La répétition est sur le point de commencer. Le régisseur, le machiniste et le directeur mettent en place les dernier détails, pendant que les spectateurs commencent à arriver dans la salle. Les acteurs eux aussi commencent à se manifester, avec leurs caprices de premier grand rôle. C’est alors que six personnes entrent doucement dans la salle. Non, pas six personnes: des personnages. Le père, la mère, le fils et la belle-fille… Ils sont à la recherche d’un auteur. Ils sont disponibles pour être la nouvelle pièce. Et ils en ont, des choses à dire. Des drames à raconter, à faire surgir. Ils sont formels: les acteurs choisis ne sont pas tout à fait à même d’incarner leurs histoires. Autant qu’ils le fassent eux-mêmes, pour expliquer enfin pourquoi la mère est en deuil alors que le père est bien vivant, et pourquoi la belle-fille semble si hargneuse envers le père.
Le concept de cette pièce de théâtre est très intéressant: déconstruire le mécanisme de la pièce et montrer, avec une mise en abyme complète, l’envers du décor. On voit le décorateur courir pour reconstituer les lieux qu’on lui demande, l’actrice principale faire ses caprices de diva. Mais on voit surtout la différence entre tout ce monde artificiel et les personnages qui sont, eux, le nerf de l’intrigue. On réalise très vite que sans eux, la pièce reste superficielle, que les acteurs ne sont que des coquilles vides. Ils sont d’ailleurs les premiers à reprocher aux acteurs de ne faire que jouer, c’est à dire transformer en fiction ce qui, pour eux, est une réalité. J’ai adoré toutes les questions sur le lien ténu entre fiction et réalité qu’entretient la littérature avec notre esprit et nos sentiments.
C’est d’ailleurs parce qu’elle a des accents d’un réalisme cruel que l’histoire des personnage est si prenante. Petit à petit, au fil de leur récit, se tisse une noire histoire d’abandon, de famille déchirée, de chute dans les bas-fonds. Pas étonnants que ces personnages ne puissent souffrir que de simples acteurs donnent vie à ce drame! On les voit se déchirer, exploser, se détruire et fondre en larme devant le public qui n’est autre que le théâtre entier et très vite, on oublie qu’ils ne sont que l’histoire secondaire, car ils deviennent l’argument principal.
La note de Mélu:
Une histoire qui a réussi à la fois à me toucher et à me faire réfléchir.
Un mot sur l’auteur: Luigi Pirandello (1867-1936) est un auteur italien, prix Nobel de littérature.