L’essayiste Nesmet Lazar : « Peut-on encore sauver la France ? »

Publié le 26 février 2014 par Copeau @Contrepoints

En 2010 est publié Peut-on encore sauver la France ? Cet ouvrage consiste en une analyse des différentes causes du déclin français, et livre un certain nombre de propositions pour y remédier. Fruit d’un long travail, l’analyse de chaque thème est renforcée par de nombreux exemples issus des titres de presse de tous bords, ainsi qu’un rappel très utile et complet des différentes réformes qui se sont empilées. Contrepoints a rencontré son auteur, Nesmet Lazar.
Par PLG.

Pouvez-vous présenter votre parcours en quelques mots ?

Simple citoyenne issue de la cité civile, je suis née en Algérie. J’ai grandi dans un milieu défavorisé, avec un père qui s’est beaucoup occupé de mes études, qui se sont arrêtées tôt car dans l’Algérie coloniale il était pratiquement impossible pour une « indigène » d’accéder aux études supérieures.

Jeune femme, j’ai rencontré une personne qui allait devenir mon mari, et qui a eu une longue carrière de consultant international. Moi qui n’avais pas fait d’études, j’ai découvert grâce à lui, dans le détail, des disciplines fondamentales comme les relations internationales, économiques et diplomatiques.

Suite à sa disparition, en 2005, j’ai décidé de mettre à profit toutes ces connaissances et cette expérience pour décrypter et dénoncer les politiques mises en œuvre en France depuis une quarantaine d’années.

A-t-on besoin d’un Sénat en France ? Non !

Quelle a été l’élément déclencheur de l’écriture de ce livre ?

La décision de débuter l’écriture a été prise en septembre 2006. À cette période, la campagne pour les présidentielles débutait tout juste ; Nicolas Sarkozy avait déjà clairement fait comprendre qu’il était candidat, et l’ambiance générale le voyait déjà comme le prochain président de la république française.

En observant les nombreux débats qui avaient lieu, j’éprouvais une certaine colère de voir que des sujets fondamentaux n’étaient pas abordés, et je craignais que les erreurs d’autrefois ne soient une fois de plus reproduite durant le prochain mandat.

Le seul premier premier-ministre qui avait laissé la France en bonne santé lors des élections de 1981 était monsieur Raymond barre puisqu’il n’y avait aucune dette ni déficit. Aujourd’hui, sa sépulture se trouve au cimetière du Montparnasse et il n’y a même pas une fleur sur celle-ci. Ne méritait-il pas tout comme Henri Poincaré une très belle entrée en panthéon ?

Selon vous, la première cause du déclin est l’omniprésence de la politique et des politiques dans la vie économique et sociale…

Songez pour commencer que nous avons en France 577 députés et 348 sénateurs, une moyenne de  2 à 3 sous-préfectures par préfecture sachant qu’il y en a 100  (95 en France et 5 en outre-mer) chacune dotée de sa propre administration, soit au total près de 230 sous-préfectures ; plus de 5.700.000 fonctionnaires, auxquels s’ajoutent les 60.000 enseignants embauchés à la rentrée scolaire de 2013 etc. À titre de comparaison, il n’y a que deux sénateurs par État aux États-Unis soit 100 sénateurs. A-t-on besoin d’un sénat en France ? Évidemment pas. A-t-on besoin de 577 députés alors qu’aux États-Unis, pays de 350 millions d’habitants, il n’y a que 300 députés ! Mais les réformes successives destinées à « simplifier le millefeuille administratif » n’ont eu pour conséquence que d’ajouter de nouvelles bureaucraties locales, sans supprimer les anciennes. Dans notre État conservateur, dès l’instant où vous donnez du pouvoir même limité à un individu, il sera très difficile de le lui enlever.

Vous pointez également du doigt la mainmise de certains syndicats dans des secteurs clés, qui selon vous pénalise le dynamisme économique…

Je remets en cause l’existence même du syndicalisme, précisément quant à son mode de fonctionnement. J’attends d’eux  qu’ils se conduisent comme les syndicats allemands qui ne détruisent pas les entreprises et les emplois. Il faut quand même rappeler qu’un syndicat comme la CGT gère un budget de plusieurs millions euros  (et plus précisément 400 millions d’euros) via notamment certains comités d’entreprise. Ces dernières années, d’innombrables articles et rapports ont dénoncé la très grande opacité des comptes de ce syndicat, qui possède plusieurs châteaux. Tout cet argent détourné est directement prélevé dans les finances publiques, puisque 90% du budget de la CGT vient des prélèvements obligatoires et non des cotisations des adhérents. Dans mon livre, je rappelle aux consciences de nombreux exemples d’affaires qui ont défrayé la chronique, et qui auraient dû depuis bien longtemps entrainer la révolte des citoyens.

