Août 1990, Anaheim,
Hollywood Boulevard.
Cet été là, j'ai 18 ans depuis 6 mois. Les deux amis que j'irai rejoindre à Edmonton, Maître Kluzak & Doctor Peake*, ont 18 ans depuis 10 mois et travaillent dans un garage. La côte Ouest que nous visiterons en trio cet été là regorge d'endroits où on réclamera 21 ans afin de consommer de l'alcool.
Ce que nous ferons en quantité astronomique anyway usant des meilleurs subterfuges possibles.
Je les rejoint à Edmonton et à trois, on quitte en voiture pour se rendre d'abord à San Francisco (où on fait entrer Kluzak en secret après avoir payé une chambre pour une nuit, pour deux) puis on se rend à Anaheim sur le Hollywood Boulevard car le lendemain nous nous rendons à au Parc de Disneyland.
Mais ce soir-là, nous fêtons notre arrivée en buvant comme des éponges. Le gros trip des Étatsuniens du coin est de se promener en voiture avec caisson arrière et avec une demi-douzaine de gens assis dedans à parader autant qu'à scruter les environs. Nous trois, nous marchons sur le Hollywood Boulevard, ivres et plein de bonne humeur. Triple célibataires, nous sommes à la recherche de la belle Étatsunienne aux boucles d'or, dans le meilleur des mondes, de trois perles dans l'océan de chaleur de la côte Ouest californienne.
Bien entendu nous revenons à la chambre d'hôtel bredouille. Non sans passer par le site d'un autre hôtel dont le bain tourbillon est fermé (il est entre minuit et 2 heures du matin) mais que nous remettons en marche en nous plongeant dedans, ivres à le belle étoile. Illégaux sur presque tous les fronts.
Revenus à la chambre, les trois voyageurs du Québec s'endorment. Un peu malgré eux, surtout parce que saoûls.
Il faut savoir que les trois ont des sommeils tout ce qu'il y a de plus différents l'un de l'autre. Kluzak dort facilement et comme un loir. Et il peut dormir longtemps. Peake a un sérieux trouble du sommeil, il peut vivre des terreurs nocturnes qui lui paraissent extrêmement réalistes, se lever et tenter de sortir par la fenêtre ou encore être en train de déplacer un meuble pour bloquer la porte de sa chambre ou encore hurler qu'ILS SONT LÀ! IL FAUT FAIRE QUELQUE CHOSE! avant de reprendre raison. Il va de soi que son sommeil est extrêmement agité. Le mien, vous le savez, est non seulement rare, mais il est aussi très agité. Je bouge sans cesse. Mais avec quelqu'un qui bouge aussi, ça s'annule. Je bouge moins. Kluzak, qui a de très belles relations avec Morphée, nous oblige à Peake et à moi de coucher dans le même lit, car il ne veut pas que son sommeil à lui soit troublé. Fair enough.
Alors le soir-même, bien entendu je suis réveillé trop longtemps pendant que les deux autres ronflent. Je choisi donc de repartir sur le Hollywood Boulevard et chercher à la fois à perdre ce vertige alcoolique, et à la fois trouver un peu de fatigue pour que mon corps ait envie du sommeil.
"Hey!"
Une voix de fille.
"hey pretty boy, what's your name?"
Elles me parlent, deux filles à bord d'une décapotable. Deux SPLENDIDES jeunes femmes de mon âge, peut-être un peu plus vieilles attendent que le feu passe du rouge au vert. Je passais devant leur voiture, seul à presque 4 heures du matin. Je reviens vers elles.
"Hunter, how are you guys doin'?"
(Peut-être m'ont-elles donné leurs noms, je ne me souviens plus)
"Pretty good, I like you, would you like to come to Santa Barbara with us?"
I like her too, la perle Étatsunienne aux boucles d'or...
Ma vie n'est jamais passée en accélérée aussi intensément qu'à ce moment. Je demande ce qui s'y trouve à Santa Barbara et elles me répondent qu'il y a cette grande fête où ne peut qu'y avoir du plaisir...ensemble... La blonde du côté passager est extraordinairement jolie. Une perle. L'autre aussi, maintenant que je la regarde. Ma vie en accélérée me met en scène dans des séquences érotiques avec elle, puis peut-être avec l'autre, puis je m'imagine la tête de mes amis dans la chambre quand ils réaliseront au petit matin que je n'y suis pas, que le téléphone sonnera de Santa Barbara et qu'ils ne répondront pas, ne connaissant personne de cet endroit. Qui me ramènerait à mes deux potes? Aurais-je le droit de revenir? Serais-je pris en otage une fois là-bas? Aurais-je droit à un appel? C'est quoi le # de l'hôtel?
"Can't guys...my friend are at the room at the hotel, we're only here for a couple of days..."
"Which Hotel?"
Je leur donne l'adresse, veulent-elles venir? Ça serait peut-être aussi plaisant que Santa Barbara... La lumière change de couleur.
"Too bad, pretty boy, ciao!". Elles filent.
Mes deux amis me traiteront de pignoufs ne sachant pas monnayer une belle occasion. Je les aurais vus à ma place.
Mais avant de retourner à la chambre, je plane sur Hollywood Boulevard. Il y avait là, deux fille de la côte Ouest...
"Hey!"
Décidément.
Une voix d'homme cette fois. Il a avancé sa voiture près du trottoir, près de moi, il a baissé sa vitre du côté passager et est penché dans ma direction :
"Wanna get sucked up?"
J'ai très bien compris mais je dis:
"What?"
"Wanna get sucked up" réitère-t-il.
Je pense à la blonde, puis à la brune, étais-ce des putes? je demande:
"by whom?"
"By me!" me dit cet homme fièrement , dégénéré au crâne dégarni dont je n'oublierai jamais le visage et sans lui répondre, je tourne les talons et joint un regroupement de jeunes gens qui se parlaient entre eux (il y a toujours beaucoup de gens sur Hollywood Boulevard peu importe l'heure de la nuit... en tout cas en 1990) comme si j'étais des leurs. J'étais si tendu que je n'ai pas remarqué la réaction du groupe et quand la voiture quittera les lieux, je ferai de même pour retourner à la chambre rejoindre Kluzak et Peake.
Talk about débander...
Énervé, je les réveille et leur raconte tout ça. Il n'en revienne pas de ma chance (avec les filles) et me trouvent gnochon d'avoir dit non. Hého! Santa Barbara c'est quand même à 1 heure trente de route! Pochtron mais pas sans jugement. Et on tombe tous les trois dans le sommeil profond vers 5 h du matin. Quand le soleil se lève.
"Toc, toc, toc!"
ÇA COGNE À NOTRE PORTE!!!
Les filles?
Je me catapulte hors du lit et j'atterris à la porte pour y répondre. Peut-être un brin bandé.
J'ouvre...
Peake...l'air piteux.
"Je ne sais pas ce qui s'est passé, j'ai repris conscience, je marchais tout seul dehors...Un épisode de trouble du sommeil...désolé..."
Déçu je suis...
Moi je sais que je n'ai pas rêvé cette blonde et son amie.
Le sourire de cette blonde était inoubliable. Une beauté dans l'oeil qu'on voit peu souvent.
J'ai revu ce type de beauté dans l'oeil dans un montage qui nous montrait hier les 5 filles de l'équipe de Curling canadienne recevant leur médaille d'or.
*Ils seront respectivement avocat et docteur des années plus tard toutefois.