Le viticulteur, la cicadelle et le bon sens

Publié le 27 février 2014 par Rolandlabregere

Emmanuel Giboulot est viticulteur en Côte d’Or. Pour avoir refusé de traiter les vignes qu’il cultive selon les méthodes de l’agriculture biodynamique comme le préconisait un arrêté préfectoral, il a comparu lundi 24 février en correctionnelle. Cet arrêté oblige tout viticulteur à déverser des produits insecticides afin d’éradiquer la cicadelle, l’insecte vecteur de la flavescence dorée. Traiter chimiquement entraîne la disparition de la cicadelle mais aussi de toute la faune sur laquelle la biodynamique s’appuie pour réguler l’écosystème. La réglementation n’a que faire de l’écosystème. « Le poète a dit la vérité, il doit être exécuté », dit une rengaine populaire.

Le viticulteur explique qu’au moment de l’arrêté préfectoral « aucun foyer avéré de flavescence dorée n'était détecté dans le département » et que si des vignobles avaient été touchés près de ses vignes, il aurait respecté l’arrêté. « J'ai conscience qu'il s'agit d'une maladie dangereuse ». (Le Monde.fr 24.02.2014). Jamais un avis mesuré ne freinera la tourmente procédurale du principe de la précaution !

Un millier de personnes étaient présentes sur les parvis du tribunal pour soutenir le viticulteur rebelle et obstiné. Selon les principes de la citoyenneté active, tournée vers le bien commun, les manifestants vantaient la raison et le désir de lois bonnes qui ne répondraient à aucun lobby. L’affaire Giboulot montre une nouvelle fois les difficultés à installer la gouvernance, toujours qualifiée de bonne, dans les territoires. Le principe de précaution appliqué en urgence, sans réflexion contradictoire, évacue les enjeux et les débats démocratiques. C’est dans les mairies et les salles des fêtes, pas au Palais de Justice, que l’information aux citoyens doit être faite. Chaque jour, des produits alimentaires arrivent sur les étals gorgés de produits chimiques, pour lesquels aucune interdiction n’est prononcée. Les fruits issus de l'arboriculture conventionnelle reçoivent des dizaines de traitements. Des associations de consommateurs révèlent que des lots de thé peuvent contenir des traces de métaux lourds. Emmanuel Giboulot ne manque pas d'aplomb. Il entend cultiver la vigne sur un sol sain afin de produire un vin sans danger pour la santé. Un vin propre en somme.

De nombreuses questions sont posées, de fait, par cette affaire. En quoi le bien commun coïncide-t-il, ou pas, avec l’intérêt de chacun ? Quelles sont les relations entre le bien commun et les intérêts économiques ? Un Etat démocratique doit-il assigner une responsabilité aux acteurs économiques quant au respect du bien commun ? Le bonheur du citoyen dépend-il de la vigilance de l’Etat ? Faut-il seulement compter sur la réglementation pour que la vie quotidienne des citoyens soit améliorée ?

La procureure de la République requiert une peine minimale de 1 000 euros d'amende, dont la moitié avec sursis. La décision est mise en délibéré au 7 avril. Parmi les réactions repérées sur le forum du Monde, Philippe S. 25/02/2014 écrit : « Ce producteur viticole bio est un gars bien plus sensé et raisonnable, soucieux de sa santé et de celle des personnes qui apprécient son vin, sans parler de la préservation de l'environnement à laquelle il contribue. Chapeau, Emmanuel Giboulot ! ». Le 7 avril nous saurons si cet acte de désobéissance raisonnée devient une fable nourrie d’optimisme social ou une jurisprudence inquiétante.  

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