Par Alexis Vintray.
La France a certes des problèmes, nombreux, mais, selon les auteurs, ce sont ceux d’une adolescente mal dans sa peau, qui aspire à des rêves de liberté et de création et attend pour les réaliser qu’on la laisse libre d’expérimenter, de se tromper et de réussir. Des attentes élevées, qui tranchent avec la famille étouffante que les deux auteurs décrivent : une politique sociale étouffante, un État-nounou qui surveille chacun de vos faits et gestes pour vous forcer à être heureux comme il l’entend, un État partout présent et pourtant impuissant à régler le moindre problème. Tout ce qui ne va pas est souligné par ces parents étouffants, les succès ne le sont eux jamais.
Enfermée dans ce carcan familial, cette France adolescente se réfugie dans la consommation d’antidépresseurs où elle bat tous les records, dans le Prozac de la dette ou des subventions et dans le refus de grandir par la recherche illusoire d’une protection impossible (protectionnisme, fermeture des frontières, exception culturelle, etc.) qui rappelle l’ado interdisant l’accès à sa chambre.
Cette peur de l’extérieur s’explique par trop de questions personnelles sur l’identité restées sans réponses. Quel adulte être à l’issue de cette remise en cause de l’adolescence ? Quel pays être après plusieurs décennies d’incertitudes et d’échecs successifs ? Aussi mal conduit ait été le débat sur l’identité nationale de Nicolas Sarkozy, il était révélateur de cette attente d’une réponse à la question qui suis je ? qui ne peut pourtant venir que de nous-mêmes.
Face à cette situation, les parents étouffants sont démunis comme les parents de tout ado et leurs choix sont tout sauf les bons. Au lieu de les aider à grandir, ils les surprotègent et leur ôtent toute possibilité de choix véritable. Le psychiatre Patrice Huerre rappellent à quel point c’est une erreur : les enfants de la crèche de Lóczy en Hongrie avaient ainsi bien plus de succès quand on les laissait expérimenter : les enfants trop protégés se cassent la figure bien plus que des enfants laissés à leur initiative. Il est temps plutôt de s’inspire des lémuriens malgaches, accrochés à leur mère sur les branches basses. Les petits grandissant montent dans les arbres et la mère surveille de loin, n’intervenant que lorsqu’elle estime qu’il y a danger mortel. Elle laisse son petit expérimenter, et parfois se tromper, pour apprendre.
Une démarche constructive dont la France devrait s’inspirer, au lieu du discours moralisateur axé sur la sanction que l’on retrouve bien trop souvent. Comme le disait la sénatrice EELV Esther Benbassa, lauréate du Gaspard du paternalisme sans se rendre compte de l’absurdité de cette vision, les politiciens voient aujourd’hui encore les Français comme des enfants qui ne comprennent que la punition et la sanction : « dans un pays comme le nôtre, où la menace de la sanction est brandie très tôt dans l’existence d’un enfant et continue d’encadrer en toute occasion la vie des adultes, bref, dans le contexte français… ». Saurons-nous oser plutôt la liberté ?
Voilà qui ne change pas grand chose aux problèmes français et les présente simplement sous un regard différent plus vendeur diront les grincheux. Mais n’est-ce justement pas ce dont nous avons besoin ? Bien expliquée, la liberté convainc déjà alors que conservatisme et socialisme prospèrent sur la peur ou la jalousie.
Surtout, si les hommes politiques sont les premiers décrits dans cette présentation de parents surprotecteurs, c’est aussi chacun d’entre nous qui est responsable de les avoir reconduits d’élection en élection, année après année. Il faut de ces visions stimulantes pour convaincre les français que la liberté n’est pas une source d’angoisse, mais au contraire une source d’optimiste, de création, de progrès et d’optimisme. Seulement si elle se convaint que la liberté est faite pour elle, la France pourra sortir de sa crise d’adolescence qui n’a que trop duré.
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