Il n'est pas donné à tout le monde de créer sa propre écriture. L'artiste Riccardo Licata (1929-2014) qui vient de disparaître cette semaine à Venise a pourtant réalisé cette prouesse. Après des études à l'Académie de Venise, où il passe par une période figurative, il tend vers la non-figuration dès 1952.
Riccardo Licata 2010
Installé à Paris en 1957, il devient l'assistant du futuriste Gino Severini à l'École d'art italienne. En 1962, il est nommé professeur à l'École des beaux-arts de Paris et obtient le premier prix d'art graphique à la Biennale de Venise de 1965.
La couleur de l'écriture
« J’essaie, disait-il, de créer une représentation plastique de la pensée, non codifiée et non systématique, mais poétique, inventive, personnelle et d’imagination ».
Une fois engagé dans ce procédé, Riccardo Licata a produit une œuvre considérable et décliné cette invention par tous moyens et tous supports. Ses mosaïques sont installées dans les grands espaces publics de villes italiennes et la France comme Gênes (Palazzo des Travaux publics), Bourgoin Jailleu, Sault les Rethel, Lille (Université), Perpignan, Monza, Reggio Emilia (Chambre du Travail, etc.) Il a également créé les décors de Médée d'Euripide en 1978 à Trévise, du ballet "Ichspaltung" de Giuseppe Marotta en 1980 à Venise, Teatro Goldoni).
.A Paris, au cœur du quartier traditionnel de l’art, tout près des Beaux-arts où il a enseigné, je l'avais rencontré dans un appartement envahi par les témoignages de son œuvre : tableaux, livres, catalogues etc.
Mosaïque de pierre beige et signes bruns – 2007 Riccardo Licata
Cette écriture, l'artiste l'associait à la musique :
« J’ai peint la musique, puis les événements, la vie et la nature, la pensée, l’être humain et les phénomènes naturels, la psyché, la poésie et la philosophie, l’histoire du monde et la mienne, en racontant, comme dans un journal intime, tout ce que je sentais et en cherchant à le représenter avec des signes, des traces et des couleurs »
Ce langage inventé semblait, en effet, se développer comme sur une portée musicale, les couleurs donnant leur tonalité à cette écriture.
A l'école des Beaux-arts de Paris, il créa l’atelier de mosaïque et l’anima pendant plus de trente ans, jusqu’en 1995, y formant plusieurs générations d’artistes, notamment les plus renommés des mosaïstes actuels
Riccardo Licata a ainsi, tout au long de sa vie, parcouru ce chemin singulier comme une partition musicale, où l'écriture qu'il a créé n'appartient qu'à lui. Chaque œuvre peut être à la fois prise dans son unité mais également comme partie d'un tout dont on peut évaluer aujourd'hui l'amplitude. Son rapport à la musique ne s'est d'ailleurs jamais démenti. Son épouse, Marie Battistella, chanteur et chercheur de la musique de la Renaissance, partagea cet univers dès 1961.
Récemment encore, à l'occasion d'une de ses expositions en France alors qu'un concert de jazz accompagnait le vernissage, Riccardo Licata s'était livré à une performance en peignant sur une plaque de plexiglas au rythme de la musique.
En 1999, toujours à l'affut de nouveaux supports, il produit une série d'œuvres en verre sur "Le Roi Arthur". Peintures, mosaïques, tapisseries, verres témoignent aujourd'hui de cette foisonnante créativité.