Disclaimer : Les chiffres publiés dans cet article sont issus, ou ont été calculés à partir des données issues des documents de référence des sociétés citées.
Plus que tout autre, le secteur bancaire a subi la violence d’un choc autant économique que médiatique. Ainsi, chaque banque a dĂť repenser son business model et adapter sa structure de coĂťts à ce nouvel environnement composé d’une croissance en berne, d’une régulation accrue et d’une défiance généralisée vis à vis du métier bancaire.
Première victime, les Banques de Financement et d’Investissement ou « BFI » ont vu leur dynamisme stoppé net et leurs revenus baisser drastiquement. Dans ce contexte, qu’en est-il au niveau de l’emploi ?
Impact financier de la crise pour les BFI françaises
Si l’ampleur de la crise a été moindre pour les banques françaises du fait de la robustesse du modèle de Banques universelles par rapport aux anglo-saxonnes, leurs BFI ont tout de même connu des sérieux déboires financiers :
Figure 1 : évolution des PNB Groupe et BFI de l’échantillon entre 2008 et 2012[1]
Si les effets de la crise de 2008 sur les résultats des banques ont été abondamment commentés, il est surtout intéressant de constater que le rebond observé en 2009 n’a pas été confirmé depuis.
En effet, les BFI affichent des taux de croissance de leur Produit Net Bancaire (PNB) largement négatifs, compris entre -7 et -40% depuis 2010 et en moyenne pondérée de -23%. A titre de comparaison, les PNB groupe pour l’ensemble des 4 banques englobant ces BFI n’ont baissé que de 12%.
Conséquence sur l’emploi
Une analyse des documents de référence des quatre banques françaises mentionnées ci-dessus, nous a permis de dresser le décompte suivant des plans de réduction d’emplois dans les BFI françaises[2] :
Figure 2 : nombre de licenciements et évolution des effectifs en BFI entre 2008 et 2012[3]
Les trois quarts des licenciements observés dans le cadre de plans de réduction de l’emploi entre 2008 et 2012 ont eu lieu en 2011/2012 et non durant la période de crise de 2008-2010. Ainsi, entre 2010 et 2012, les effectifs des BFI françaises ont globalement diminué de 6%.
Des tendances différentes selon les BFI
CA CIB et Natixis ont respectivement ajusté à la baisse leurs effectifs BFI de 23% et 21% entre 2008 et 2012. Pour CA CIB cela s’explique en partie par des choix stratégiques : la banque verte a volontairement réduit la voilure sur ses activités BFI depuis 2010 alors que Natixis a surtout réduit ses effectifs entre 2008 et 2010.
A contrario, BNPP CIB a vu ses effectifs augmenter de près de 20% entre 2008 et 2012 alors que la SGCIB contenait la baisse à moins de 1%.
En termes de répartition géographique, on constate que la France représente plus d’un tiers des postes supprimés dans le cadre de plan de réduction d’emplois[4]. Si la SGCIB a surtout coupé dans les emplois en France en raison de l’importance des effectifs de sa BFI en France avec 880 départs sur environ 1 500[5] en 2012, CA CIB et BNPP CIB[6] ont surtout réduit leurs effectifs à l’étranger.
Figure 3 : nombre de recrutements en BFI (dont détail sur la France)*
Corollaire inévitable à la hausse des plans de réduction d’emplois, la baisse des recrutements en BFI. Si toutes les banques ne communiquent pas sur ces données, on peut néanmoins noter à titre d’exemple que le nombre de recrutements chez CA CIB est passé de 1 569 en 2010 à 371 en 2012 dont la plupart hors de France alors que Société Générale ne donne plus le détail par branche depuis l’année 2011.
A l’échelle des groupes, une proportion d’effectifs en BFI globalement constante entre 2008 et 2012
Figure 4 : évolution du ratio effectifs BFI / effectifs Groupe entre 2008 et 2012 *
On constate que globalement la part des effectifs BFI dans les effectifs des quatre groupes bancaires français correspondants est restée quasiment inchangée entre 2008 et 2012, (8,6% versus 8,7%). En effet, d’une part, les effectifs dans les autres branches ont également baissé et d’autre part, les baisses d’effectifs de CA CIB et Natixis ont été compensées par la hausse de BNPP CIB.
