Pour saluer l’édition des œuvres de Philippe Jaccottet dans la Pléiade, Matthieu Gosztola a proposé à Poezibao un choix de cinq extraits pour l’anthologie « notes sur la création ». Ces extraits ont été publiés toute cette semaine.
« Le don, inattendu, d’un arbre éclairé par le soleil bas de la fin de l’automne ; comme quand une bougie est allumée dans une chambre qui s’assombrit.
Pages, paroles cédées au vent, dorées elles aussi par la lumière du soir. Même si les a écrites une main tavelée.
Violettes au ras du sol : "ce n’était que cela", "rien de plus" ; une sorte d’aumône, mais sans condescendance, une sorte d’offrande, mais hors rituel et sans pathétique.
Je ne me suis pas agenouillé, ce jour-là, dans un geste de révérence, une attitude de prière ; simplement, et sans même que j’en reçoive le parfum, qui d’autres fois m’avait fait franchir tant d’années. C’est comme si, un instant de ce printemps-là, j’avais été changé : empêché de mourir.
Il faut désembuer, désencombrer, par pure amitié, au mieux : par amour. Cela se peut encore, quelquefois. À défaut de rien comprendre, et de pouvoir plus.
À la lumière de novembre, à celle qui fait le moins d’ombre et qu’on franchit sans hésiter, d’un bond de l’œil. »
Philippe Jaccottet, Œuvres, préface de Fabio Pusterla, édition établie par José-Flore Tappy, avec Hervé Ferrage, Doris Jakubec et Jean-Marc Sourdillon, Gallimard, collection « Bibliothèque de la Pléiade », 20 février 2014, p. 1236 (Ce peu de bruits)
[Choix de Matthieu Gosztola]