Au plus mal, eh oui

Par Eric Mccomber
Depuis quelques semaines, j'ai toutes les vieilles plaies grandes ouvertes et je marche chaque jour dans la garrigue avec les entrailles qui pendouillent et se prennent aux ronces.
Je ne sais plus où donner du chagrin. Ça n'en finit plus. Et chaque jour apporte un nouveau petit truc brutal, grossier, puant, un nouveau chat crevé par un camion, un nouveau rat empereur qui voudrait m'ordonner le chaos, un nouveau cloaque décérébré qui commence chaque phrase par « Fais… » ou « Fais-pas… »
La douleur se localise, s'incarne, là… dans ma poitrine. Parfois, c'est si dense, si noir, je crois que ça va lâcher. Et alors, je me surprenais souvent à me dire — je me parle en anglais, sous ma barbe — « I'm dying, I'm dying, I'm dying… ».
Puis, me grondant l'autre matin, alors que je fendais les brumes roses du Vidourle parmi les branches et les racines obstinées, je me suis interdit de prononcer ces mots, de peur que ça finisse par s'incarner aussi… Alors, avec une sorte d'épiphanie profonde qui m'a fait gémir comme un bébé au fond des bois… j'ai commencé à dire (et c'est parce que c'est synonyme que ça me fait pleurer) : « I'm living, I'm living, I'm living ».
Et ça ne change (presque) rien à l'affaire, bien sûr.
Avec le temps, tout s'en va.