Ces chiffres interpellent, pour deux raisons. D’abord, alors que les plans de départ médiatisés ont touché très majoritairement les BFI, la réduction des emplois au cours des 5 dernières années n’a paradoxalement pas été plus forte dans cette branche. Ceci s’explique car les réductions d’emplois dans les BFI non pas eu lieu au fil de l’eau, mais par vagues, phénomène plus médiatique.
Ainsi, on constate que les années de réduction, la tendance est plus marquée en BFI. Sur le fond, la méthode de réduction au moyen de plans de départ en BFI s’expliquent notamment par des effectifs plus jeunes dans cette branche ne permettant pas comme dans les autres de réduire les effectifs en limitant les remplacements des départs en retraite.
Ensuite, on peut s’étonner sur la portée de ces plans : bien que les résultats des BFI ont été bien plus mauvais que ceux enregistrés au niveau des groupes (-1% pour les Groupes versus -20% pour les BFI entre 2009 et 2012, voir figure 1), les réductions d’effectifs ont été plus limitées que la baisse du PNB.
Dans le détail, on remarque que cet apparent « paradoxe » provient surtout des deux grandes BFI, BNPP et Société Générale, qui n’ont pas procédé aux mêmes ajustements que Crédit Agricole et Natixis.
Ainsi, entre 2009 et 2012 :
- le PNB de la BFI de BNPP a baissé de 28% versus -3% pour le groupe et dans le même temps la proportion Effectifs BFI / Effectifs groupe passait de 8% à 11%.
- le PNB de la BFI de Société générale a baissé de 12% versus +6% pour le groupe et dans le même temps la proportion Effectifs BFI / Effectifs groupe passait de 7,7% à 8,1%
Cependant, la période 2011/2012 semble avoir marqué une inflexion puisque ces dernières ont procédé à de nombreux licenciements durant ces années, 1 396 pour BNPP CIB et près de 1 500 pour la SGCIB.
Tendance à la poursuite des plans dans les prochaines années
Dans un secteur où la rentabilité s’est structurellement dégradée à cause d’un contexte économique déprimé et d’une réglementation de plus en plus contraignante, la réduction des coĂťts et donc de l’emploi reste le premier levier utilisé par les BFI pour tenter de la restaurer.
Ainsi, la Société Générale a déjà annoncé vouloir se séparer de 1 000 emplois dans les 2 prochaines années via un plan d’économie qui devrait toucher pour un tiers sa BFI et Natixis a également récemment annoncé vouloir supprimer 700 emplois d’ici 2015 principalement dans les activités de sa Banque de Grande Clientèle.
[1] : Nous avons retenu les 4 banques françaises ayant une BFI dans notre échantillon : BNP Paribas et sa BFI BNPP CIB, Crédit Agricole et sa BFI CA CIB, BPCE et sa filiale Natixis et la Société Générale et sa BFI SGCIB
[2] : Les plans de réduction concernent les BFI en France et celles des filiales étrangères
[3] : Pour les effectifs de la BFI de Natixis, il n’a pas été possible de distinguer BGC et GAPC
[4] : Sans tenir compte des plans de réduction d’emplois de Natixis et celui de la BNPP en 2009 pour lesquels la décomposition géographique n’est pas disponible
[5] : Le document de référence 2012 de la Société Générale n’indique que 880 départs économiques en France sans communiquer sur ceux à l’étranger. Globalement le nombre de suppressions d’emplois pour raison économique était annoncé à 1 500 par la Société Générale début 2012.
[6] : Le document de référence 2012 de la BNPP n’indique pas précisément le nombre de départ BFI en France mais la banque a annoncé le chiffre de 373 départs en France sur 1 596 départs au total en novembre 2012.
Tags :