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Chronique ontarienne, par Jean-François Tremblay…

Publié le 23 février 2014 par Chatquilouche @chatquilouche

La semaine dernière, j’étais à Montréal pour assister au spectacle de l’une de mes chanteuses préférées,NicoleAtkins2010-400x318 Nicole Atkins.  Rockeuse à la grande voix, native du New Jersey, Atkins a lancé trois albums depuis 2007 et n’attire encore qu’un mince public.  La jeune artiste de 35 ans, qui pratique ce métier depuis plus de dix ans, est passée tout près d’une grande carrière lorsqu’elle était sur une étiquette majeure peu avant 2010.

L’illustre David Byrne mentionne son cas dans le livre How Music Works.  Le texte ci-dessous est repris d’un article de Ben Sisario dans le New York Times en 2011.

Elle était chez Columbia Records et a reçu le traitement royal qu’on réserve aux futures vedettes, dont plusieurs pages dans le magazine Rolling Stone et même une publicité d’American Express en prévision de son premier album, Neptune City.  Les critiques commencèrent à se laisser charmer par ses chansons sombres, presque surréelles, ainsi que par sa voix puissante et dramatique.  Peu avant le lancement, cependant, l’album fut reporté – pour être remixé par le nouveau coprésident de la compagnie, Rick Rubin – et quand il est finalement sorti, plusieurs mois plus tard, l’élan promotionnel s’était évaporé.  Seulement 32 000 copies de Neptune City furent vendues, selon Nielsen SoundScan, et dès 2009, Mme Atkins et sa compagnie de disques avaient « divorcé », comme elle l’a elle-même expliqué.  [Traduction libre de l’auteur]

Aujourd’hui, grâce à une campagne fructueuse de financement participatif, Atkins est à la tête de sa propre compagnie de disques et vient de lancer un album – Slow Phaser – qui lui ressemble plus que jamais, un mélange de rock, disco, funk et prog.  Totalement libérée de la pression qu’exerce une grande entreprise, la chanteuse est plus créative que jamais.

Ceci étant dit, un ami de longue date, qui m’accompagnait au spectacle, ne cessait de répéter qu’il trouvait triste la situation de la chanteuse.  Lorsque nous sommes entrés dans le bar où avait lieu le spectacle, il la remarqua, assise sur un tabouret, sirotant un verre de vin et « textant » sur son téléphone, entourée de ses musiciens.  Cette image, pour lui, était triste.  À partir de l’idée qu’elle n’était pas l’artiste qu’elle aurait pu être (selon lui), il ressentait de la pitié pour elle.  Il déplorait qu’elle soit obligée de jouer dans un si petit endroit.

Mon opinion est différente.  Ce que j’ai vu au bar est une personne vraie, proche des gens, une artiste indépendante, qui a depuis longtemps fait le deuil d’une carrière à l’Adèle ou l’Amy Winehouse et qui fait aujourd’hui ce qui lui plaît au plan musical – avec des moyens limités, certes.  Les petits bars toutefois, ça force à la créativité, à la spontanéité.  La proximité avec le public est immense, et selon moi, essentielle pour tout artiste.

J’ai davantage de plaisir à voir un spectacle dans ce genre d’environnement qu’au Centre Bell, par exemple, où l’artiste retourne immédiatement dans sa loge après son tour de chant – aucun contact direct avec le public n’est possible.  Dans un petit bar, l’artiste souvent va lui-même vendre sa marchandise de tournée à une table à l’entrée – disques, t-shirts, épinglettes, etc. ; il va signer des autographes, se laisser prendre en photo, et prendre le pouls de ses admirateurs.

Le livre de David Byrne, mentionné plus haut (et dont je vous ai déjà parlé dans une chronique antérieure) met en lumière les rouages de l’industrie musicale depuis ses débuts, et la situation actuelle ne me semble pas si noire qu’on la décrit souvent dans les médias.

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Qu’un artiste soit obligé de tout faire, plutôt que de laisser son œuvre être diluée aux mains d’une grosse société froide et avare, est une chose positive à mes yeux.  Des artistes de toutes les disciplines et de toutes les époques se sont battus pour tenter de conserver un certain contrôle sur leur art, souvent en vain.

Les musiciens, chanteurs et autres, ont aujourd’hui, grâce aux différentes technologies, la possibilité de jouer les rôles de créateurs, diffuseurs, publicistes – de tout décider, de tout contrôler.  Le public est fragmenté, j’en conviens, et les possibilités de devenir millionnaire dans ce métier sont extrêmement limitées, mais si les attentes de l’artiste demeurent réalistes, si celui-ci conserve son intégrité et a une démarche artistique relativement précise, je crois qu’il peut vivre de manière décente de son art et en tirer une immense satisfaction.

Je ne crois pas qu’on doive plaindre les artistes indépendants.  Il faut au contraire les encourager.

Notice biographique

Jean-François Tremblay est un passionné de musique etdecinéma. Ila fait ses études collégiales en Lettres, pour se diriger par la suite vers les Arts à l’université, premièrement en théâtre (en tant que comédien), et plus tard en cinéma.  Au cours de son Bac. en cinéma, Il découvre la photographie de plateau et le montage, deux occupations qui le passionnent.  Blogueur à ses heures, il devient en 2010 critique pour Sorstu.ca, un jeune et dynamique site web consacré à l’actualité musicale montréalaise.  Jean-François habite maintenant

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Peterborough.   Il tient une chronique bimensuelle au Chat Qui Louche.

(Une invitation à visiter le jumeau du Chat Qui Louche :https://maykan2.wordpress.com/)


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