C'est l'honneur des élus que d'aller devant la population expliquer leurs projets. (photo d'archives JCH)
J’ignore si c’est le cas dans l’Eure (on le saura le 6 mars à 18 heures) mais j’entends et je lis que dans certains départements, de nombreuses communes n’ont pas encore déposé de listes pour participer aux prochaines élections municipales. Les préfets tirent le signal d’alarme et attirent l’attention du ministère de l’Intérieur sur une situation désastreuse pour la démocratie locale. Il ne fait pas de doute que le changement de loi dans les communes de plus de 1000 habitants a des conséquences non prévues par le législateur. Si dans certaines communes sensibles il y a pléthore de candidats ce n’est pas le cas dans des cités où la vie politique se résume souvent à un encéphalogramme plat. Comme chacun sait, les listes d’intérêt communal se distinguent par un refus de reconnaître une étiquette quelconque afin d’éviter tout conflit « inutile ». La loi nouvelle oblige donc les candidats des communes de plus de 1000 habitants à présenter des listes paritaires et interdit le panachage, un art consommé de la mauvaise humeur et du délit de sale gueule. Le panachage était l’occasion de régler des comptes personnels ou de marier la carpe et le lapin. La nouvelle loi oblige à plus de clarté et d’homogénéité surtout depuis la création des communautés de communes. On ne peut plus travailler tout seul dans son coin. Et la participation à l’intercommunalité nécessite des qualités et des compétences acquises ou à acquérir, ce qui freine l’engagement. Il y a d’autres raisons à cette désaffection à l’égard des mandats locaux. Le statut de l’élu, maintes fois promis, n’a jamais vu le jour et les candidats non fonctionnaires (ces derniers peuvent se mettre en disponibilité le temps du mandat et retrouver leur job à la sortie) hésitent à porter atteinte peu ou prou à leur efficacité professionnelle et à leur carrière. L’appartenance aux instances intercommunales nécessite également une disponibilité énorme (réunion de commissions, séances plénières, etc.) dont peu d’élus peuvent se prévaloir. Pour les femmes, dont les journées professionnelles et familiales sont ce qu’elles sont, c’est encore plus difficile. Alors, on trouve des listes avec de plus en plus de retraité(e)s ce qui nuit à un équilibre des âges, des fonctions et, peut-être aussi, au dynamisme et à l’ouverture… Je suis toujours étonné des réactions des citoyens à l’égard de la perception d’indemnités par les élus. Sauf exception dans les exécutifs importants, les maires et les adjoints touchent des indemnités de misère et il y vont souvent de leur poche pour accomplir correctement leur mission. Il est faux de dire que les élus locaux font « cela pour l’argent ». Il est également faux, dans l’immense majorité des cas, d’assurer qu’ils sont corrompus ou véreux. Au contraire, les élus locaux accomplissent des tâches désintéressées, ils sont mus par la passion de l’action collective et une vie meilleure dans leur cité. D’autres aiment bien le pouvoir ou la reconnaissance. Le narcissisme étant assez répandu chez les élus. Des élus locaux qui sont, par ailleurs en première ligne, quels que soient les problèmes ou les tâches quotidiennes. Jour et nuit, les maires peuvent être interpellés, consultés, informés. Ils ne reçoivent, en retour, que peu de reconnaissance de la part d’autrui mais perçoivent à l’inverse beaucoup d’ingratitude. J’en parle d’autant plus aisément que je n’ai jamais été élu et que durant ma déjà longue carrière politique citoyenne j’ai pu constater cette injustice inhérente à la fonction. Alors, si personne ne veut se présenter aux suffrages dans une commune, quelle sera la solution ? Il est impensable que les tâches soient remplies par des autorités désignées ! Il est impossible d’élire quelqu’un qui ne souhaite pas l’être ? J’avoue être dubitatif vis-à-vis d’une situation jusque là rarissime. Gageons que les cerveaux du ministère de l’Intérieur trouveront une solution.