MWC 2014 : Coup d’oeil dans le rétroviseur

La semaine dernière, entre le MWC à la Fira Gran Via, les conférences de presse, l’Unpacked de Samsung et la douceur faisant déjà de Barcelone une ville fleurie aux apparats printaniers, la virée catalane annuelle était bien sympa. Reste qu’en termes de produits nouvellement présentés, rien de transcendantal n’a pointé le bout de son nez. Le MWC finit de se muer en un lieu où l’on fait d’abord du business, et où on y présente encore quelques nouveautés…

Vous reprendrez bien la même chose, avec un autre emballage?

Je ne sais pas si c’est parce que c’est déjà la 5e édition du MWC à laquelle je me rends, que l’emplacement précédent, à la Fira Montjuic était bien plus sympa, ou simplement parce que le marché des smartphones arrive à saturation et que les constructeurs visent d’abord les rentrées d’argent en avançant avec prudence, sans bond significatif d’un an à l’autre, mais si la platitude était déjà à signaler l’an dernier, cette cuvée 2014 du MWC était encore plus ennuyeuse.

Si Samsung a décidé de présenter son S5 en bord de mer, à une petite dizaine de kilomètres du centre-ville, tout au bout de l’avenue Diagonal, plutôt que lors d’un event fastueux à New York, il faut bien croire que l’investissement marketing n’en valait pas la chandelle. Le S4 ressemblait déjà au S3, et le S5 n’est finalement qu’un S4 avec un meilleur capteur photo, un lecteur d’empreintes digitales et un traitement le rendant résistant aux éclaboussures et à la poussière. Il faut dire qu’en termes de composants, les constructeurs ont été un peu coincés cette année. Qualcomm n’avait en stock « que » le Snapdragon 801, évolution minime (env. 10% de performances en plus) du Snapdragon 800. Tant Samsung que Sony, avec son Z2 l’ont intégré. Mais pour l’un comme pour l’autre, ces smartphones haut de gamme de printemps ne valent pas le détour pour ceux qui possèdent le modèle précédent, tant l’évolution en minime. D’autant qu’il y ait fort à parier que nombre de constructeurs attendent le Snapdragon 805, qui arrivera en mai, pour réaliser des déclinaisons de leurs mobiles haut de gamme…

Certains soulignent l’arrivée en force des Chinois sur le marché européen du mobile. Mais ces acteurs sont déjà là depuis un moment. Si on pense à Huawei, à la qualité de produit plus que convenable, dont la nouvelle phablette Media Pad X1, au design honteusement pompé sur l’iPhone 5 remis à l’échelle, on peut se dire que l’avancement attentiste de la marque est purement stratégique. Pour le constructeur, du moins en Suisse, il n’a jamais été question de marketing, ni d’aucune démarche proactive. Le placement tarifaire ne correspond de plus aucunement à ce à quoi les gens s’attendent : du bon marché bien conçu. Au contraire, les tarifs sont volontairement tirés vers le haut, et l’Européen devient la nouvelle vache à lait espérée. Qui ne mord pas encore à l’hameçon. Et il n’y a rien d’étonnant, puisque ces produits, qui pourraient être attractifs, se coupent de la masse d’acheteurs potentiels en n’étant ni mis en avant par le marketing, ni proposés à de prix attendus. On peut copier s’inspirer de designs réputés, cela ne suffit pas. Les Coréens ont encore de beaux jours devant eux, à moins que tant Huawei, ZTE ou Lenovo ne cassent leurs prix tout en augmentant encore un peu la qualité de leurs produits. Eh puis, Android est tellement présent qu’on finit par avoir l’impression, hors quelques rares fantaisies au niveau du design, de se retrouver avec des produits quasiment tous équivalents, du moins en termes d’expérience utilisateur.

