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Corps et monde (2014) : tourisme corporel

Publié le 03 mars 2014 par Jfcd @enseriestv

Corps et monde est une nouvelle série documentaire diffusée depuis février sur les ondes de TV5 Canada. Chaque semaine, on nous amène quelque part dans le monde et on nous présente les différentes « relations » qu’ont les gens par rapport à leur corps d’un point de vue individuel, mais aussi sociétal selon les cultures visitées. Du Japon, de la Californie ou encore de l’Inde, on est à même de distinguer les différences parfois majeures qui existent entre les cultures, du rite initiatique aux idéaux de beauté. Animée par Philippe Desrosiers, on nage un peu dans les mêmes eaux que dans Sexe autour du monde, série à laquelle il était aussi à la barre, mais avec un corpus plus large. Corps et monde exploite habilement les dualités qui existent entre esthétisme et spirituel, vanité et nécessité pour adhérer à un groupe. Bref, un sujet qui ne peut laisser personne indifférent, parce qu’après tout, s’il y a une seule chose que chaque humain possède à part entière, c’est bien son corps.

D’un continent à l’autre

Tous les pays visités ont quelque chose d’unique et ce qui frappe lors de la visite au Japon, c’est le culte de l’enfance. En matière de mode, la femme typique n’a pas besoin de séduire avec des accoutrements provocants ou du maquillage exagéré. Physiquement elle ne se définirait pas en tant que sexy, mais plutôt mignonne. Il en va de même pour les hommes, dont le look androgyne a la cote bien avant les muscles ou une attitude que l’on pourrait qualifier de virile. Ce qu’il y a d’intéressant ce documentaire, c’est qu’on tente de trouver des réponses aux contrastes qui définissent les peuples et dans ce cas-ci, l’inclinaison pour l’enfance pourrait être expliquée en partie par la morphologie même de ce peuple. Le Japonais moyen a des jambes arquées, de courtes jambes et un tronc long. Les femmes n’ont pas beaucoup de poitrine alors que les hommes sont presque imberbes. La population a des yeux marron et des cheveux droits foncés. Ainsi, les corps, masculins et féminins se ressemblent beaucoup, tout comme ceux des enfants avant la puberté, d’où cette attitude face au corps.

Corps et monde (2014) : tourisme corporel

L’exercice physique est aussi pratiqué à des fins différentes dépendamment du pays où l’on se trouve. Au Japon, la population plus âgée a l’habitude de se rassembler quotidiennement dans des lieux publics pour faire des exercices. Cette saine habitude de vie ajoutée à plusieurs autres facteurs fait du pays nippon celui où l’espérance de vie est la plus haute au monde. À l’inverse, on remarque qu’en Californie, le culte du corps est voué davantage au paraître. C’est d’ailleurs en occident que le culturisme y est le plus populaire. Les gens vont au gym en solitaire et ceux qui s’y adonnent de façon professionnelle acceptent volontiers de déambuler devant un jury et de se faire évaluer… un peu comme du bétail. Dans Corps et monde, on nous mentionne que le tiers des Américains souffrent d’obésité et c’est peut-être en réponse à cette situation pour le moins alarmante que certains vont dans l’autre extrême.

À l’opposé, en Inde, c’est le soin de l’âme qui passe par le soin du corps. Comme le dit un grand prêtre hindou au cours d’une entrevue, dans la religion indienne, le corps est considéré comme un temple en soi et si on s’inflige de la torture, ce doit être dans le but de souffrir pour Dieu. Philippe Desrosiers s’entretient avec un jeune homme qui chaque année participe au Tai poussam, un festival de perçage traditionnel malaisien. Pour se faire, il se fait percer une tige de 10 pieds de long à travers les joues et défile durant 4 heures jusqu’au temple. Auparavant, il doit se purifier en faisant un mois de jeûne, ne pas avoir de relations sexuelles et doit s’éloigner de toute saleté. Durant la célébration, il est considéré comme étant le porte-étendard de la pureté et les gens se prosternent à ses pieds puisqu’il représente à lui seul le sacrifice de toute la communauté. Dans le même sens, on nous expose au cours de l’épisode consacré à ce pays à la médecine ayurvédique à laquelle on a recours depuis des millénaires. Le mot est un amalgame de vie (ayur) et connaissance (veda) et puise ses origines dans le Veda ; un ensemble de textes aux origines religieuses. Traiter le corps à l’aide des écrits de sages, cette médecine qui a été reconnue par l’Organisation mondiale de la santé, est encore très populaire en Asie du Sud. Donc, trois pays de cultures différentes dont le corps est au service du paraître, du bien-être et du spirituel, dépendamment du lieu géographique.

Corps et monde (2014) : tourisme corporel

Nous et les autres

L’influence des Occidentaux sur la planète entière est indéniable. Pourtant, on a souvent tendance à considérer certaines pratiques des autres qu’il s’agisse de rituels, de croyances ou d’esthétisme comme étant barbares. On pourrait dire que la religion aux États-Unis, c’est la caméra. Qu’on soit au cinéma, à la télévision, dans les magazines et surtout dans la publicité. Ces médiums propagent un véritable culte du corps mettant au premier plan des vedettes qui pour la plupart sont loin de mériter une telle notoriété. Ainsi, on peine à comprendre que les Japonais perçoivent la beauté dans l’asymétrie et que les Indiens puissent s’adonner à certains rituels comme le perçage extrême. Pourtant lors du second épisode, on se rend dans une clinique esthétique de Los Angeles ou femmes et hommes fortunés se font donner des massages avec une crème de diamants broyés sensée exfolier le corps, le tout pour une somme qui dépasse l’entendement. Qui ici peut se permettre de donner des leçons?

Corps et monde (2014) : tourisme corporel

Là est la force de Corps et monde qui met en lumière les contrastes entre les cultures et on se rend vite compte que le « charlatanisme » est loin d’être la chasse gardée des Orientaux. La série ne se contente pas de nous présenter les rites ou soins du corps, elle est à l’écoute de ceux qui la pratiquent ou la subissent. Philippe Desrosiers donne la parole à ses interlocuteurs et sait surtout les écouter. En Inde par exemple, il décide de se rendre dans une communauté sikhe et n’hésite pas à questionner un de ses membres sur la pertinence de porter le turban, même lors d’événements sportifs : un sujet dont on avait fait des gorges chaudes au Québec au cours de l’été 2013. D’entendre son interlocuteur défendre son point de vue sans contraintes dans un pays comme l’Inde où c’est monnaie courante a quelque chose de rafraîchissant et de bénéfique pour tous les téléspectateurs qui font preuve d’ouverture d’esprit et qui n’ont pas peur de voir leurs préjugés remis en question.

Tout comme Sexe autour du monde, Corps et monde fait partie de ces documentaires qui trouvent la ligne juste entre l’information et le divertissement. On nous présente le corps humain dans une perspective plus globale et on nous fait découvrir certaines pratiques pour le moins étrangères, mais qui ont cependant fait leurs preuves dans certains cas depuis des millénaires. L’originalité et la pertinence des intervenants sont à l’image de l’intervieweur qui n’hésite pas à se prêter à certains rites, à ses risques et périls!


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