Il y a quelques jours, j'ai vécu dans un pays démocratique ! Loin de la France...
En Islande, un pays dont les médias dominants parlent peu.
Il est vrai que ces derniers n'ont rien de croustillant à raconter. Ils s'y étaient un peu intéressés quand le peuple a refusé de payer les dettes de ses banques lors de la crise des subprimes. Par deux fois, le peuple islandais a été consulté par référendum, et à chaque fois il a dit NON. L'économie est toujours capitaliste mais le pays n'a pas cédé aux sirènes de l'idéologie dominante du monétarisme et du néolibéralisme. Et, bizarrement, la catastrophe qu'ils annonçaient ne s'est pas produite.
A l'époque, les gouvernants faillirent céder aux pressions de la communauté internationale, mais le peuple islandais est descendu dans la rue. Il a refusé de payer l'addition à la place des banques et des spéculateurs, de plomber les finances publiques et de devenir le pantin des spéculateurs et des marchés financiers !
En effet, la révolution des casseroles a contraint l'oligarchie locale à se plier à la volonté populaire. Un événement ahurissant pour un observateur français, habitué à ce qu'elle soit régulièrement bafouée depuis le traité de Lisbonne, sur la base d'arguments spécieux et avec l'aide des institutions de la Vème République et de la propagande des médias dominants. Et, je ne reviens pas sur cette politique de l'offre de la majorité PS-EELV qui poursuit la destruction économique et sociale entreprise par la droite.
Cette révolution citoyenne sans effusion de sang a été accompagnée d'un processus constituant qui est allé à son terme, où de simples citoyens, jamais élus auparavant, ont été désignés par tirage au sort pour rédiger la nouvelle constitution. Ils furent d'ailleurs appuyés par les réseaux sociaux .
Contrairement aux peuples de l'UE plombés par la dette publique et par des politiques de régression sociale,les islandais disposent d'une arme de dissuasion très redoutable contre les marchés financiers : la maîtrise de la monnaie.
En l'occurrence, les spéculateurs et les marchés financiers qui aiment le risque n'ont pas été déçus par l'Islande! Ils ont vu leurs titres de créance fondre comme neige au soleil de 70 % de leur valeur ! Il me semble normal qu'au casino de la finance, l'oligarchie perde et paye vraiment la facture de ses turpitudes.
La monnaie islandaise a été dévaluée de 70% pour relancer le tourisme et les exportations, et pour réduire la dette publique [1]. Évidemment, l'inflation a été importante, et alors ? Seuls les rentiers en ont véritablement pâti. La décision de dévaluer a finalement préservé l'intérêt général au détriment des intérêts particuliers de l'oligarchie.
Après deux ans de recul du PIB ce qui n'est rien par rapport à la Grèce, à l'Espagne, au Portugal ou à l'Irlande, il est reparti à la hausse, l'économie a redémarré, le chômage est passé sous la barre des 5 %, et l'actuel gouvernement de centre-droit, récemment au pouvoir, devrait bientôt effacer une partie de la dette des particuliers. Contrairement aux USA et à l'UE, les ménages surendettés n'ont pas été expulsés de leurs logements. D'ailleurs, même si ce n'est pas vraiment un argument, je n'ai pas vu un seul SDF dans les rues de Reykjavík, alors que j'en croise des dizaines à Paris rien que pour aller au boulot.
Par rapport aux autres pays occidentaux qui se sont endettés pour "sauver" les banques, la situation économique et sociale de l'Islande est plus qu'enviable. D'un point de vue politique, l'Islande est un pays démocratique. De quoi faire méditer les enfumeurs du gouvernement Ayrault qui ne cessent d'annoncer en vain l'inversion de la courbe du chômage et le frémissement de la croissance !
Et vous savez quoi, le gouvernement islandais a décidé d'arrêter le processus d'adhésion à l'UE.
Attention, l'Islande ne vit pas en autarcie et n'est pas en proie au nationalisme et au racisme. D'ailleurs, l'extrême droite est loin d'atteindre les scores du Front National, et le Mouvement des verts et de gauche, soit la gauche de la gauche, pèse plus de 10 % des suffrages.
L'UE et l'euro signifiaient, ni plus ni moins, la fin de la démocratie en Islande... Quand un peuple ne peut plus décider de sa propre politique économique, sociale, budgétaire et monétaire à cause de traités internationaux sur lesquels le peuple n'a pas été directement consulté, que reste-t-il de la démocratie ? Juste des rituels à base d'élections qui n'apportent aucun changement d'orientation politique, seulement le renouvellement des personnels politiques en charge de la gestion courante des affaires...
En définitive, l'Islande n'est pas un modèle, mais c'est un exemple que nous ferions bien, en particulier au Front de gauche, d'étudier et de citer pour démontrer qu'une autre politique est possible pour lutter contre la dette publique et pour mater la finance...
Note
[1] en 1927, Poincaré avait pris une telle mesure : pas étonnant pour un bolchevik !