Les années de gloire de l’harmonium ont duré à peu près un siècle, de la moitié du 19ème à la moitié du 20ème. Son avènement répondait à une question lancinante depuis longtemps : comment rendre expressif le son d’un instrument mécanique à clavier et à son continu ? C’est-à dire à un orgue ? L’harmonium y répondit parfaitement : il suffisait de pédaler plus (ou moins) fort ! D’autres avantages achevèrent de le populariser rapidement par rapport à l’orgue : il était déplaçable et surtout, il faisait l’économie d’un assistant pour actionner le gros soufflet dans le ventre de l’instrument.
Puis, vers le milieu du 20ème siècle, lorsque l’électricité aux multiples applications se répandit jusque dans la physiologie de l’orgue, l’harmonium tomba en désuétude. On ne prit même pas la peine de lui organiser des obsèques en bonne et due forme : il fut oublié dans le fond des salles de paroisses des villages d’Europe.
C’est là que j’en découvris un vers l’âge de 13 ans, alors que j’étais en colonie de vacances à Gryon en Valais. Je suis tombé en émerveillement devant l’instrument avec ses pédales, son clavier et ses boutons aux noms magiques : voix céleste, trémolo, bourdon, clarinette, etc. Le curé qui avait remarqué la fascination que la bête ventrue exerçait sur moi me dit un jour : « Si tu le veux, tu peux l’emmener, mais il faut que tu te débrouille pour le transport. » De retour de vacances, j’ai fait des pieds et des mains, usé de toute ma force de persuasion pour que mes parents acceptent d’aller chercher l’instrument à la montagne, mais en vain. Aujourd’hui, près d’un demi-siècle plus tard, l’harmonium de Gryon repose peut-être toujours au fond de la salle de paroisse… Qui sait ?
Finalement, un harmonium au repos, ça ne mange pas de pain.
Paul Kristof
VERDIN Joris. Les grands moments de l’harmonium (VDE-Gallo, 2011) Disponibilité
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