Vin, amour et fantaisie à l’Opéra de Monte-Carlo

Publié le 23 février 2014 par Podcastjournal @Podcast_Journal
Quarante et unième opéra de Donizetti, "L’élixir d’amour" est un charmant récit aux tons délicats qui met en scène un marivaudage non dépourvu d’une certaine cruauté. Son but, qui est simplement de divertir est parfaitement atteint avec la production lausannoise signée par Adriano Sinivia.
Pour lui, l’ouvrage, "comme le veut le livret, se passe à la campagne, parmi les champs de blé. Mais au plus profond de ceux-ci, tout en bas, au ras des pâquerettes, vit toute une civilisation d’êtres minuscules, avec ses rituels de tri sélectif, ses us et ses coutumes, récoltant et recyclant tout ce qu’elle peut trouver chez les Hommes ou ce qui a été abandonné par eux."

Adina et Nemorino chez les Minimoys, il fallait y penser! L’idée tient la route. Le propos pourra paraître pour certains quelque peu tiré par les cheveux, mais il sert néanmoins de prétexte à des décors grandioses (Cristian Taraborelli) représentant côté cour la roue d’un tracteur, des épis de blé (côté jardin) ou encore une boîte de conserve d’où sortira une soldatesque irrésistible de drôlerie.
La vidéo, beaucoup utilisée, comique à souhait, achève de nous séduire.

Qu’on adhère ou non aux idées du metteur en scène, il n’en reste pas moins que le spectacle acrobatique est enlevé, frais, savoureux, pétillant, élégant, burlesque, poétique, avec une caractérisation en profondeur de chaque personnage et une direction d’acteurs mitonnée aux petits oignons.
Adriano Sinivia arrive même à tirer cette paysannerie musicale vers l’opérette ou le musical américain tout en respectant à une note près une musique plus difficile qu’il n’y paraît. Car ici, le rire est bien proche des larmes, le musicien bergamasque illustrant et inaugurant de belle manière, en 1832, l’esthétique de l’opéra semiseria sur un livret des plus réussis de Felice Romani.
Tant il est vrai qu’au théâtre, comme à l’opéra, lorsque chacun des protagonistes trouve sa juste place il ne peut offrir que le meilleur de lui-même, avouons notre plaisir à n’adresser aucun reproche à la distribution.
Enfin, si, un petit, pour le ténor Stefan Pop, vingt-sept ans aux prochaines moissons, nounours gauche, balourd, benêt comme le veut la tradition, vaillant parfois, soucieux de contrastes et de phrasé, mais qui loupa totalement son "tube" par une suavité pas toujours dans la portée.
Mariangela Sicilia, Adina mutine, super-vitaminée, espiègle, séduit par son naturel et son chant léger et solide à la fois, cristallin, tout en nuances, fait de pianissimi et son filé lumineux.
Belcore, on le sait, est un personnage ridicule, parfois grotesque et George Petean, baryton aux moyens considérables, au timbre rond et haut placé, le joue avec aplomb, drôlerie, une grande correction musicale et des aigus sidérants.
Précédée d’un clairon plus caserne que nature, l’entrée du charlatan Dulcamara, juché sur sa drôle le machine publicitaire, à la tchatche impressionnante, tape dans le mille. Le sympathique Adrian Sampetrean, de son timbre de bronze, allie de belle manière prestance vocale et verve bouffe.
On oublie parfois de parler des chœurs de l’Elisir. Aux côtés de Vannina Santoni, Giannetta d’une exquise couleur vocale, ils s’imposent par leur efficacité et leur naturelle musicalité.

Nous avons gardé la meilleure pour la fin. Pour sa première vraie direction d’un ouvrage belcantiste, Nathalie Stutzmann (ovationnée comme jamais par le Philharmonique de Monte-Carlo radieux, retrouvé, complice, comme en lévitation), dans un bel équilibre fosse-plateau, évite de couvrir les voix, distille les mille subtilités de la partition et ne se contente pas d’assurer un simple fond d’accompagnement. C’est précis, nuancé, truffé de drôlerie et de délicatesse. Venant d’une baroqueuse estampillée, chapeau bas!
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