Le CV : retour d’expérience imagé à la première personne du singulier.
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Rédiger un « CV »… Je ne peux échapper à la rédaction de ce bout de papier (désormais dématérialisé) dont la forme autant que le fond sont importants, parce qu’à sa lecture, généralement en moins d’une minute, le jugement tombera, l’opinion sera faite et « l’objet » de tant de travail et de questionnements – c’est moi, l’objet – se retrouvera [ou non] sur la bonne pile.
Il s’agit d’accoucher de mon « Je » professionnel, de disserter sur ma vie « pro » mais d’une manière indirecte… voilà en quoi consiste l’exercice.
Il me faut porter un regard distancié sur ma petite personne et m’attacher à me découper moi-même en tranches pas trop épaisses : ledit CV doit aujourd’hui tenir sur une page.
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C’est du 100% déclaratif en plus, comme pour les assurances.
Gros doute, là : est-ce à dire que si je me plante et en cas de sinistre, il va m’être imputé sans discussion possible 25% de vétusté sur ma compétence « Pack Office », par exemple ??
Inquiétant.
Je peine. La transformation de mon « Moi » en « Je : candidat potentiel » ne s’opère pas si naturellement que cela. Et encore, j’ai de la chance : j’ai « des choses » à mettre !! Certes, je ne sais trop encore comment, mais bon. Un petit tour sur les fiche ROM de Pôle Emploi, histoire de me remettre en tête la liste des compétences requises pour les postes visés ….
Au passage, je lis quelques annonces ciblées sur les dits postes…Une petite check-list de ce qui est attendu s’élabore doucement.
– Vous faites preuve de diplomatie, de réactivité : « j’ai ».
- Votre talent de négociateur et votre capacité à travailler : « j’ai ».
– Doté(e) d’un réel goût du challenge et de la conquête, porté(e) par la culture du résultat …
Ah, ça se corse : est-ce que mon « Je » cultive toujours le… résultat … [sic].
J’enchaîne sur un auto-interrogatoire policier « musclé » :
– vous étiez où, de 2004 à 2009 ? Et n’omettez aucunes fonctions … !
– allez, avouez … vos objectifs commerciaux, là… vous les avez atteint ?
– vos responsabilités, soyez plus précis…
La lumière en pleine figure, je rédige ma déposition avec application, sous le regard sans compromis de ma conscience professionnelle.
Je prends un peu de recul – la distance est toujours nécessaire pour apprécier une œuvre – et examine d’un œil torve mon image de working woman, mon « Je professionnel », qui apparaît peu à peu.
Tous ces verbes, toutes ces définitions… j’ai l’impression d’avoir couru un marathon lexical depuis que j’ai eu mon Bac.
Épuisée rien qu’à me relire, je m’adosse aux symboliques « Centres d’Intérêts » pour reprendre mon souffle et retrouver mon « Moi » dans ces activités qui me passionnent et qui m’ont construites, aussi.
Certes, selon Blaise [Pascal] le « Moi est haïssable », mais là … là … il est sacrément reposant !
Je me relis et peaufine… Une partie compétence, une partie expérience… Il me faut positionner avec dextérité et finesse savoir-faire et savoir-être pour que le rendu soit régulier, rassurant, et le produit « bankable ». Ah oui… éviter le piège du jouet 1er âge du type « trieur de Forme » : ne pas me décrire uniquement en fonction ce qui doit rentrer dans les cases.
Suivre, participer, définir, gérer, organiser, coordonner, rédiger … Ma série bien choisie de verbes d’actions est finalisée. Et hop… mon teaser est en place.
Une image technique, descriptive et fonctionnelle, se dresse enfin devant moi, « JE » suis !
Çà se fête !
Garçon, un entretien siou plait … un joli, avec des bulles… Maintenant que j’ai un « JE », il faut que je présente cette extraordinaire porteuse de compétences que je suis aussi … MOI.
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