C’est un phénomène vieux comme le monde… A force de rabâcher la même chose pour que le public l’aime, on finit par provoquer l’effet inverse. Cela devait arriver avec Lupita Nyong’o.
Pas un jour ne passe sans que des gens ne se plaignent sur les réseaux sociaux de sa sur-médiatisation, de sa laideur, du fait qu’elle ne serait rien d’autre qu’une starlette qu’on aura oublié dans six mois. C’est assez drôle d’ailleurs, on compare l’effet Lupita à l’effet Gabourey Sidibé (avant la sortie de “Precious“). Oui, c’est vrai, Hollywood aime parfois se lover dans ses propres contradictions.. Imposer des canons de beauté stricts et de l’autre côté, célébrer (temporairement) tout leur contraire… pour se donner bonne conscience.
Je crois que ce que les gens tendent à oublier, c’est que le fait qu’on puisse la trouve belle ou non n’est plus le sujet..
Avec un seul film (et une excellente équipe de RP/Branding), elle incarne déjà quelque chose qui va rester dans les mémoires, et ça, c’est au-delà de tout débat: une jeune africaine, talentueuse, élégante, qui s’exprime bien, qui a fait des études, qui n’oublie pas d’où elle vient mais n’a pas à le revendiquer en permanence, qui a de bonnes manières….. bref, une africaine contemporaine NORMALE. Elle n’est pas une réplique cheap de Beyoncé, elle n’est pas une “bombasse” primaire, elle n’est pas le cliché non plus de l’africaine “exotique” fraîchement débarquée de sa pirogue. Elle n’est pas un fantasme afro-américain, elle est juste.. NORMALE. Une normalité qu’elle incarne avec tellement de grâce qu’on finit par la remarquer, qu’on le veuille ou non. Ok, c’est une “enfant de”, elle a vécu dans le confort, loin du style de vie de la majorité des africains…
ET ALORS ?
Doit-elle en avoir honte ? Qu’elle devienne le nouveau stéréotype de l’africaine dans les médias occidentaux ne peut pas (nous) faire (plus) de mal (que ce qu’on a eu jusque maintenant). C’est pour quoi j’ai, depuis le départ, toujours établi un rapport entre elle et Solange Knowles. Elles ont apporté de l’air frais dans le paysage en étant elles-mêmes. Pas pour se mettre en opposition avec X ou Y, mais en étant à la fois normales et singulières. On appelle cela avoir de la personnalité… et ça parle à tout le monde, ça.
Maintenant, pour ce qui est de sa peau et de ses cheveux… Elle a déplacé le curseur en matière de codes de beauté. Là où on attendait qu’elle ait un tissage, la peau claire et un fessier bombé, elle a fait tout le contraire… et quand on la regarde, on sent que ce n’est pas par anticonformisme. Elle se sent juste bien comme elle est. Sa popularité vient en partie du fait que ce genre de choses finit toujours par transparaître et devenir contagieux. Si Lupita séduit, c’est parce qu’elle dégage une confiance en elle qui la rend non pas prétentieuse, mais sympathique et inspirante. On vit son rêve hollywoodien avec elle, elle incarne la fille qu’on serait particulièrement fier d’avoir en amie. Pas parce qu’elle est célèbre, mais parce qu’elle dégage quelque chose qui va vous tirer vers le haut. Et ça, elle l’évoque aussi bien chez les noirs que les blancs. Les valeurs que Lupita représente malgré elle sont bien plus importantes que sa petite personne, c’est cela qui plaît aux médias, aux marques… et aux gens. Toute proportion gardée, c’est un peu comparable à l’effet “Lady Di“, qui a su conquérir le coeur de tous en étant elle-même dans un milieu ultra-conformiste (la famille royale).
Est-ce que cela fait de Lupita Nyong’o quelqu’un d’intouchable ? Est-ce que cela signifie qu’on n’ait pas le droit de ne pas l’apprécier ? Bien sûr que non.. mais à nouveau, la question n’est plus de savoir si on aime Lupita ou non. C’est sûr, elle n’est pas le nouvel étalon exclusif de la beauté noire, elle a juste rajouté un peu plus de diversité à celui-ci. Il n’est donc pas surprenant qu’elle cause autant de débats, parfois infondés, puisqu’en quelque sorte elle menace une forme d’ordre établi.. Vous savez, celui de la supposée “vraie femme noire”, de la “bad bitch”, la video vixen de Tumblr/Instagram/Télé-réalité.
L’espace de quelques mois, elle a changé le game à son niveau. Elle a réussi là où même des afro-américaines au teint et à la chevelure “acceptables” sont nombreuses à échouer, en pleine époque post-Oprah Winfrey. C’est un fait, et il n’y a pas à discuter sur les faits.