Ce qui m’a intéressé dans ce livre, c’est le parcours humain d’un gosse de Picardie qui découvre un monde inconnu du rugby professionnel, avec sa naïveté et son envie d’être reconnu et témoignage du décalage entre l’apparence du colosse et l’impossibilité de révéler ses failles.
On comprend l’histoire d’un gamin qui a besoin de canaliser son énergie et découvre dans le rugby un moyen d’exprimer sa colère sur le terrain et le plaisir de partager ses victoires avec ses copains. Il aime cette esprit de camaraderie, du partage et va découvrir dans le rugby professionnel la désillusion où «l’humain» est délaissé au profit de la performance.
On découvre dans ce livre le paradoxe d’un sport où les valeurs de partage, de courage et où l’esprit d’équipe est fort et en même temps où la pudeur règne et où les non-dits laissent le joueur dans le désarroi. L’histoire de Raphaël décrit bien un décalage entre son image de «superman», son talent gâché et son goût pour les troisièmes mi-temps mêlé à l’euphorie d’une notoriété grandissante. On comprend qu’un jeune joueur lancé dans le bain de la médiatisation, de la vie facile, de l’argent qui coule à flot peut en même temps sentir un malaise intérieur, impalpable et dissimulé. Il se forge une carapace de «bouffon», de celui qu’on remarque le plus dans les sorties pour palier à une difficulté à exister sur le terrain.
Car le plus dur dans cette histoire est la longue liste de blessures qui vont joncher sa carrière. Sa carapace fait semblant d’encaisser les chocs: «Quelques agrafes dans une épaule, une vis et deux trois boulons dans l’autre, c’est pas ça qui va m’arrêter». C’est une accumulation de moments brillants sur le terrain où «superman» arrive toujours à renaître de ses cendres et des moments de blessure où il n’existe plus.
Le point culminant de son histoire est le moment de l’annonce brutale de la rupture avec son club où on lui fait comprendre que l’on a plus besoin de lui. On ressent alors le vide d’une nouvelle vie qui se profile, d’un sentiment de goût d’inachevé et d’une existence où son personnage de «superman» n’a plus sa place: «Je ne sais pas comment je vais ni ce que je vais faire».
A force de dissimuler son mal-être, il ne sait plus ce qu’il ressent, ce qu’il est légitime de ressentir et fait face à la difficulté d’une vie quotidienne où les émotions fortes vécues ensemble n’existent plus où il sombre lentement tout en préservant son image face à ses proches. «Personne autour de moi n’est au courant de mon aventure intérieure». Raphaël se referme sur lui-même et n’arrive pas à trouver en accord avec lui-même: «Putain de mutisme de l’homme cicatrice»
On ressent que son livre a été un exécutoire, une façon de lâcher prise et de casser volontairement cette carapace qu’il s’était forgé pour se présenter aux autres tel qu’il est: avec ses blessures et ses faiblesses. Il parle de l’envie de devenir lui-même et décrit l’incompréhension du manque d’accompagnement vers une nouvelle vie après le rugby: «la saison la plus dure, c’est pas la dernière, c’est celle qui suit. quand tout a disparu. quand il ne te reste que ton cadavre vivant, tes cicatrices, et de vagues souvenirs qui s’emmêlent.»
Ce livre est un témoignage pour mettre en garde les générations futures, pour témoigner de la difficulté à tenir son rang de héros, sur l’aspect humain qui est un leurre: «La reconnaissance. Elle est ou? une proposition de reconversion? un repas d’adieu? rien n’est organisé. que dalle. la page est tournée, circulez, y a plus rien à voir».
Peu d’autobiographies de sportifs n’arrivent à retracer avec autant de justesse les difficultés ressenties par le sportif et pour cette raison, ce livre est une réussite et une histoire singulière qu’il est indispensable de lire!
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