C’étaient quatre filles, quatre femmes réunies par une passion commune, les belles lettres, les bons mots, une curiosité en partage, une situation étrange. Des connaissances lointaines, remontant à l’enfance, des plus récentes, et de parfaites inconnues, quatre femmes sous un même toit, celui d’un cabanon, une même pièce, un abri pour leurs rêves … et leurs ronflements … C’étaient quatre rigolotes d’horizons différents, dans une situation embarrassante, du dortoir commun, de l’abandon des corps.
Et puis il y eu les réveils échelonnés, les retrouvailles autour de la table, en terrasse dans la garrigue. Les bols empilés, le café, le pain grillé, quatre femmes dans le vague de l’incertain ensommeillé, cheveux en batailles, vêtements froissés, visages dépouillés de toute protection, du masque des artifices, fraîcheur matinale.
Tintements des petites cuillères sur la porcelaine, raclements des couteaux sur la tartine rugueuse, un mot une phrase rauque, un mot en entraînant un autre, un autre les entraînant dans les profondeurs de leurs souvenirs, de leurs présents imparfaits, de leurs passés décomposés, de leurs futurs conditionnels, et d’osciller des rires doux aux larmes légères. Et se lever fuir l’emprise de l’émotion, décider que voilà c’est terminé, qu’il est grand temps de passer à autre chose. Et l’une lave, l’autre essuie, une autre range, elles s’affairent, rapides et délicates.
Il fait froid, lance l’une debout droite sur la terrasse. Les autres l’ont rejointe, elles sont côte à côte silencieuses, regardent le ciel en quête d’un signe peut-être. C’est supportable, rétorque enfin une autre. Mais laquelle, toutes l’auraient pu toutes l’ont répété, c’est supportable, supportable
Et les rires ont éclatés comme un orage libérateur
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