Les Français aiment tendrement Big Brother

Publié le 27 février 2014 par H16

Allez, les enfants, ne vous inquiétez pas : la surveillance des intertubes, ce n’est tout de même pas si grave, et puis c’est pour notre bien. C’est, de façon synthétique, ce qui semble ressortir d’un de ces sondages à la mode dont les questions visaient à déterminer, en substance, le niveau de tolérance des Français à l’espionnage étatique…

Et si l’on en croit le fameux sondage, ce niveau de tolérance est assez haut puisque les Français accepteraient à 57% la surveillance généralisée d’Internet qui, selon eux, permettrait à la police de faire son travail. Évidemment, ceci n’a pas manqué de faire jaser quelques journalistes qui se sont empressés de conclure que les internautes français semblaient ainsi privilégier leur sécurité à leur liberté dans l’éternel dilemme que pose une société « bien » équilibrée à base de « Trop de liberté tue la liberté ». L’étude plus attentive du sondage permet d’introduire un peu de subtilité dans cette analyse, et, comme le souligne Alexandre C. dans un récent article de Contrepoints, il en ressort surtout qu’une majorité de Français ne se fait guère d’illusions : ils se doutent bien que leurs échanges électroniques peuvent être espionnés par les services de renseignements étatiques, tout comme il leur semble clair (à 70%) que cette surveillance met en danger leurs libertés individuelles.

Le principal souci se situe surtout dans le fait qu’ils se sont résignés à ne pas protester contre cet état de fait. L’apathie complète lors du passage en force de la Loi de Programmation Militaire (et qui permet maintenant toute une panoplie de petits espionnages rigolos) en est un exemple frappant ; les journalistes qui s’étonnent maintenant de voir ces Français si résignés n’étaient guère présent lorsqu’il fallut, en novembre de l’année dernière, expliquer les dangers de cette loi. De la même façon, les politiciens, à commencer par l’opposition, ne se sont pas franchement fait entendre et n’ont pas rameuté les médias sur ces questions lorsqu’elles furent débattues à l’Assemblée. Certes, le sujet est parfois technique, mais on aurait aimé voir Copé, Goasguen ou n’importe quel autre clown actuellement payé par nos impôts préférer un combat comme celui-là plutôt que nous infliger l’une de leurs envolées pathétiques sur des sujets périphériques, des heures les plus sombres et autres points Godwin ridicules.

Eh oui ! L’apathie, finalement, n’est pas franchement du côté qu’on pourrait croire. Si les citoyens sont, comme on le lit ici ou là, résignés, c’est surtout parce qu’ils ont compris que les parasites qui font du bruit dans les bâtiments dorés de la République ne sont pas là-bas pour les représenter, mais bien pour continuer à faire un peu de gras en attendant leur retraite. Que peuvent-ils faire, si ce n’est se résigner, lorsqu’on apprend que les articles de loi portant sur les nouvelles facilités de géolocalisation offertes à l’État ont été votées dans le silence feutré de la presse et des politiciens, tous occupés comme un seul homme à déterminer qui, de Valls ou de Goasguen, avait la moustache la plus hitlérienne, alors même que ce projet ne respecte toujours pas l’avis de la CNIL.

Pourtant, on nous avait dit que la démocratie protégeait de ce genre de dérives ! Ah manifestement, non, elle a même tendance à les favoriser en laissant un pouvoir immense (celui de voter des lois de plus en plus intrusives) dans les mains d’un nombre restreint de représentants du peuple.

Pourtant, on nous avait dit que les médias seraient attentifs aux politiciens, qu’on espérait précautionneux, lorsque ces derniers établiraient des lois pour encadrer la surveillance et la sécurité de l’État ! Eh bien finalement, c’est raté. Non seulement, les politiciens se déchaînent, de plus en plus, et croquent tous les jours à belles dents dans la vie privée de leurs concitoyens, en donnant toujours plus de facilités à l’État pour aller y mettre le nez, mais en plus, les journalistes semblent comme tétanisés à l’idée de dénoncer les dérives, ne serait-ce que parce que les sujets, techniques, leurs semblent impossible à résumer en 300 mots.

