Michelin France 2014 par Patrick Faus
2014 est l’année d’Arnaud Lallement. Nouveau trois étoiles, la décision ne sera que peu discutée. Consensus mou sur un chef finalement assez peu connu malgré une carrière et un talent fulgurant. Je me souviens de notre première rencontre à Tinqueux, à L’Assiette Champenoise. Il venait de quitter Michel Guérard pour prendre en urgence la suite de son père de plus en plus malade. Un peu paniqué de cette responsabilité, mais déterminé à en être digne. Il adorait le cigare, le et la Champagne, et la cuisine. Un an plus tard, même endroit, il avait pris une grande assurance, avait changé la carte lentement mais sûrement et on a vu alors apparaître un grand cuisinier. On sentait à l’évidence qu’il irait loin. C’est fait. Ça me rappelle les premiers repas au Scribe à Paris avec Yannick Alléno. Une révélation…
Michelin aujourd’hui est obsédé par faire « jeune ». Le guide bouge, est « en mouvement » comme ils disent dans la com. Avec raison, puisque ce fut longtemps un des reproches adressé au guide.On l’a vu avec le trois étoiles de l’année dernière et Arnaud cette année tandis que la « vieille garde » Eric Briffard et Philippe Labbé continuent d’attendre en coulisses. Il n’y a plus qu’un trois étoiles par an, choisi stratégiquement, et presque régionalement. Il n’y a plus d’élimination, la dernière étant la perte de la troisième étoile de Michel Trama à Puymirol. Plus d’élimination, comme si la France devait rester le pays avec le plus d’étoiles en Europe et dans le monde. Il y a, entre nous, des trois étoiles étonnant : Gilles Goujon par exemple, ou Christian Le Squer, aimable certes mais… sans parler de Patrick Berton à Saulieu qui bénéficie sans doute de la mansuétude du Michelin par rapport au passé de la maison.Si les triples étoilés restent stables, la jeune génération continue à rentrer dans le guide avec une étoile. À Paris, le Septime, Qui Plume la Lune, Akrame avec une deuxième étoile, Oscar Garcia à Uzès étoilé à 25 ans, Julien Gatillon au Mont d’Arbois à Megève (voir article Rubrique « Reportage Megève »), l’entrée en scène des chefs japonais ES, Jin, Okuda (cf. Rubrique Restaurant), et les femmes avec surtout La Scène pour l’étoile archi méritée de Stéphanie Le Quellec (cf. Rubrique Restaurants). Regret ? Daniel Rose au Spring toujours ignoré, Kei avec seulement une étoile, et la punition pour Jean-Pierre Vigato qui retombe à une étoile.
Au total, 504 * dont 57 nouveaux ; 79 ** dont 6 nouveaux ; et 27 *** (un record) dont un nouveau. Un Michelin assez stable, sinon prudent, stratégique, à l’écoute, sensible au bruissement des modes, en tout cas plus qu’il y a une décennie, loin des « il faut de la belle vaisselle pour avoir une étoile » et autres niaiseries qui n’ont plus cours aujourd’hui. Un Michelin encore important pour les jeunes chefs en régions, qui rassure sur leur avenir, où l’étoile donne du courage, et entraine les équipes. Moins dans les grandes métropoles, soumis aux aléas des modes et des passades du moment.
Il demeure en tout cas un ancrage qui permet à chacun de se poser en s’opposant ou se repérer avec lui. Indispensable encore aujourd’hui dans le paysage gastronomique de la France. Tout le monde ne peut pas en dire autant.
Prix : 15,90 €
Twitter : @guideMichelinFR
www.restaurant.michelin.fr