Article paru dans Le Peuple Breton, N°161, Février 2014
Le 9 janvier 1514 disparaissait Anne, dernière duchesse souveraine de Bretagne. Une date anniversaire qui a marqué le lancement de très nombreuses commémorations organisées dans toute la Bretagne et tout au long de l’année 2014.
Il y a près d’un an s’est constitué le Comité Anne de Bretagne 2014 dans le but de promouvoir et de coordonner la cinquantaine d’événements organisés à travers les cinq départements bretons à l’occasion du 500e anniversaire de la disparition d’Anne de Bretagne. Composé d’associations et de particuliers, le comité a aussi lancé un appel à projets à l’automne 2013 afin d’enrichir cette « année Anne de Bretagne 2014 », appel qui a rencontré un écho très favorable et qui a permis d’encourager de nombreuses initiatives locales.
Spectaculaire engouement
On peut même parler d’un véritable engouement, qui s’est d’ailleurs exprimé de façon assez spectaculaire lors du lancement du timbre à l’effigie d’Anne de Bretagne les 11 et 12 janvier à Nantes, Rennes et Quimper, où l’on vit, notamment à Nantes, des queues d’une heure et demie pour obtenir le timbre tant attendu. En quelques heures, ce sont près de 38 000 exemplaires qui ont été vendus par les services de la poste, submergés par les demandes et en rupture de stock très rapidement.
Cette effervescence autour de la figure d’Anne de Bretagne a d’ailleurs interpellé de nombreux médias, qui se sont interrogés sur la place qu’elle occupait dans la culture bretonne actuelle, certains allant même jusqu’à mettre en perspective la duchesse Anne et les bonnets rouges…
Cet intérêt des Bretons peut être surprenant vu de l’extérieur, mais il révèle sans doute une part de leur identité : Anne de Bretagne représente un moment charnière dans l’histoire de la Bretagne, le basculement de l’État breton vers la province de Bretagne ; consciemment ou inconsciemment, ce moment fondamental est resté dans la mémoire des Bretons à travers le personnage d’Anne de Bretagne, une sorte de personnification d’un moment-clé de l’histoire des Bretons.
La duchesse est restée dans la mémoire collective, y compris sous une forme plus ou moins mythifiée qui a évolué au long des siècles, plus particulièrement depuis le xixe, utilisée par les uns ou par les autres, tantôt mise au service de l’union rêvée entre Bretagne et France, tantôt enrôlée dans la résistance à l’occupant.
Anne de Bretagne est non seulement la dernière duchesse souveraine de Bretagne, mais elle fut reine de France par deux fois. C’était une résistante à l’invasion française, mais aussi la protectrice des arts à la cour de France. C’est elle qui, à la mort de Charles VIII, rétablira les institutions bretonnes, mais se remariera avec Louis XII…
Bref, Anne de Bretagne symbolise cette volonté de faire au mieux des intérêts de la Bretagne dans une situation difficile et compliquée après une défaite militaire. En ce sens, elle garde toute sa modernité dans le cadre d’une Bretagne qui cherche actuellement à retrouver plus d’autonomie. C’est sans doute là une des raisons principales de l’engouement pour son histoire et celle de la Bretagne en cette année 2014.
Une dimension politique
Il est d’ailleurs assez significatif que ce 500e anniversaire réveille la querelle entre historiens, entre les tenants de l’école historique bretonne et ceux de l’école historique française, querelle qui dure depuis des siècles et dont d’ailleurs Anne de Bretagne a été l’un des acteurs en commandant la rédaction, par exemple, des Grandes Chroniques de Bretagne à Alain Bouchart.
Querelle que l’on a retrouvée début janvier sur les ondes de France 3 avec une présentation du 500e anniversaire diamétralement opposée sur l’antenne de Rennes, avec l’intervention d’un historien comme Erwan Chartier, et sur l’antenne de Nantes, avec l’intervention d’Alain Croix… Ce traitement différencié, pour le moins curieux, souligne toute l’actualité du personnage d’Anne de Bretagne et de sa dimension politique.
Jacques-Yves Le Touze