappelons à ce stade que l'Ukraine a instauré un contrôle des capitaux et dévalué sa monnaie, ce qui n'a évidemment pas amélioré la situation économique lorsque le pays est à feu et à sang ! Dès lors, afin de financer le déficit de la balance courante et défendre le taux de change de sa monnaie, l'Ukraine a dû piocher dans ses réserves qui ont brutalement chuté depuis janvier à seulement 15 milliards de dollars. C'est peu pour faire face à de tels engagements, surtout que les investissements étrangers risquent fort de se tarir avec la crise politique que traverse le pays.
L'Ukraine fait donc face à des déficits jumeaux (budgétaire et extérieur) qui se creusent de plus en plus sous les effets conjugués notamment de l’effondrement de la production industrielle, d'une grande corruption, d'une dépendance énorme au gaz russe, de la chute brutale des réserves et d'une croissance en berne.
Sans présumer des questions politiques, peut-être serait-il alors bon de se souvenir de ces quelques
éléments économiques avant de conclure qu'il faut privilégier l'UE comme partenaire commercial de l'Ukraine...