Dès l’hiver 1798 qui suivit la chute de la République, Venise ne fut plus identifiée à travers l’Europe par son Carnaval, Bonaparte et ses hommes firent tout ce qui était de leur possible pour que les anciennes fêtes soient dépouillées de leurs sens, et avant tout, spoliées de leurs richesses.
La première victime de l’appétit du corse fut le navire ducal : le Bucentaure, symboles des fêtes officielles fut dépouillé de ses ornements pendant l’occupation napoléonienne et on les brûla sur l’île de San Giorgio Maggiore pour récupérer l’or qui ornait les statues.
La coque de l’antique vaisseau des doges, construit en 1728, servit de canonnière, puis de prison flottante, avant d’être détruite en 1824.
Un autre parmi les premiers soucis de la révolution française en matière de fêtes, fut de supprimer le port des masques. Dès le 30 janvier 1790, la municipalité de Paris les interdit pour le Mardi Gras. Ce fut le tour de Milan en 1802. L’entreprise fut plus ardue à Venise du fait de la riche tradition que possédait la ville dans cet art. La lutte contre les masques fut l’objet d’un double combat mené dans le court laps de temps que dura la Municipalité de Venise, de l’arrivée des français en mai 1797 au traité de Campoformio en octobre de la même année.
Il s’agissait pour les révolutionnaire français de lutter contre les changements d’identité que permettait le port du masque, d’autre part, de mettre un terme à la dépravation des élites et à la liberté des mœurs, et enfin, de faire œuvre de police en limitant les risques d’attaques, vols ou autres exactions.
S’il semble que certaines habitudes carnavalesques aient pu perdurer, on ne sait réellement s’il s’agit de fantasmes de voyageurs, surtout à l’époque du Romantisme, ou d’une sorte de résistance dans une Venise qui, désormais, vivra soumise, par la France deux fois, l’empire Austro-Hongrois à trois reprise, et enfin, à sa manière, par le royaume d’Italie à partir de 1866.
La part de mémoire, de fantasme et de désir à fini par l’emporter sur les réalités, toutefois des usages ont perduré, et, au XIXème siècle, sont apparues d’autres formes, jusqu’alors inédites, de sociabilité festives, notamment sur la place San Marco.
Aux dires des vénitiens, et encore plus des étrangers, le Carnaval de Venise perdit beaucoup de sa superbe et de ses plaisirs dans la première moitié du XIXème siècle. Le passage sous un régime d’occupation coupa net le sens sous-jacent qu’il avait eu jusque là. La vie vénitienne devint plus morne, plus provinciale. Les occasions de festivités populaires se limitèrent alors à des noces.
Après la période française, les autrichiens cherchèrent à flatter le culte de la ville et de son passé, cultivant notamment des ersatz de son carnaval passé, mais en même temps, la révolte grondait, et la participation des vénitiens état tout sauf acquise.
Les fêtes ne disparurent pas à cette époque, mais le Carnaval n’occupa plus la place prépondérante qui fut la sienne.