L’espace public est devenu en partie un espace de plus en plus communautarisé.

Par ailleurs, la CGT, Force Ouvrière et bien d’autres ont toujours mené la guerre aux patrons, empêchant la restructuration de nombreuses entreprises, tombées depuis en faillite. Seule exception à mes yeux, la CFDT qui a parfois adopté une position plus « responsable », en la personne notamment de Nicole Notat qui, faut-il faut le noter, a été l’une des très rares dirigeantes syndicales à avoir créée elle-même une entreprise.

Prônez-vous la suppression des syndicats ?

Oui, s’ils se conduisent en prédateurs des entreprises ; seule une réforme profonde de leur mode  de financement et de leur politique peut les faire échapper  à cette exclusion. L’idéal serait de parvenir à terme à un modèle proche de celui de cogestion allemand, qui n’est rendu possible que par la convergence des intérêts des syndicats patronaux et de salariés.

Pourquoi d’après vous la montée du communautarisme est-elle l’une des causes du déclin français ?

Au risque de gêner une partie de vos lecteurs, j’affirme que l’espace public est devenu en partie un espace de plus en plus communautarisé, et ce bien souvent avec l’aide directe ou indirecte de l’État. Ainsi il n’est pas rare de découvrir que l’implantation de tel ou tel lieu de culte a été permise par des subventions des collectivités locales. À des fins purement électoralistes, des élus appliquent une politique clientéliste fondée sur des critères ethniques ou religieux. Or, cela entraîne certaines velléités de la part de groupes minoritaires mais très actifs. Ce qui a été donné comme un cadeau est vu comme un dû. Finalement, cela crée des tensions de plus en plus graves au sein du peuple français ; je ne sais pas comment cela finira.

Je voudrais donner pour exemple un texte qui a été adopté par les dirigeants helvétiques, il y a quelques années  qui consiste en l’interdiction à tout citoyen helvétique d’origine étrangère de porter le moindre signe distinctif religieux ; résultat on ne voit plus toutes ces manifestations illégales, à Genève, Lausanne ou ailleurs, qui se manifestent chez nous, nous qui vivons dans un pays laïque !

La Suisse est un modèle de Démocratie. Là-bas, c’est le peuple qui décide.

Vous souhaiteriez que la France adopte le principe suisse de votations. Quel en serait d’après vous le principal avantage ?

Absolument, car ce système, je répète votation et non pas référendum, permet  à tout citoyen, doté et doué bien entendu de bon sens, de prendre des dispositions, des responsabilités pour quelque texte que ce soit…

Le suisse est un modèle de démocratie. Là-bas, quoi qu’on pense des décisions prises, en particulier la dernière qui restreint l’immigration, c’est le peuple qui décide. Et il est bon de rappeler ou de signaler, que la dernière votation concernait exclusivement l’immigration européenne ! En France, mis à part au moment de l’élection présidentielle, le peuple n’a jamais la parole. Adopter le système de votations permettrait aux Français d’avoir plus d’emprise sur leurs représentants.

Mais ne craignez-vous pas une dérive du système ? Une sorte de « nimbe » qui conduirait à des politiques encore plus clientélistes ?

Ce n’est pas à exclure. Mais je veux croire en l’intelligence du peuple français, que l’on a trop souvent tendance à mépriser. Les Français ont une histoire vieille de 2000 ans, l’une des plus riches du monde et qui a «  produit »  les cerveaux les plus doués  (Rabelais, Racine, Molière, Montaigne, Pascal, Montesquieu…)

Pouvez-vous donner trois propositions fortes qu’il faudrait appliquer sans tarder ?

1° J’élimine la moitié de la fonction publique : 5.700.000 + 60.000 = 6.300.000 fonctionnaires, ceci est insoutenable pour le budget national et c’est une priorité ;

2° Je supprime les 2/3 des communes (ainsi que des régions et tout ce qui en découle,  conseillers généraux etc.) qui sont au nombre de 36.683 ; en Allemagne elles sont de 12.200 !

3° Je supprime le sénat, puisqu’il  n’a aucune utilité, et je réduis de façon drastique le nombre de députés qui devront faire leur preuve et non pas parader, esquiver leur rôle…

Permettez-moi d’ajouter que j’implique totalement les parents dans l’instruction de leurs enfants faute de quoi je supprime toute aide sociale ou financière.

Dernière question : peut-on encore sauver la France ?

Sauf à modifier de fond en comble ce pays et de façon fondamentale, je n’y crois pas. Je n’ai plus de place pour le rêve.

Nesmet Lazar, Peut-on encore sauver la France ?, Société des Écrivains, 2010, 408 pages.