Basile Bernard De Bodt – Chambre 220

Par Stéphane Chabrières @schabrieres

Nous découvrons Fernand dans sa chambre ; il écrit et dit :

« Pavillon des cèdres, clinique Jeanne D’Arc.
Face à notre pavillon, on dirait de l’arbre du jardin que ses branches
dansent la célébration d’un feu intraverti et pourtant audible et translucide vers le ciel…

Ouvre Fernand, ouvre le coeur de l’abîme en toi
et tu seras à nouveau projeté vers les astres qui te gouvernaient…

Longtemps, longtemps j’ai cru que ce n’était plus ma vie que je vivais
et pourtant il semble bien que ce soit celle-là et pas une autre.
Mais je reviens vers toi mon arbre, la pelure de ton écorce rassemble toutes les peaux humaines
que la terre peut offrir au contempleur inanimé que je deviens.

Hé toi l’oiseau, toi pour qui ces barrières de métal et ces grilles de fer forgé ne signifient rien,
que ferais-tu à ma place ?
Creuserais-tu des racines plus profondes ou déploierais-tu tes ailes vers d’autres mondes ?…

Que dis-tu mon arbre ?…
Ton ombre bleutée que j’aperçois ce soir par la petite fenêtre de ma chambre
semble me dire « Courage, courage Fernand, n’abandonne pas, tu es enfermé, c’est vrai, mais
même ainsi tu es vivant,
tu es encore vivant, écoute le dernier chant de l’ oiseau qui le répète après moi : « Ti tiwititi, tiwititi, tiwititi… »…

… … … … … … … … … Nuit … … … … … … … … … … … … …

Le lendemain matin.

Mais qui ? …
Ce matin tremblent, tremblent ses feuilles dans la pluie et dans le vent
tandis que le chant de Toto La Monposina, par delà la mort, m’emmène vers un improbable ailleurs.

Frère arbre lumière, même en ce jour gris tu m’éclaires de tes ondoyantes tentatives d’éclore à tout moment.

Et dansent ,dansent les araignées de tes branches tandis que le « Chambackou » de Toto encalifourchonne le temps…

Pourquoi ai-je si souvent accepté d’être traité comme l’esclave du pire ? …

***

Basile Bernard De Bodt – Février 2014

Basile Bernard De Bodt – La Certitude d’Etre