L’idée de Il était une fois 1945 m’est venue à partir de deux faits survenus ces dernières années : le premier sur la base de la lecture d’un article, ayant fait grand bruit, d’un ancien responsable patronal français, Denis Kessler, fin 2007, intitulé Adieu 1945, raccrochons notre pays au monde. Dans son texte, Kessler prend les habits d’implacable procureur des acquis sociaux (nationalisations du gaz, de l’électricité, des chemins de fer, sécurité sociale etc…) liés aux conditions politiques de la Libération de 1945. Comme pour mieux justifier les premiers mois et mesures, sans cohérence apparente, du mandat de Nicolas Sarkozy. En guise de conclusion, il abjure ce qui reste de gaullistes, au sein de la famille de droite, de renoncer définitivement au compromis social noué, en 45, entre De Gaulle et le PCF, face à la poussée révolutionnaire de la Libération.
Le deuxième ressort narratif de Il était une fois 1945 provient d’un épisode d’ordre plus personnel et surtout professionnel. Pas dans la police dont je me suis servi seulement de cadre institutionnel, je précise. En tant que représentant du personnel, en 2008, dans une administration, j’ai été amené à défendre un collègue, victime d’un véritable complot d’une partie de sa haute hiérarchie devant ses réticences voire son opposition à mettre en œuvre des nouvelles modes administratives sans base réglementaire obligatoire, encore. Pour des motifs là encore d’ordre budgétaires. Un rapport accablant, des accusations d’actes délictueux, une procédure disciplinaire convoquée dans l’urgence vont constituer sont lot quotidien durant près de deux ans. Avec la menace d’une possible radiation pour cet homme qui sans être quelqu’un de porté, à priori, sur le syndicalisme ou le progrès social au départ, reste attaché notamment à ce compromis de 1945. Et à une certaine organisation de l’Etat mais aujourd’hui jugée dangereuse pour les funestes projets détaillés dans l’article de presse précité.
Les deux héros sont d’extraction bretonne, comme moi, mais proviennent d’univers sociaux, culturels, sinon opposés du moins contrastés. Le commissaire Madec est issu d’une famille traditionnelle, catholique ancrée dans ses certitudes conservatrices tandis que Le Coz a grandi dans le Brest populaire et ouvrier des années soixante. Pour autant face à l’infamie dont est victime le premier, ils sont contraints de s’entendre pour résoudre l’enquête sur le complot contre Madec.
J’ai eu, donc, l’idée du personnage d’Hervé Madec, un ponte de sensibilité gaulliste de la police parisienne victime d’une cabale de la partie administrative de sa hiérarchie, en pleine prise de pouvoir contre ceux de la vieille école. Sans qu’au début Madec ne réalise vraiment ce qui lui arrive du fait des illusions qu’il continue de nourrir sur sa maison professionnelle. Il n’hésite pas, d’ailleurs, à se révéler sous un jour réactionnaire, dans les premiers chapitres. J’ai situé mon action initiale délibérément dans les banlieues est-parisiennes. Ces dernières sont trop souvent traîtées, selon moi, comme un objet romanesque ou fictionnel, en soi. Elles ne sont pas envisagées dans leur articulation avec le reste du territoire, à commencer par la capitale et les lieux de pouvoir. Comme pour mieux dissimuler la manipulation à laquelle serait vouée la population de ces territoires : tantôt pour être stigmatisée, tantôt pour être utilisée cyniquement comme base électorale. Les figures de l’élu Hicham Nassah, de la policière municipale Laure Gardinier ou encore du religieux Ahmed Kerouak témoignent de niveaux divers de compréhension de cette utilisation politique.
Le titre de ce roman noir est inspiré par deux choses à commencer par toujours cette mystique de 1945, si chère au personnage du commissaire Madec. Mystique qui reste, en même temps, un leurre puisque ce compromis social demeure le produit de la crainte conjointe des dirigeants gaullistes et communistes, mais surtout d’une bourgeoisie compromise, d’affronter un véritable soulèvement à la Libération. Mystique aussi d’une résistance massive face à Vichy et l’occupant. En fait, un petit peu comme une histoire pour enfant racontée après la guerre d’où le « Il était une fois » au moins autant que le clin d’œil au grand Sergio Leone.