Lors de l'assez interminable soirée des Victoires de la Musique à laquelle j'ai assisté le soir de la Saint Valentin-devant mon petit écran évidemment- et qui était quand même avare en pépites musicales, un ou deux bons moments sont quand même à dégager, et notamment la belle prestation de Grand Corps Malade (un artiste capable qui pourtant commence à lasser un peu tout le monde) qui,pour l'occasion, était accompagné du génial trompettiste Ibrahim Maalouf dont le solo de trompette illumina et le morceau de GCM et la soirée dans son ensemble.
Et évidemment un autre beau moment de cette soirée fut lorsque Maalouf quitta un instant sa trompette pour recevoir la récompense dans la catégorie album de musique du monde.
Si l'on peut s'interroger du bien fondé de la catégorie qui l'a vu triompher (pourquoi musiques du monde plutôt que jazz?), personne ne pourra nier que depuis quelques temps déjà Ibrahim Maalouf a énormément le vent en poupe et que l'artiste est un des musiciens de jazz contemporain les plus géniaux du moment.
Ibrahim Maalouf a découvert la trompette avec son père Nassim Maalouf, un ancien élève de Maurice André et le premier trompettiste Arabe à jouer de la musique classique occidentale. Il a étudié le concerto classique, baroque et contemporain et dans le même temps, il a toujours baigné dans la musique orientale classique, ethnique et traditionnelle. Ces genres reposent sur les "makams" (modes orientaux) et Ibrahim est en mesure de les reproduire aujourd’hui grâce à l’invention de son père dans les années soixante : "la trompette à quart de tons" (avec un quatrième piston).
Maalouf a ainsi pour particularité d'utiliser instrument à quatre pistons, tel l'aîné Don Ellis, et il s'est aussi fait remarquer pour l'étendue d'une palette sonore naviguant entre jazz, influences classiques ou orientales et touches electro.
Le jeune trompettiste ( 34 ans seulement) est incontestablement à l'heure actuelle l’un des artistes de jazz les plus reconnus de France, vendant plus de 250.000 de ses enregistrements ces 2 dernières années, et tout le monde se l'arrache à tous les niveaux : si Grand Corps malade l'a donc sollicité pour l'accompagner sur son dernier album, Vincent Delerm ne cesse d'en vanter les mérites ( c'est comme cela que je l'ai connu la première fois), il a également souvent collaboré avec des artistes comme M, sting, Amadou et Mariam, cequi prouve si besoin était que l'artiste aime se diversifier et
Et Maalouf a ajouté récemment une nouvelle corde à son arc, sous la volonté expresse du cinéaste Jalil Lespert qui lui a demandé composer la magnifique bande originale de son films YSL (je reviens rapidement sur le film sorti depuis déjà deux mois), une BO d'une belle ande musicalité qui génère une ambiance positive et très conviviale, comme le prouve un des extraits de l'album, "True Story".
Mais revenons plutot sur cet album Illusions que j'ai eu la chance d'écouter depuis sa sortie ( merci à toi Simon pour la découverte). ions", est un album spécialement composé pour la scène. Ibrahim Maalouf y est accomagné de son fidèle groupe, Frank Woeste au clavier, François Delporte à la guitare, Xavier Rogé à la batterie et Laurent David à la basse, mais il tente une expérience innovante en ajoutant 3 trompettistes (Youenn Le Cam, Yann Martin et Martin Saccardy). Ils ont été initiés par Ibrahim aux quarts de tons, pour apporter une énergie supplémentaire au groupe.
Maalouf a tenu à ce que cet album soit festif et plein d’énergie positive pour "qu’entre le sujet traité, qui en l’occurrence est assez sérieux, et la musique que l’on écoute, il y ait une vraie différence, de manière à bien comprendre cette notion de perception et ainsi réduire cette distorsion entre les différents regards que l’on pose sur les choses".
C'est peu de dire que le pari est réussi, tant ce nouvel opus allie avec génie de nombreuses sonorités (pop,musique orientale, rock, jazz) qui se mélangent sans jamais empieter l'un sur l'autre. On voit, à travers tous les morceaux à quel point Ibraahim Maalouf n'a pas son pareil pour liver un jazz puissant mais lyrique, cosmopolite et tonique en même temps.
Ibrahim Maalouf insuffle l'esprit de la musique arabe au travers de ses pistons, sur les influences multiples de ses créations du rock (on entend pas mal, sur toute la durée de l'album, de guitares électriques) à la samba, en passant bien évidemment par tout un répertoire jazz riche et varié. On a même droit à une reprise originale et percutante de Rihanna ( Unfaifull) , même meilleure à mes yeux que l'original!!
C’est aussi la première fois que l'artiste enregistre un album en « live studio » c’est à dire avec tous les musiciens sur place en même temps, et on sent bien à quel point cet album est conçu pour être joué sur scène, pour preuve ce second extrait, "If you wanna be a woman".
Et je vous laisse avec le génial morceau « Beirut" ( issu d'un autre album du maestro) qui finit définitivement de nous immerger totalement dans l'univers du trompettiste.
A noter qu'Ibrahim Maalouf est en concert à l’Olympia, le lundi 24 mars 2014 à 20h00