Alors on se met à fouiller sur les stands. Asus propose une évolution de son PhonePad, et lui adjoint un petit frère de taille réduite, avec une tablette de 7 pouces servant de base au smartphone de 4,3 pouces. Là aussi, si le concept était excellent l’an dernier, la nouvelle déclinaison mini ne surprend pas. Alors, je me suis dit qu’il ne fallait pas louper le Nokia X(L), « aka » Normandy. J’avais vu un rendu, et l’image, forcément travaillée, donnait envie de voir fonctionner cet apparent bras d’honneur de Nokia à Microsoft, avec ce smartphone fonctionnant prétendument sous Android. Et là, mon Dieu, on revient très vite sur terre. Même le plus « haut de gamme », si on ose dire, puisque proposé à environ 150$, le Nokia XL, donne une impression de jouet Playmobil. Certes, la construction est monobloc, en polycarbonate, mais la sensation de prise en main n’a rien à voir avec un Lumia. Et ce qu’a fait Nokia d’Android, en l’habillant à la sauce Windows Phone, sans omettre de couper tout lien avec le Play Store de Google est complètement barré en termes d’expérience utilisateur. Les applications maison sont sans doute bonnes, mais la castration opérée est telle, sans oublier une fluidité d’utilisation qui nous fait remonter le temps, que cela finit par nous donner l’impression qu’il s’agit d’une grosse plaisanterie. Il y a sans doute un marché à prendre, entre les Aisha et les Lumia, mais ce mélange est tout sauf probant. Reste un espoir pour les bidouilleurs, vu que des petits malins ont déjà pu lancer Nova Launcher, qui redonne au Nokia X(L) un semblant d’apparence Android. Ce qui laisse présager que la communauté de développeurs actifs sur les forums de XDA pourrait bien s’intéresser à lui en lui offrant une ROM AOSP Android potable, avec un accès au Play Store. Sans prendre trop de risque, on peut même avancer à l’heure actuelle que l’expérience proposée par Firefox OS est nettement meilleure, et ce, sur des smartphones encore moins chers (un modèle à 25$ sera commercialisé d’ici peu…).

En continuant le tour des OS « alternatifs », il y avait beau chercher du Tizen, le très prometteur système d’exploitation dont Samsung est un des principaux souteneurs. Il était quasiment absent du salon. Un seul petit stand, bien planqué, faisait montre du système, pourtant déjà bien avancé et agréable à l’utilisation. A tel point même qu’habillé avec une sorte de surcouche sur un smartphone estampillé Samsung, il donnait l’impression d’utiliser Android avec Touchwiz. Mais Google doit certainement faire suffisamment pression sur le constructeur coréen pour que Tizen reste dans l’ombre, du moins pour l’instant. En discutant avec un responsable du marketing de Samsung Suisse lors de l’Unpacked, à la question: « Pourquoi n’y a t’il pas de smartphone sous Tizen cette année? », la réponse semblait déjà apprise par coeur : « Nous avons un produit sous Tizen, la Gear 2, et nous ouvrons le SDK aux développeurs, assurant plus d’applications sur la nouvelle smartwatch ». Bien. Sauf que le modèle le plus intéressant, la Gear Fit, à l’écran AMOLED incurvé (enfin!) ne fonctionne ni sous Android, ni sous Tizen, mais avec un OS « maison », totalement fermé. Comme tous les bracelets connectés, brandis par un grand nombre de marques. Des objets connectés à l’utilité qui reste à prouver, puisqu’ils n’apportent rien qu’un smartphone ne fait déjà. Ou plutôt si : des revenus supplémentaires à leurs fabricants, qui espèrent sans doute nous refourguer les services « bons pour la santé » qui vont avec. Forcément, puisque pour ces vendeurs, les « objets » connectés ne sont pas ceux qu’ils présentent, mais ceux qui les porteront. Des objets sur 2 pattes, qui payent par carte de crédit, en somme.

