Rencontre
Comment vous est venue l’idée de marier un roman très contemporain aux récits "orientalistes" qui ont fait votre réputation ?
Catherine Hermary-Vieille : Dans mon esprit, les deux thèmes formaient la base de deux romans différents. Le premier inspiré par la fin de vie de ma mère dans une résidence pour "senior", le second, tiré du récit d’une amie marocaine. J’ai soudain pensé à réunir ces deux
thèmes, et aussitôt compris que je tenais là l’étoffe d’un roman plus complexe et plus riche.
Pourquoi le sort d’Alia prend-il donc une allure si romantique, si fascinante, quand on le compare à celui d’une Française âgée d’aujourd’hui ?
Catherine Hermary-Vieille : Si les caractères des deux héroïnes se ressemblent — courage, volonté d’indépendance —, leurs mondes sont opposés. La narratrice est doucement poussée vers la marginalisation : dans les maisons de retraite, on est surveillé, distrait, nourri, mais on vit désormais entre "vieux", donc coupé de la diversité qui compose la société des hommes. Le monde d’Alia, en revanche, est d’une grande hétérogénéité. Même âgée, elle demeure membre d’une société où vieux et jeunes, riches et pauvres se côtoient. Lorsqu’elle s’assied sur un banc, son chien à ses pieds, les enfants viennent lui parler, des voisines lui proposent de menus services. Même solitaire, elle n’est pas à l’écart de la "vie", alors que la narratrice en est coupée.
Ces destins croisés ne se rejoignent-ils pas finalement ?
Catherine Hermary-Vieille : Oui, bien sûr. Au-delà de destins très différents, les deux héroïnes restent des rebelles, prêtes à payer le prix pour leur liberté. Chez Alia, comme chez la narratrice, le pouvoir du rêve, de l’imagination sera la clef de leur indépendance, même si celle-ci n’est pas toujours rose.