Mal logés : la faute à qui ?

Publié le 24 février 2014 par Copeau @Contrepoints

Par Jacques Garello.

Un article de l’Aleps.

L’anniversaire de la mort de l’abbé Pierre a été l’occasion de dénoncer une fois de plus la crise du logement. L’INSEE estime en effet à plus de trois millions le nombre de personnes en France dont le logement est insalubre, inconfortable, exigu et vétuste. Parallèlement, on recenserait quelque 250.000 SDF, dont la moitié sans abri.

Je crois inutile de m’attarder sur le personnage et l’action de l’abbé Pierre, dont les choix politiques sont allés jusqu’à nier la Shoah et dénoncer le sionisme, jusqu’à soutenir Roger Garaudy, les communistes et les brigades rouges italiennes – ce qui lui a valu d’être exclu de l’Eglise par Monseigneur Lustiger.

Le plus important en effet me semble être le combat mené par l’abbé Pierre et sa Fondation contre la crise du logement. Ce combat a été couronné en 2007 par la reconnaissance du « droit au logement opposable » (DALO), au mépris du principe même de la propriété privée. Mais, Dalo ou pas, il n’y a pas assez de logements en France. Pourtant, l’Etat s’y emploie, avec un zèle soutenu. Les gouvernements successifs ont donné propriété au logement dit « social ». Ce faisant, ils ont ruiné le marché de la location, découragé et pénalisé les propriétaires immobiliers, ces pelés ces galeux d’où venaient tous les maux !

La priorité au logement dit « social » est assez surprenante. Première anomalie : les HLM bénéficient largement à des personnes qui ont des revenus substantiels, supérieurs aux 4.000 euros par mois, plafond théorique de ressources. Plus de 50.000 familles ont même des revenus supérieurs à 12.000 euros. Compte tenu des diverses aides, le « taux d’effort » (part du logement dans le budget des ménages) est inférieur chez les locataires des HLM (20,6 %) par rapport aux locataires du privé (22,4 %). Deuxième anomalie : alors que les HLM devraient fournir un logement transitoire en attendant que le locataire puisse trouver un logement privé ou accéder à la propriété, le taux de rotation est en baisse permanente : de nombreux logements restent occupés très longtemps alors que de nombreux ménages sont sur les listes d’attente. Ainsi l’attribution d’un HLM apparaît-elle comme un privilège durable en faveur de gens qui pourraient largement payer un loyer au prix du marché dans le secteur privé. Pourquoi ce privilège ? C’est que l’opacité des HLM masque le clientélisme politique. Le résultat global est saisissant : il y a davantage de locataires « pauvres » dans le secteur privé que dans le logement social !

Voyons maintenant ce qui se passe du côté du secteur privé.

L’Etat a tout fait pour rendre coûteuse voire impossible la construction de logements privés. Tout d’abord, les pouvoirs publics ont organisé la pénurie foncière, avec les plans locaux d’urbanisme (PLU, naguère POS) et aujourd’hui le prix du terrain représente la moitié du coût de la construction. Puis, ils ont multiplié les démarches pour les permis de construire : un vrai parcours du combattant. Vient ensuite la fiscalité, qu’il s’agisse des impôts et taxes à la construction, ou de la ponction fiscale sur les revenus immobiliers. De plus, cette fiscalité est incertaine : la loi « Scellier » relativement avantageuse, a été modifiée, puis remplacée, et les aides de l’Etat se sont évanouies. D’ailleurs l’Etat a toujours privilégié « l’aide à la pierre » par rapport à « l’aide à la personne » : ce ne sont pas les plus déshérités qui en bénéficient. Au total, il y a plus de 55 milliards d’euros d’impôts sur le logement. Autre question : pourquoi les HLM sont-ils financés par la Caisse des Dépôts et Consignations, qui elle-même s’approprie la gestion de l’épargne déposée sur les livrets A des caisses d’épargne et en partie des banques ? Le parc privé ne bénéficie pas d’un tel avantage pour financer la construction !

Reste enfin le plus gros morceau : les fameux « rapports locatifs », c’est-à-dire l’impossibilité pour les propriétaires de se séparer de locataires indésirables et ne payant pas leur loyer. Une procédure d’expulsion dure en moyenne un an et demi, les loyers impayés ne sont presque jamais récupérés, les locaux sont détériorés et parfois même dévalisés. Mais, en application du principe de la lutte des classes, ce n’est que justice : les propriétaires bourgeois n’exploitent-ils pas les locataires prolétaires ? Bon prince, l’Etat a imaginé la GRL, garantie des risques locatifs : un échec total, faute de ressources pour indemniser les propriétaires lésés. Mais voici que maintenant Madame Duflot met en place l’ALUR, la loi « Accès au Logement et un Urbanisme Rénové », qui inclut sans doute une garantie de loyer, mais l’assortit de telles conditions que les propriétaires en ressortent encore plus dépouillés qu’auparavant. En particulier les loyers sont encadrés autour d’un « loyer médian de référence » fixé par le préfet. La loi énumère aussi toutes les nouvelles obligations auxquelles les propriétaires sont astreints, pour les dissuader de louer des habitations « indignes ».

Ainsi donc, le marché de la location immobilière a-t-il totalement disparu : pas de liberté de l’offre ni des prix, le bail n’est plus un contrat mais un règlement administratif, la protection de l’environnement et la politique de l’énergie passent avant le droit de propriété. Pourtant, non seulement le logement social est toujours prioritaire, mais il est devenu une obligation pour les municipalités : la loi SRU (Solidarité et Renouvellement Urbains) votée à l’initiative du ministre communiste Gayssot prescrivait aux municipalités d’avoir une superficie de logements sociaux égale à 20 % du parc global construit dans la commune. Madame Duflot a fixé la barre à 25 % : on n’arrête pas le progrès.

Voilà sans doute de quoi expliquer la crise du logement : les mal logés et les sans logis ne sont pas protégés par l’Etat, c’est l’Etat qui les a réduits à cette indigne condition.

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