La vingtième enquête du Commissaire Brunetti nous introduit à pas feutrés dans le monde silencieux de la vieillesse et du bénévolat.
Qu’est-ce qui fait « tiquer » Guido après avoir été appelé auprès d’une sexagénaire aisée, dont tout indique qu’elle est morte d’une crise cardiaque ? Enseignante retraitée, Costanza Altavilla avait choisi de passer beaucoup de son temps libre auprès des personnes recluses dans une maison de retraite religieuse. Elle les écoutait. Sa voisine l’a retrouvée sans vie chez elle, dans une petite flaque de sang, près du radiateur … Le médecin légiste Rizzardi certifie que sa mort est consécutive à un arrêt du cœur, une fibrillation … Brunetti est tenté de laisser tomber. Cependant, il a remarqué deux étranges indices : dans la commode de la chambre d’amis sont rangés des sous-vêtements féminins encore sous emballage, de qualité basique, en trois tailles différentes … Et, sur les murs, il y a des clous « orphelins » de leurs tableaux … La vieille dame aurait-elle reçu chez elle des personnes malveillantes, qui l’auraient molestée ?
Aidé de la toujours aussi habile Signora Elettra, le commissaire remonte les fils des personnes qui ont eu contact avec la morte. En particulier dans la maison de retraite où elle exerçait ses activités bénévoles. En vain, il rencontrera à deux reprises la mère supérieure, un monument de discrétion, comme on la pratique dans le Sud, parce qu’on sait que parler peut amener de sévères représailles. Les résultats de l’enquête ne seront pas spectaculaires. Mais le chemin de déduction mène vers un territoire peu souvent exploré : la vieillesse extrême, l’abus de faiblesse, le détournement de volontés, les faux témoignages achetés, le remords, les victimes qui deviennent des bourreaux, parfois involontaires. Vérité, discrétion, bienveillance bafouée, justice immanente … chaque vie recèle des secrets, mais Guido Brunetti – toujours aussi amoureux de Paola - a une longue expérience et une excellente mémoire.
Par petites touches, qui miroitent comme les reflets changeants du soleil sur les eaux du Grand Canal ou éblouissent comme des éclats fulgurants sur les coupoles de la Basilique San Marco, Donna Leon livre un de ses meilleurs livres, avec toujours en toile de fond la critique acerbe de la complexité italienne, de ses mœurs administratives corrompues … mais moins que dans de précédentes histoires. Ici, ce genre de situation pourrait se dérouler tout aussi bien en France ou ailleurs … mais ce qui en exalte le charme, c’est Venise !
Deux veuves pour un testament, « Drawing Conclusions » thriller de Donna Leon traduit par William Olivier Desmond, édité chez Calmann-Lévy, 285 p. 21,50€