Hollande part en Afrique quand l'Europe de l'Est s'embrase en Ukraine. Une révolution près de l'Europe qui effraie l'extrême gauche et la droite rassemblées. Poutine envoie son armée, Obama réagit, Hollande est ailleurs.
Lundi, la semaine avait pourtant bien commencé, en beauté.
La gauche, toute la gauche, sans tri sélectif ni rancoeurs verbalisées, avait voté comme une seule femme et un seul homme, la loi la plus à gauche depuis le début de ce quinquennat. Un texte qui encadre les conditions d'embauche de stagiaires: limitation des durées, rémunération, tickets restaurants, prise en charge des frais de transport, durée de travail plafonnée à celle des salariés, etc. le temps d'un débat parlementaire, nous avions retrouvé nos clivages les plus profonds. Des députés de droite, minoritaires, qui jouaient la montre et l'argument libéral.
Des élu(e)s de gauche qui se rappelaient l'urgence à lutter contre la précarité. Mais cette unanimité n'a qu'un temps. Manuel Valls s'écharpe avec un élu du XVIème arrondissement de Paris. Un "fight" inutile. Jeudi, on peut pleurer. Le chômage, dernière livraison statistique, augmente encore. L'inversion de la courbe du truc n'a pas eu lieu. La presse se délecte. Hollande mise sur son pacte avec le Medef irresponsable. Des responsables socialistes s'insurgent dans les couloirs de Solferino.
On nous promet un remaniement après les municipales. Jean-Marc Ayrault aurait été prévenu de son prochain départ de Matignon. Des conseillers feraient leurs cartons. Fabius voudrait moins de ministres. Hollande ne dit rien, mais ses ministres sont devenus sinistres et tétanisés. C'est un grand jeu de la Vème République. En son temps, Nicolas Sarkozy avait fait fort en l'annonçant publiquement avec près de 5 mois d'avance, avant de décider de conserver Fillon jusqu'à l'humiliation.
Hollande est au Salon de l'agriculture, moins longtemps que l'an passé. Samedi, une manifestation à Nantes contre l'aéroport de Notre-Dame des Landes dérape dans la violence à cause de quelques marginaux qui voulaient en découdre. La gauche de gouvernement s'échauffe. Des socialistes réclament des clarifications aux écologistes, c'est-à-dire leur départ. Le radical de gauche Baylet accuse EELV d'obscurantisme. Cécile Duflot réitère son soutien aux Zadistes, "plutôt deux fois qu'une !".
Et toc...
La droite est en colère.
Dans les cercles libéraux, les vrais et purs, on s'agace de l'opération de séduction lancée par Hollande sur tout ce que compte la presse d'éditorialistes conservateurs et les milieux patronaux. "La politique économique de la France est en échec!"s'exclame Nicolas Beytoux (L'Opinion du 26 février). Hollande "maîtrise l'art de brouiller les pistes" râle le libertarien exilé en Suisse Pierre Chappaz. En cause, de nouvelles prévisions économiques de la commission de Bruxelles qui font jaser jusqu'à Berlin et Paris. La croissance reviendrait, mais faible (1% en 2014; 1,7% l'an prochain). Le chômage stagnerait à 11%, on attend "l'inversion de la hausse de la courbe". Plus grave pour nos néolibéraux, le déficit budgétaire ne serait pas ramené en deçà des 3% du PIB en 2015 (la Commission table plutôt sur 3,9).
Cette dernière prévision, qui n'est qu'une prévision, suffit à nos commentateurs de droite mais aussi de gauche pour conclure que la promesse budgétaire de François Hollande n'est donc pas tenue.
Quelle indulgence pouvons-nous accorder à des gens qui confondent les prédictions d'une Madame Irma bruxelloise avec la réalité ?
Aucune.
François Hollande part au Nigéria puis en Centrafrique.
La zone est en tension. Même au Mali, les sbires d'Al Qaïda rôdent à nouveau dans le Nord du pays, 13 mois après le lancement de l'intervention française. Il promet qu'une commission d'enquête des Nations unies "sera bientôt en place, et la Cour pénale internationale va ouvrir une enquête préliminaire".
Plus grave encore, l'Ukraine à peine libérée de l'autocrate Iouchtchenko, est menacée de sécession. L'opposition victorieuse a obtenu des élections anticipées en mai prochain. Mais sa composition est trouble, néeo-nazis, démocrates et anciens corrompus. La Crimée, pro-russe, renverse le pouvoir local. Poutine envoie des soldats russes. Barack Obama menace. Hollande s'inquiète. La région, aux frontières de l'Europe, s'alarme.
En France, les clivages sont surréalistes. Quelques vrauchistes décident que ce printemps ukrainien est trop trouble pour être soutenu. L'une voit les manoeuvres d'Israël. D'autres applaudissent Poutine. Retournement des alliances, confusions des valeurs. Jean-Luc Mélenchon lui-même sombre en dénonçant un complot atlantiste: "la mise en cause du gouvernement Ianoukovitch est fondée. (...) Mais ce n’est pas une raison pour encenser l’opposition, mentir sur son identité, amnistier des criminels et des délinquants, tout cela pour participer à une manœuvre contre la Russie contraire aux intérêts de la France."
A Berlin, un ancien monarque ose affirmer que le monde n'est plus que coopération et interdépendance. Le candidat Sarkozy est de sortie. Propos lénifiants sur une estrade payée par la CDU allemande. Il feint le discours désintéressé. Il poursuit son tour de France et d'ailleurs avant de revenir en campagne. Il stresse à l'idée qu'Hollande lui ait chipé le centre.
A Paris, Jean-François Copé est embarqué dans une tourmente. Deux de ses proches, via une agence de communication, ont surfacturé quelques 8 millions d'euros de frais à l'UMP dirigée par Copé pendant la campagne présidentielle de 2012. C'est un coup bas, assurément téléguidé. Qui donc pouvait avoir accès aux documents comptables de l'UMP si ce n'est une source interne ? Copé accuse le Point qui serait donc spécialisé dans l'UMP-bashing. Lionel Tardy, soutien de Fillon, balance sur Twitter: "tout le monde savait. C'est la raison pour laquelle je n'ai pas voulu participer au Sarkothon".
La droite se déchire et on croit rêver.
Vendredi, la cérémonie des Cesar récompense des films qui troublent, gênent, agacent et énervent cette droite tea-partisée effrayée par l'homosexualité et l'évolution du monde. Il ne manquait plus qu'une fatwa.