Moi
l’aphasique
l’illettré
celui qui perd ses mots comme des clés
et qui radote un beau
langage mité jusqu’à l’os – omble
chevalier qui miroite pour rien
sous les arches de fer d’un
fleuve apprivoisé
Moi
l’homme déguisé
dont on oublie le nom
l’imposteur prudent
le poète désaffecté
au masque usé par la marche
forcée,
écrasé dans le désert
par un long soleil de cendre
celui qui
tire de son sang la dernière réplique
d’une pièce inachevée sur un rideau de fer
et qui
n’a jamais pu arracher le bâillon enfoncé
par l’enfance
dans la gorge de l’ombre