J’ai reçu dernièrement le courriel d’un agent de voyage Tunisien basé à Paris. Monsieur Hakim TOUNSI, m’a interpellé sur l’open Sky que le Maroc a signé en 2006. Sa question portait essentiellement sur l’impact de cette initiative dans l’activité touristique Nationale. Je lui répondu que l’open Sky peut être une opportunité à condition d’y être préparé. Ce qui ne fut malheureusement pas notre cas au Maroc.
Avec son accord, je vous livre son analyse et son appréhension sur un sujet qui mérite d’être débattu par tous ceux et celles qui se passionnent pour l’avenir de notre profession.
« D’après ce que j’ai pu lire ça et là, suite à l’Open SKY, le constat suivant semble faire l’unanimité !
- Départ des petits T.O (moi je dirai mise à mal du tour opérating et départ des T.O grands ou petits)
- Reconversion de l’activité de certaines Agences de Voyages Réceptives vivant auparavant du tour opérating, voir leur disparition.
- Réduction des nuitées hôtelières dans les zones ayant vécu l’arrivée des lowcost et le départ du Charter. (Par opposition bien évidemment aux zones qui ont bénéficié de l’ouverture de nouvelles lignes aériennes qui ont certainement du voir leurs nuitées augmenter). Ce phénomène s’expliquerait par la combinaison de la réduction de la durée de séjour avec une moins bonne performance commerciale des sites vendant l’hôtel seul comparée à celle des réseaux des T.O classiques commercialisant généralement des packages avec 7 nuits de séjour !
- Le développement de l’économie informelle.
Le problème que je redoute personnellement le plus au sujet de l’Open Sky, ce n’est pas l’Open Sky en lui-même. Ce qui pose problème, à mon sens, ce sont surtout les effets pervers de l’Open Sky comme par exemple la guerre de prix inévitable et incontrôlable entre compagnies aériennes tirant les prix vers des niveaux très bas en déconnexion totale des lois économiques de la rentabilité et de la concurrence loyale.
Il est évident que chaque compagnie aérienne pour se maintenir et avoir le dernier mot, va, selon ses moyens, pratiquer les prix les plus attractifs voir les plus fous ! A ce jeu là, les compagnies européennes partent avec une sacrée avance ! En plus de leurs avancées dans tous les domaines au niveau des règles et des procédures de gestion, les compagnies européennes ont accès à un système financier beaucoup plus solide et disposé à les soutenir que celui qu’on peut trouver dans les pays du Sud. Un Euro n’a pas la même valeur à Tunis, à Marrakech, à Paris ou à Genève !
Une compagnie aérienne européenne peut très bien pour des raisons stratégiques à Moyen et Long termes décider de soutenir des bilans volontairement déficitaires avec des prix de vente tirés vers le bas, devant lui permettre d’arriver à ses objectifs en terme d’implantation et de prise de parts de marché !
Comment dans ce cas contrôler et savoir si le tarif proposé par telle ou telle compagnie par exemple de 90€ HT pour un A/R ORY/TUN/ORY ou ORY/RAK/ORY est un tarif économiquement correct ou si c’est un tarif qui n’a aucune base économique mais qui répond juste aux besoins du marché pour attirer le client avant les autres ?
Si, pour des raisons d’inadéquation des chances d’accès aux financements, la guerre des prix entre compagnies aériennes est insoutenable pour les compagnies du Sud ( arrêt des lowcost marocaines et difficultés à la RAM) comment peut elle être soutenable à fortiori chez les Tour Opérateurs qui n’ont ni la taille, ni les finances, ni les motivations des compagnies aériennes.
Un tour Opérateur, quel qu’il soit, ne peut pas s’amuser à acheter un stock aérien Charter à 220€ HT le back To back et passer son temps à contrer des compagnies qui vendent le même siège en B2C à 100€ HT !
Le paradoxe étant que les compagnies aériennes vous disent que le prix de revient du siège est de 220€ le B2B à 100% de remplissage de l’avion, quand vous voulez affréter mais qu’en même temps elles vendent elle mêmes le siège à 100€ en B2C se cachant derrière le concept de compagnie à bas coût !
Au fait quelle est le véritable coût du siège et son juste prix à la vente ? Quelqu’un s’est il inquiété pour poser cette question ? Quelle est la règle du jeu ? A partir de quel seuil parle t-on de dumping ? Qui contrôle les contrevenants ?
Car au fond si ce problème était résolu, la cohabitation entre compagnies aériennes ou entre compagnies aériennes et tour opérateurs serait possible avec une devise valable pour tous : Seule la performance fait la différence.
Comme dans le sport, le dopage devrait être contrôlé et poursuivi y compris dans le domaine du transport aérien, du tour opérating, du tourisme et de l’économie plus généralement. Sans ce service anti dopage le jeu perd son attrait car le gagnant est connu d’avance. De plus le gagnant au lieu d’être montré du doigt et jugé, il se pavane en fêtant ses victoires. Jusqu’à quand les perdants à ce jeu sordide accepteront ils de jouer avec des dés pipés ? »
Hakim TOUNSI est le fondateur de Authentique International, Tour Opérateur basé à Paris et spécialiste de la Tunisie. Il fait partie des entrepreneurs tunisiens qui ont choisi de s’expatrier et de créer des TO de taille moyenne pour drainer une clientèle en direct. Ils sont à l’origine du succès de la destination Tunisie en France.
Dés 1987, après de brillantes études en économie et un passage par le secteur bancaire en Tunisie ( BNDT), il rejoint le groupe Aquarius de Lotfi Belahssine jusqu’en 1991.
De 1991 à 1993, il est recruté au Club Med en qualité de directeur du contrôle budgétaire, en charge de 22 Villages de vacances.
De 1993 à 1998, il est Co fondateur, administrateur et DG de APM Option Vacances, TO basé à Paris et spécialisés en séjours ludiques, circuits et séjours linguistiques pour les Juniors.
En 1998, il fonde Authentique Voyages.
Hakim Tounsi, intervient régulièrement dans les médias, forums et tables rondes organisées en Tunisie et en France.