Pourtant, on nous avait dit que les médias seraient vigilants et placeraient toujours la liberté d’expression au firmament de leurs préoccupations ! Évidemment, lorsque ces médias ne survivent que grâce aux subventions votées par les politiciens qu’ils sont censés surveiller, on comprend que la surveillance sera complaisante et la protection de cette liberté d’autant plus souple qu’elle concernera l’expression d’opinions du Camp du Mal auquel la presse, dans sa belle impartialité, s’est toujours refusée à laisser la parole.

Pourtant, on nous a bien fait comprendre que si l’on ne voulait pas mourir sous des vagues de terroristes féroces, il fallait laisser faire l’État ! Eh oui, grâce à ses nombreux drapeaux anti-girafes, il n’y a plus d’invasions de girafes sur le territoire français et les rares qui s’y trouvent encore sont largement sous contrôle, voyons ! Il en va de même avec la surveillance massive dont tout le monde peut être certain que si elle n’existait pas, on serait fort marri !

Ben non, mes lascars, il faut se réveiller !

Les politiciens ne sont pas là pour votre bien, mais le leur avant tout. Et pire, vous ne faites pas partie de leur agenda, sauf exclusivement au moment des élections, petit moment douloureux qui les oblige à venir se frotter à la plèbe pour tenter de vous convaincre, une fois encore, de voter pour eux. Et l’incroyable aventure qu’ils vivent tous les jours, c’est que ça marche ! Ils vous vendent de l’insécurité sur les interwebs, des caméras de surveillance qui vont tout solutionner, des petites agitations et des coups de mentons devant des micros mous de télés complaisantes, et vous marchez ! Ils racontent n’importe quoi, mentent et trichent, se font régulièrement mettre devant leurs mensonges et leurs tricheries dont l’internet, leur ennemi objectif, a gardé une trace indélébile. Tout le monde sait que ce sont des roublards, des arnaqueurs, des pendards et des parasites. Tout le monde sait qu’ils voteront, dès qu’ils le pourront, ces lois qui tous les jours vous enferment dans une prison de moins en moins dorée, au motif d’une sécurité parfaitement hypothétique.

Et pourtant, vous continuez à voter pour eux !

Mes loustics, il faut se réveiller !

Les médias ne sont pas là pour vendre de l’information. Ou du moins, c’est fini, ils ne sont plus là pour ça. Dans le meilleur des cas, ils sont là pour préparer votre cerveau à la tranche de publicité, d’infotainment ou de niaiseries calibrées qu’ils négocient à prix d’or pour continuer à tourner. Et dans le pire des cas, ils sont devenus les voix fidèles de ces politiciens qui, en réalité, vous méprisent. Langoureusement abouchés sous le robinet de subventions liquoreuses, ces médias là vous « informent » sur les frasques des uns et des autres, mais « oublient » commodément les plantages, les fautes et les erreurs, les dérives et les partialités iniques, les corruptions ou les délitements cyniques. Et quand bien même leur audience s’effondre, lassée de lire, d’écouter ou de voir leurs bêtises navrantes, la magie continue puisque les subventions dégringolent encore et toujours.

L’apathie, elle est là.

Elle est dans ces politiciens qui se prétendent d’opposition mais qui ne s’opposent pas, ou sur des broutilles ridicules.

Elle est dans ces médias qui ne valent même plus le papier sur lequel ils sont imprimés, l’électronique sur laquelle on les supporte.

Elle est aussi dans ces citoyens qui continuent, obstinément, de se prêter à la mascarade démocratique, iront voter, faire acte citoyen gnagnagna, et remettront implicitement deux sous dans le bastringue.

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