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La relique, d'après Maupassant

Publié le 24 février 2014 par Dubruel

LA RELIQUE

Mon cher abbé,

Mon projet de mariage avec Edmée,

Ta cousine, est compromis

À cause d’une mauvaise plaisanterie

Que j’ai été bien sot de lui faire.

Si tu pouvais me tirer d’affaire,

Je t’en saurais gré.

Je reviens de Cologne,

Où malgré ma charge de besogne,

J’avais accepté

De donner une conférence.

J’ai traité

Des différentes croyances.

J’avais annoncé mon voyage à Edmée

Et elle m’avait demandé :

-« Je serais enchantée

Si vous pouviez me rapporter

Un pieu souvenir. Oh ! Mon amour,

…J’attends déjà votre retour ! »

Sachant sa dévotion fanatique,

Je lui ai donc acheté une relique :

Ein bétit os des once mille fierges

Et… deux cierges !

Figures-toi

Qu’en rentrant chez moi,

Je me suis aperçu

Que j’avais perdu

Mon petit cadeau.

Je me suis alors vite procuré

Un éclat d’os

…De goret !

Puis je me suis rendu chez Edmée.

-« Que m’avez-vous rapporté ? »

Je lui remis le saint médaillon.

Elle baisa la parcelle de cochon :

-« Oh ! Une relique !

Est-elle authentique ? »

-« Absolument, je l’ai volée pour vous. »

-« Mais où ? »

Je poursuivis mon imposture initiale :

-« À Cologne, dans la cathédrale.

J’ai glissé la main entre vingt cierges

Et réussi à ouvrir la châsse même

Des Onze Mille Vierges. »

-« Oh ! Merci, chéri ! Que je vous aime ! »

Cher abbé, remarque ceci :

Pour elle, j’avais commis

Le viol d’une châsse sacrée.

Et malgré ce sacrilège, elle m’adorait !

Telle est la femme,

Toute la femme !

Mais hier, comment l’a-t-elle appris ?

Elle m’a dit : -« La châsse est inaccessible.

Votre vol était donc impossible ! »

Elle avait compris ma supercherie.

Et du moment

Que je n’avais pas été

Le voleur d’un objet sacré,

Elle refuse de me voir dorénavant.

De plus, elle exige une relique,

Une vraie, certifiée, authentique.

Cela me rend fou d’embarras.

Connaitrais-tu par hasard un chapelain

Ou un prélat,

Collectionneur de fragments saints

Qui pourrait me céder un fac-similé ?

Sauve-moi, cher abbé,

Je t’en prie.

Bien amicalement, Henri.


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