Oui, les éleveurs protègent leurs troupeaux mais le loup s'adapte (4)

En réponse au document "Le loup, 10 vérités à rétablir, la fin annoncée de l’élevage des moutons et une menace pour tous les animaux élevés en plein air", la Buvette vous propose les réactions croisées(₁) de Pierre Rigaux (PR), Gérard Bozzolo (GB), Marc Laffont (ML) et Baudouin de Menten (BdM).

4^ème "vérité"

"Oui, les éleveurs protègent leurs troupeaux, mais le loup s’adapte"

PR : Ils évoquent tous les “contrats de protection” signés par des éleveurs avec financements européens et français. Il est vrai que la plupart des éleveurs déclarent protéger leur troupeau en zone de présence de loup. Mais beaucoup d’entre eux ne le font pas vraiment, ou pas assez voire pas du tout pour certains. La bonne mise en œuvre des mesures de protection n’est pas contrôlée. Les statistiques de « troupeaux protégés » sont faites à partir des déclarations des éleveurs... qui déclarent ce qu’ils veulent. En fait, les prédations de loup en présence de berger sont rarissimes. La prédation sur le bétail ne sera jamais complètement nulle partout, mais un mode de conduite des troupeaux adapté permet de la réduire énormément voire de l’annuler localement. 

Si vous êtes berger et que vous osez montrer la moindre sympathie pour une seule mesure de cohabitation, les menaces et les pressions pleuvent.

BdM : Le loup s'adapte... prenons exemple sur lui.

Lors des constats de prédation, il n'est pas noté si le troupeau est protégé ou pas, avec quelles mesures de protection, avec combien de patou, pour combien de brebis, avec la présence d'un berger ou pas. Ce sont des informations trop sensibles, il n'existe aucune statistique.

Le loup est un animal très intelligent, certes. L’homme aussi est intelligent, il peut donc trouver des solutions, inventer, tester de nouveaux procédés, de nouvelles combinaisons de moyens de protection.

L’homme aussi est intelligent, sauf quand il déclare que la protection ne marche pas, même sans l’avoir essayée ou sans avoir cherché à l’améliorer; sauf quand il menace d'autres éleveurs parcequ'ils prennent un patou (prendre un patou, c'est accepter les moyens de protection). Les menaces et intimidations sont courantes...

La protection n’est pas une garantie d’obtenir zéro dégât. Elle permet de diminuer les attaques et la mortalité par attaque. Chaque année, le renard mange quelques-unes de mes poules, chaque année j'améliore la protection, je solutionne les points faibles, le terrier est à 30 mètres et j'admire les jeux des renardeaux dans le foin tous les printemps! C'est la part du prédateur, comme la part des anges à Cognac...
L’Etat permet aussi aux éleveurs de protéger leurs troupeaux et de procéder à des tirs de prélèvements. Mais ces tirs se font n’importe comment, pas en condition d’attaque sur troupeaux, ce qui n’éduque pas le loup et désorganise les meutes. De plus, il est évident maintenant que les tirs mal organisés favorisent grandement la dispersion du loup vers des zones où il n’est pas encore et où les troupeaux sont... non protégés. Je ne suis pas sûr que ce soit la bonne solution, et que donc, déçus, les éleveurs vont demander… plus de tirs rapides. Un cercle vicieux…

"Dans l'Etat actuel des connaissances, les moyens de protection ont une efficacité certaine, mais partielle, face à tous les prédateurs. Ils peuvent donc intéresser les éleveurs confrontés à des situations très variées, depuis les zones périurbaines jusqu'aux estives les moins accessibles. Mais c'est bien face aux loups que leur nécessité s'est imposée avec le plus grand degré d'urgence. (...)

Leur mise en oeuvre se généralise en peu d'années après l'installation du loup dans une nouvelle zone, et l'on observe le plus souvent qu'ils permettent une réelle baise de la prédation après sa forte augmentation initiale dès l'arrivée des loups."(₂)

(₁) Pierre Rigaux est naturaliste dans les Alpes-du-Sud ;
Gérard Bozzolo est retraité, Ingénieur Agronome, ex-maître de conférences à l'Ecole Nationale Supérieure Agronomique de Toulouse ;
Marc Laffont est Technicien en agriculture et environnement, il dispose d'une maîtrise en Ecologie ;
Baudouin de Menten, écoconseiller est le webmaster de la Buvette des Alpages.
(₂) "Protection des troupeaux contre la prédation", CERPAM, OIER-SUAMME, ADEM, DDT/M 04-05-06-38-73, IDELE, coordination Laurent Garde, 2012, page 27.

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