Par Jacques Garello.
Un article de l’aleps.
La réussite française, c’est d’abord celle d’avoir forgé une République une, laïque et indivisible. Chez nous, il n’y a pas le désordre de cinquante États dont chacun se prévaut encore d’une large autonomie. Chez nous les impôts sont les mêmes de Dunkerque à Tamanrasset (pardon : Port Vendre), le code Napoléon ne souffre pas de digression géographique, les pouvoirs qui se croient « locaux » sont sous la férule étroite de Paris. Par comparaison, les Américains ont des lois qui changent à la frontière de chaque État, au point que la peine de mort est encore en vigueur dans plusieurs États, que l’avortement est prohibé ici ou là. Il y a des États où il n’y a pas de code d’urbanisme (Houston a été bâtie sans autorisation administrative). La fiscalité diffère aussi et certains États, comme la Floride, attirent outrageusement les riches retraités en ignorant l’impôt sur le revenu.
La réussite française, c’est non seulement la République unie mais la République laïque. Chez nous toute référence à la religion, et principalement à la religion chrétienne, est interdite ; s’il existe encore des écoles catholiques elles sont sous surveillance et sous dépendance étroites de l’Éducation Nationale. Le peuple Américain demeure avec celui de l’Inde l’un des plus religieux au monde. N’est-il pas scandaleux de voir inscrit sur le dollar, symbole du matérialisme et du règne de l’argent, « En Dieu nous croyons » ? Et que signifient ces sectes, ces prédicateurs médiatisés, ces hystéries collectives ? Quant à l’école, les Américains tolèrent encore qu’elle soit l’objet d’un choix de la part des parents, qu’elle soit créée et gérées par n’importe qui, sans garantie ni diplôme d’État : la France, elle, connaît une pleine réussite avec le baccalauréat.
Le secret de la réussite française, c’est sans doute ce que relevait Tocqueville au début du XIXème siècle : en France c’est le pouvoir central qui s’occupe de tout, alors que les Américains ne s’occupent que d’eux-mêmes. Aux États-Unis, l’État fédéral est subsidiaire, en France l’État féodal est totalitaire. Si l’on actualise le message de Tocqueville, la réussite française c’est l’État Providence et le système de solidarité qu’il a instauré : alors que les immigrés en Amérique savent que le « rêve américain » consiste à se prendre en charge, à travailler dur, à donner un toit et une éducation à sa famille, le rêve français consiste à connaître ses droits sociaux, à recevoir allocations et privilèges sans bourse délier. Quel est le plus beau, le plus social de ces deux rêves ? Illustration dramatique de la pensée réactionnaire des dirigeants américains cette fameuse phrase de Kennedy : « Ne demandez pas ce que les États-Unis peuvent faire pour vous, demandez-vous ce que vous pouvez faire pour les États-Unis ! ». Archaïsme d’une société qui croit encore aux devoirs, au mérite, et qui respecte la propriété et la vie au même titre que la liberté. La réussite française, c’est d’avoir su aller plus loin. Sans doute d’ailleurs l’un des tout derniers pas dans la voie de la réussite a-t-il été franchi avec les lois sociétales de Mesdames Taubira, Filippetti, Vallaud-Belkacem, Duflot et autres femmes libérées (et ce n’est pas si facile !).
Que dire enfin de la réussite française dans le domaine de la politique économique ? Avec nos 10,5% de chômeurs (et en hausse), nous battons largement les Américains (6,6% et en baisse), en dépit de tous les efforts d’Obama pour enrayer la reprise aux États-Unis ; mais son « stimulus » aura été trop timide par rapport à nos déficits budgétaires inventés dès 1974, à notre traitement social du chômage introduit par Mauroy dès 1981, à nos 35 heures inventées par Aubry et Jospin. Ne l’oublions pas non plus : la réussite française, c’est aussi notre Sécurité Sociale, à tel point qu’Obama, copiant notre système d’assurance maladie, a entendu obliger les Américains à souscrire à un système public fédéral, pour les libérer des griffes des compagnies d’assurance. Mais les réactionnaires républicains essaient de saboter cette conquête sociale.
Il faut aussi admettre qu’au pays de Milton Friedman il est surprenant de voir le gouvernement américain vivre d’expédients monétaires, et le Trésor financé par des émissions inconsidérées de dollars. Tout aussi lamentable la tradition de protectionnisme qui a été activée par Obama avec l’addition du « Job american Act » au célèbre « Buy American Act ». Mais ne doit-on pas y voir un effort pour se hisser à la hauteur du « made in France », qui assure aujourd’hui notre réussite ?
Tout bien réfléchi, je soupçonne l’invitation lancée par Obama à notre Président d’avoir été inspirée principalement par l’espionnage industriel. À la Maison Blanche, on voudrait bien savoir quels sont les secrets ressorts de la réussite française. L’Amérique voudrait retrouver la pureté idéologique du socialisme de Roosevelt. Puisse notre Président être un ambassadeur convaincant, afin d’aider les Américains à retrouver le chemin de la réussite.
God bless America !
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