On croise, dans ce manga, une galerie de personnages assez riche : d’un intérimaire fauché à un amnésique amoureux à la recherche du fameux goût qui lui manque tant, d’un vieillard portant malheur à ceux qui croiseraient son regard à un couple amateur de brocantes… De ces instants insaisissables, à l’allure faussement banals, dont pourtant mille secrets restent à explorer.
Ce qui m’a séduit avant tout, ce sont cette narration très travaillée et cette [bémotion fil rouge,]b notamment en tentant de percer le regard de Hiroko, ce petit garçon muré dans le silence et cachant ses malheurs derrière une paire de lunettes de motard. Petit coup de cœur également pour le personnage ubuesque du Dieu de la misère, au physique déroutant de Tortue Géniale, et à l’humour bien pensé, qui sert d’appétissante mise en bouche pour la première nouvelle de ce recueil.
Tetsuya Toyoda a le talent d’un Taniguchi ou d’un Asano, deux de mes magakas fétiches et déjà largement célébrés. Les coups de crayons, occidentaux dans l’âme, réalistes et pointilleux, sont en effet très proches. Mais sans être une copie pure, rassurez-vous. D’ailleurs, l’auteur de « Quartier Lointain » lui-même n’a pas hésité à qualifier Goggles « d’une œuvre proche de la perfection dont la lecture l’a bouleversé ». Le meilleur argument qui soit pour convaincre les plus récalcitrants à le lire!
Emilie Genévrier