« Ils me coupaient la route en voulant me prendre mes outils ; donc je ne pouvais pas y aller. Hier, ce sont des anti-balakas qui m’ont menacé. La situation est encore tendue dans mon quartier. La sécurité s’améliore quand même un peu, donc j’espère pouvoir aller plus souvent aux champs ». C’est comme cela qu’Ayens Bagaza, une femme de 40 ans rencontrée au centre de santé de Saint Paul à Bangui explique ses difficultés récentes et pourquoi sa plus jeune fille, Merveille, âgée de deux ans, souffre de malnutrition aigüe sévère.
Pour Ferdinand Bodou, rencontré dans un autre quartier de Bangui, le problème est différent : « mon quartier est assez tranquille. Du coup, j’accueille depuis plus d’un mois 25 personnes de ma famille qui viennent d’autres quartiers. C’est difficile pour la nourriture et on vit entassés comme des bêtes : ce n’est pas possible. » Saturnin et Gladys de leur côté accueille 10 personnes de leur famille chez eux. Mais Saturnin est le seul à avoir un vrai emploi : « je suis écraseur de manioc au moulin. J’arrive à me faire 1000-1500 FCFA par jour (1,50€) mais la cuvette de manioc qui permettrait de faire le repas pour tout le monde coûte 2 500 FCFA. Avant elle en coutait 2000 : les prix ont augmenté. Tout le monde dans ma famille cherche des petits boulots pour compléter. Généralement, on arrive à manger une fois par jour. »
Pour toutes les familles de Bangui, la situation alimentaire reste très difficile : les gens ont perdu leur travail, les fonctionnaires ne sont pas payés depuis 5 mois, les agriculteurs peinent à rejoindre leurs champs, les prix ont augmenté… Sans compter, les dizaines de milliers de personnes qui ont perdu leur maison et leurs biens lors des combats et des pillages. « Il n’y a plus de clients ; les gens n’ont plus d’argent ! » résume Juliette, vendeuse d’arachides sur le marché de Ouango.
Environ 5000 personnes bénéficient actuellement de ces coupons… qui profitent également aux commerçants : « avec les prix qui augmentent et le manque d’argent, nous les commerçants, on n’arrivait plus à vendre. Rien que ce matin, grâce aux coupons, j’ai eu une trentaine de clientes. C’est gagnant-gagnant : les gens peuvent acheter et se nourrir et nous on peut vendre et gagner de l’argent ! Je suis très content de cette activité », explique Amos, vendeur de condiments sur le marché de Ouango.