LA RELIQUE
Mon cher abbé,
Mon projet de mariage avec Edmée,
Ta cousine, est compromis
À cause d’une mauvaise plaisanterie
Que j’ai été bien sot de lui faire.
Si tu pouvais me tirer d’affaire,
Je t’en saurais gré.
Je reviens de Cologne,
Où malgré ma charge de besogne,
J’avais accepté
De donner une conférence.
J’ai traité
Des différentes croyances.
J’avais annoncé mon voyage à Edmée
Et elle m’avait demandé :
-« Je serais enchantée
Si vous pouviez me rapporter
Un pieu souvenir. Oh ! Mon amour,
…J’attends déjà votre retour ! »
Sachant sa dévotion fanatique,
Je lui ai donc acheté une relique :
Ein bétit os des once mille fierges
Et… deux cierges !
Figures-toi
Qu’en rentrant chez moi,
Je me suis aperçu
Que j’avais perdu
Mon petit cadeau.
Je me suis alors vite procuré
Un éclat d’os
…De goret !
Puis je me suis rendu chez Edmée.
-« Que m’avez-vous rapporté ? »
Je lui remis le saint médaillon.
Elle baisa la parcelle de cochon :
-« Oh ! Une relique !
Est-elle authentique ? »
-« Absolument, je l’ai volée pour vous. »
-« Mais où ? »
Je poursuivis mon imposture initiale :
-« À Cologne, dans la cathédrale.
J’ai glissé la main entre vingt cierges
Et réussi à ouvrir la châsse même
Des Onze Mille Vierges. »
-« Oh ! Merci, chéri ! Que je vous aime ! »
Cher abbé, remarque ceci :
Pour elle, j’avais commis
Le viol d’une châsse sacrée.
Et malgré ce sacrilège, elle m’adorait !
Telle est la femme,
Toute la femme !
Mais hier, comment l’a-t-elle appris ?
Elle m’a dit : -« La châsse est inaccessible.
Votre vol était donc impossible ! »
Elle avait compris ma supercherie.
Et du moment
Que je n’avais pas été
Le voleur d’un objet sacré,
Elle refuse de me voir dorénavant.
De plus, elle exige une relique,
Une vraie, certifiée, authentique.
Cela me rend fou d’embarras.
Connaitrais-tu par hasard un chapelain
Ou un prélat,
Collectionneur de fragments saints
Qui pourrait me céder un fac-similé ?
Sauve-moi, cher abbé,
Je t’en prie.
Bien amicalement, Henri.