On pourrait encore citer le BlackPhone, ce smartphone qui joue la carte de la parano ambiante depuis les affaires soulignant les énormes oreilles de la NSA. J’ai arrêté de suite de poser des questions au sujet du smarphone lorsque l’on m’a répondu que si l’appareil mettait en sécurité la plupart des données privées par cryptage, il serait prétentieux d’affirmer qu’il est totalement étanche aux systèmes d’écoute de l’agence de l’Oncle Sam. Un pur produit marketing, qui aurait pu sortir il y a 2 ans comme dans 5. Mais comme l’air du temps se prête à sa vente, pourquoi se priver de rentrées de cash.

Une bonne surprise tout de même...

Je vous vois déjà venir. Facile, me direz-vous, de pointer du doigt ce qui ne convient pas. Mais à force de voir de partout des récits dithyrambiques à propos de la moindre fonction ajoutée sur un mobile, reprenant en coeur les credo d’un marketing qu’on ne sait situer entre deux extrêmes, soit assommant, soit carrément risible, je finis par préférer ne pas traiter les sujets à chaud et prendre un peu de recul.

Alors non, ce MWC n’aura dévoilé rien de fantastique. Heureusement, au détour de la première halle, un rayon de soleil venu du nord a réussi à allumer la petite flamme geek qui avait failli s’éteindre. Peut-être avez-vous entendu parler, parmi la cascade d’OS alternatifs, de Sailfish? Mais oui, ce descendant de MeeGo, sur lequel d’anciens de Nokia travaillent depuis quelques années. Cette équipe, réunie sous le branding de Jolla, ne se contentait pas de présenter un OS, mais également un smartphone, portant le même nom que leur entreprise. Avec un design industriel réussi, ce Jolla a été la vraie bouffée d’air frais à ce MWC. Dépourvu de bouton de retour, tout en écran, le smartphone tire parti de Sailfish et de son ergonomie particulière. D’aucuns, trop pressés, de passage sur le stand, prenaient le smartphone, essayaient la chose sans rien y comprendre, puis s’en allaient en se grattant la tête. Pourtant, toute la navigation dans l’interface peut se passer en utilisant le pouce d’une seule main. En déplaçant ce dernier dans 4 directions, gauche, droite, haut et bas, on accède très simplement à toutes les fonctions auxquelles les autres OS nous ont habitués. Et le plus beau dans l’histoire, c’est que sur Sailfish, qui dispose d’une bonne centaine d’apps dédiées, si on désire installer un .apk Android, c’est totalement réalisable, et ce, de façon transparente, avec même un accès à un store alternatif. En 5 minutes, on se rend compte que les gars de Jolla ont pensé le produit de bout en bout. Et si cela ne devait pas suffire, ils restent à l’écoute. Les utilisateurs peuvent poster leurs remarques et demander de nouvelles fonctions à intégrer dans l’OS, sur un forum dédié. Par la suite, un vote relatif à ces demandes est proposé à la communauté, et les fonctions les plus réclamées se voient ajoutées à la mise à jour suivante. Alors que je pense, comme d’habitude, tester quelques modèles présentés au MWC en demandant un exemplaire de test lorsque le marketing de tous les « grands » nous fera parvenir les disponibilités pour la Suisse, chez Jolla, j’ai un peu bousculé le démonstrateur pour avoir le responsable et lui demander expressément un modèle de test très rapidement, histoire de pouvoir se faire une meilleure idée d’une utilisation au quotidien de ce smartphone à l’OS original…

Vivement cet automne. Il y a fort à parier que cette année, les vraies nouveautés n’arriveront qu’avec les nouveaux processeurs de Qualcomm, juste à temps pour les mettre sous le sapin. Ou peut-être du côté de Cupertino, si tous les éléments fabriqués ailleurs réussissent, comme par magie, à se fondre dans un nouveau produit forcément « amazing ». Du moins pour ceux à qui le marketing et la publicité parviendront, une fois de plus, à faire croire qu’ils en ont a un besoin vital.

Vous avez aimé cet article ? Alors partagez-le avec vos amis et venez en débattre sur le Forum.

[Show as slideshow] 12►