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L’auteur :
Sylvain Tesson est un journaliste, écrivain voyageur et alpiniste français. Ses expéditions sont financées par la réalisation de documentaires, par des cycles de conférences et par la vente de ses récits d'expédition, qui connaissent un certain succès.
L’histoire :
Devant les coups du sort il n’y a pas trente choix possibles. Soit on lutte, on se démène et l’on fait comme la guêpe dans un verre de vin. Soit on s’abandonne à vivre. C’est le choix des héros de ces nouvelles. Ils sont marins, amants, guerriers, artistes, pervers ou voyageurs, ils vivent à Paris, Zermatt ou Riga, en Afghanistan, en Yakoutie, au Sahara. Et ils auraient mieux fait de rester au lit.
Ce que j’ai aimé :
La quatrième de couverure est formulée de façon ambivalente : comme si on avait seulement le choix entre vivre et prendre des coups, ou rester dans son lit, pour "s'abandonner". Vision plutôt pessimiste de la vie qui pourtant n'est pas le fond du propos des nouvelles de Sylvain Tesson.
Ce dernier nous présente le pofigisme «l'accueil résigné de toute chose » :
« Ce mot russe désigne une attitude face à l’absurdité du monde et à l’imprévisibilité des évènements. Le pofigisme est une résignation joyeuse, désespérée face à ce qui advient. Les adeptes du pofigisme, écrasés par l’inéluctabilité des choses, ne comprennent pas qu’on s’agite dans l’existence. Pour eux, lutter à la manière des moucherons piégés dans une toile d’argiope est une erreur, pire, le signe de la vulgarité. Ils accueillent les oscillations du destin sans chercher à entraver l’élan. Ils s’abandonnent à vivre. » (p. 201)
Ainsi ses personnages ont souvent tendance à lutter contre les éléments, comme dans « Le barrage », symbole des hommes qui luttent contre le courant, détournent des fleuves et détruisent ce qui est :
« Sous le miroir avait vécu un monde, des plantes, des hommes. Des Dieux peut-être. Tout était mort. » (p. 32)
Dans « L’ennui », une femme russe se marie à un français pour fuir l’ennui de sa vie, mais retrouve malheureusement les mêmes travers dans sa nouvelle vie en France. Elle aura voulu changer le cours de son destin en vain.
AInsi la question est posée : faut-il ébranler le mystérieux équilibre du monde ? ("Les pitons")
Quelquefois faire chuter ce qui est permet d'apporter un peu de bonheur aux personnages, comme dans cette magnifique nouvelle « La ligne » nous contant l'expédition de deux hommes dans le froid sibérien pour faire chuter un arbre.
Sylvain Tesson ouvre des voies de réflexion, observateur du monde il s’interroge sur lui et sur les différentes façons qu’ont les êtres humains de l’appréhender. Mais il ne répond pas aux questions qu’il pose, à la manière de Montaigne, il s’essaie à différentes philosophies au travers d’anecdotes tirées de son expérience personnelle.
Il nous enjoint finalement à nous ouvrir au monde, sa nouvelle finale « Les fées » résume son propos : il vaut mieux accepter ce qui arrive sans a priori et s’ouvrir ainsi à la poésie du monde et à sa magie imprévisible...
Ce que j’ai moins aimé :
Malheureusement de nombreuses nouvelles m’ont semblé manquer cruellement d’inspiration. Comme celle sur un immigré clandestin, linéaire, celle sur l’amant dans le placard revisité, celle sur les amants incompatibles, celle sur l’ermite, etc…
Premières phrases :
« Rémi et Caroline ? Des Parisiens de quarante ans du genre de ces héros de roman écrits par des Parisiens de quarante ans. Je les ai connus tous les deux, bien avant leur rencontre, avant que tout le monde ne prenne l’habitude de dire « Rémi et Caroline », de ne jamais dire « Rémi » sans a jouter « Caroline ni de prononcer le nom de « Caroline » sans y associer « Rémi ». «Rémi & Caroline », ça aurait fait un bon nom de restaurant bio. »
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Du même auteur : Une vie à coucher dehors ; Dans les forêts de Sibérie; Géographie de l’instant
S’abandonner à vivre, Sylvain Tesson, Gallimard, 2014, 220 p., 17.90 euros