A l’occasion du nouveau carnaval institué en février 1980, et qui dura six jours, furent repris des éléments de l’exposition du palazzo Grassi sur "Venise et l’espace scénique", celle du Museo Correr sur les ornements et les costumes des embarcations lors des cortèges et régates, à la Cassa di Risparmio di Venezia, avec costumes, gravures, livres anciens et instruments musicaux, tandis que la fondation Querini Stampalia s’attachait aux étoffes, lampas, damas et brocarts, et que les Archives d’État de Venise proposaient une recherche sur l’activité théâtrale pendant le carnaval.
Le carnaval de Venise a repris vie à l’occasion de la mise en place d’une biennale de théâtre, au début des années 1980. Cette biennale se déroulait à l’intérieur, et voulait se calquer sur la biennale du festival d’art moderne, internationalement connu. Le directeur de l’époque était Maurizio Scaparro. À ce moment-là, des petits groupes d’amateurs, et de commedia dell’arte ont profité de l’occasion pour sortir et faire du théâtre de rue. Ce fut l’étincelle et en quelques années, il y a eu une flambée d’enthousiasme chez les Vénitiens. La résurrection du carnaval de Venise a été spontanée, ce n’est pas du tout une fabrication de l’office du tourisme ou de quelconque officine municipale.
A cette époque, tous les milieux institutionnels de Venise tentent une approche érudite du carnaval. Pendant quelques années, de très belles expositions accompagneront les festivités.
La mémoire savamment entretenue des carnavals anciens, à la fois concurrence, duplique, mais aussi nourrit, ce nouveau carnaval naissant, obéissant à une logique de la commémoration que Venise n’a cessé de cultiver depuis les origines de la République.
La question est de savoir si le XXème siècle, et plus encore le XXIème siècle naissant, a su organiser ce nouveau carnaval que Maurizio Scaparro appelait de ses vœux en 1980.
Il semble, en fait que, sous la pression de l’industrie du tourisme de masse, la ville de Venise ait pertinemment fait le choix de se greffer sur la nostalgie du carnaval du XVIIIème siècle, ce qui permet à de riches mécènes, d’offrir à leurs invités l’illusion d’un carnaval aux mœurs dissolues. Ce qui permet surtout à des intérêts privés, qui ont obtenu la concession de son organisation officielle, une rente de situation qui se traduit en millions d’€uros de financements publics et de ventes de produits dérivés les plus divers.