Comment dégonfler facilement la « bulle » de la CSPE ? Tribune de Jason Eyrat

Publié le 02 mars 2014 par Arnaudgossement

Je remercie Jason Eyrat (pseudonyme connu d'un acteur anonyme du domaine de l'énergie) de m'avoir adressé une tribune sur la CSPE que je publie ci-dessous.


Comment dégonfler facilement la « bulle » de la CSPE ?

Le ministre de l’Écologie, du Développement durable et de l’Énergie a lancé une consultation (close vendredi) sur « l'évolution des mécanismes de soutien aux installations sous obligation d'achat ».

Le contexte se fait pressant, qu’il s’agisse de la forte progression des charges de service public de l’électricité (6 milliards d’euros pour 2014 selon la prévision de la CRE, dont plus de la moitié sera imputable aux contrats d’achat), des récentes orientations de la Commission européenne (dont chaque pays, notamment le nôtre, fait une lecture sélective), du succès du recours de Vent de colère contre l’arrêté tarifaire éolien du 17 novembre 2008 ou encore du lobbying des électro-gaziers (demandant une baisse du soutien aux énergies renouvelables et une meilleure rémunération des capacités).

Mais ce contexte fait oublier à de nombreux analystes du secteur quel est le mode de calcul de la compensation versée à EDF en matière d’obligation d’achat. L’article L121-7 du Code l’énergie (anciennement article 5 de la loi du 10 février 2000) précise que cette compensation se calcule par « par référence aux prix de marché de l'électricité » en métropole continentale. Cette « référence » dépend de la filière et est précisée dans « l’annexe 1 » de la délibération annuelle de la CRE : prix moyens mensuels pour le photovoltaïque, trimestriels pour l’éolien, marché à terme pour la cogénération, etc… (plus rigoureusement la production de chaque filière est répartie suivant son caractère quasi-certain ou aléatoire, et un produit de marché lui est affecté).

Mais le marché de l’électricité fonctionne-t-il « bien » ? Quelle est la proportion des échanges sur les marchés par rapport au volume total d’électricité ? Les « prix » reflètent-ils les « coûts » ? Le prix de la tonne de CO2 est-il satisfaisant au regard des objectifs des politiques publiques ? Les réponses à ces questions se trouvent dans les publications de l’observatoire des marchés de la CRE et, surtout, dans le rapport du Commissariat général à stratégie et à la prospective (« La crise du système électrique européen »).

Alors quel crédit donner à cette « référence aux prix de marché de l’électricité » ? Quel autre mode de calcul de la compensation pourrait être adopté ? Il suffit de revenir 10 ans en arrière.

A l’origine, la référence prévue par l’article 5 de la loi du 10 février 2000 était les « coûts d'investissement et d'exploitation évités » à EDF. Mais en 2004 le gouvernement et la CRE (« chargée de veiller au bon fonctionnement des marchés de l'électricité et du gaz en France ») étaient emplis d’optimisme : le marché se devait de « bien » fonctionner. C’est pourquoi l’article 118 de la loi de finances rectificative pour 2004 modifia la référence aux « coûts d’investissement et d’exploitation évités » pour y substituer celle « aux prix de marché de l’électricité ». Or le « mauvais » fonctionnement du marché de l’électricité, les analyses du « coût » de l’électricité en France (Cour des comptes, Sénat, commission d’enquête) et la fragilité du modèle nucléaire (déboires de l’EPR, catastrophe de Fukushima, positions de l’ASN) nous montrent que ce changement de référence n’était pas judicieux.

Lien vers la consultation : http://enqueteur.dgec.developpement-durable.gouv.fr/index.php?sid=13245&lang=fr