24 février 2014
Une comédie philosophique délicieuse sur les apparences, le mensonge, la réalité politique moins efficace que la fiction, les jeux de miroirs et les relations complexes de la gémellité. Ici, le réalisateur met en scène son propre roman « Le Trône vide », avec la complicité irremplaçable de l’époustouflant Toni Servillo.
Je ne connaissais pas l’argument du film et c’est seulement le nom de cet artiste qui m’a donné l’envie de le voir, alors que j’avais tant aimé « Il Divo » et « La grande Belezza ». J’ai donc profité de la surprise d’un scénario bien tricoté et, cette fois encore, nous avons adoré …
Imaginez un député leader du parti d’opposition, situé au centre-gauche, qui a tant raconté de balivernes à ses partisans que ceux-ci lui reprochent d’avoir mis son parti à genoux, incapable d’un discours pertinent, totalement déconnecté des réalité sociales de ceux qui souffrent le plus de la crise dans laquelle se débat le pays : la catastrophe. Découragé, dépressif, il s’enfuit un soir – comme dans « Habemus Papam » de Nanni Moretti jadis, ou – référence historique – De Gaulle à Baden-Baden en 1968. Enrico fait sa valise et vient squatter à Paris chez Danielle (solaire Valeria Bruni-Tedeschi) une de ses premières amours de jeunesse, partagée avec son frère …
Car Enrico a un jumeau, professeur de philosophie à la personnalité troublée, déclaré guéri par les psychiatres, sous réserve d’un traitement régulier. Enrico et Giovanni, dont la ressemblance est frappante, ne se sont pas revus depuis 25 ans. Pendant que les cercles du pouvoir s’affolent de l’absence d’Enrico, son chef de cabinet Andréa (Valerio Mastandréa) a l’idée d’une substitution temporaire. Et Giovanni joue le jeu. Il a souvent adoré imiter les tics de son frère, se faire passer pour lui dans leur jeunesse …
Pendant la campagne électorale, il soulève les foules de son discours émaillé de paraboles et de citations, parle vrai et séduit les militants comme les dirigeants … y compris la Chancelière allemande dans une scène digne de Bunuel. Pendant ce temps de recul, Enrico, inconnu en France, accompagne Danielle dans son travail de script-girl. Il est dans la vraie vie, retrouve de vraies valeurs, se reprend à séduire une jolie femme, remet ses idées d’aplomb, revient sur terre.
Il y aura bien un moment où chacun reviendra dans sa bonne case …
Evidemment, la farce est simpliste. Mais la réalité des bobards en langue de bois qu'on fait avaler aux électeurs est criante. Les fous sont-ils plus aptes que les politiciens de métier à donner l'espoir et inciter les peuples à se départir de leur apathie pour enfin entreprendre les réformes nécesssaires ? ... Je l'ignore ! Les allusions à la politique contemporaine sont évidentes – et pas seulement valables pour l’Italie. Ce film est superbement interprété – jouer deux rôles est un classique de la comédie que l’Italie a inventée jadis. Toni Servillo enchante.