Magazine Humeur

Condamnés à s’aimer, l’Algérie et la France , retour vers le futur : premières pages

Publié le 22 février 2014 par Regard

حكم عليه الحب

الجزائر وفرنسا، والعودة إلى المستقبل

Moi , pied noir, je souffre chaque jour de n’avoir pas de terre pour me reposer éternellement. Et je voudrais pouvoir choisir un espace de terre d’Algérie qui m’appartiendrait. Ce qui est impossible par la législation algérienne. Mes parents sont  nés en Algérie et enterrés  en France ; mes grands parents , arrivés en Algérie en 1885  sont inhumés en terre  de Tlemcen ou alentours. Je n’arrive pas à localiser leurs tombes.

Ma patrie, la France souffre d’une langueur et d’une désespérance bien qu’elle dispose d’une capacité de création et d’imagination et d’une  générosité d’accueil  étonnante.

« Je sais les prestiges et le pouvoir sournois de ce pays, la façon insinuante dont il retient ceux qui s’y attardent, dont il les immobilise, les prive d’abord de questions et les endort pour finir dans la vie de tous les jours. La révélation de cette lumière, si éclatante, qu’elle en devient noire et blanche, a d’abord quelque chose de suffocant. On s’y abandonne, on s’y fixe et on s’aperçoit que cette trop longue splendeur ne donne rien à l’âme et qu’elle n’est qu’une jouissance démesurée. L’Été, Albert Camus, éd. Gallimard,, 1954, p. 92

Mais la France se meurt de se pencher  sur son passé.  L’Algérie, riche encore pour 50 ans désespère de s’organiser, de former ses élites, de faire travailler sa jeunesse.

Or l’Algérie pourrait être le fer de lance de la Méditerranée voire plus. Pour de nombreuses raisons que nous allons voir.

Laissons aux historiens le soin de mesurer le poids de l’histoire et de donner un jour aux politiques  les pistes de réflexions pour que vivent les hommes ensemble.

En l’attente, il est difficile d’oublier les misères qui ont secoué le pays. « Des hommes souffrent de la faim et demandent la justice… Leur faim est injuste. » écrivait Albert Camus début 1945 dans Combat. Le prestige de la France en tant que puissance coloniale a été affaibli avec la défaite de 1940, puis lors du débarquement allié de novembre 1942.

A Brazzaville le général  de Gaulle , le 30 janvier 1944 indiquait que les Africains devront « participer chez eux à la gestion de leurs propres affaires». Il n’est certes pas encore question d’indépendance, mais la voie de l’émancipation est ouverte, et « il ne faut pas tarder ».

La participation  massive des algériens à la libération de la France avait  contribué à leur faire penser qu’en échange ils pouvaient prétendre à une forme d’autonomie .

Le PPA (Parti du Peuple algérien de Messali Hadj))et Ferhat Abbas revendiquent une Algérie indépendante plus ou moins associée à la France.

Alors au cours des  manifestations de 1945, les autorités françaises donnent l’ordre de tirer sur la foule dès que le drapeau algérien est brandi ou dès qu’ il y a des revendications nationalistes; et ça tourne au massacre.

A Sétif, à l’est d’Alger ,un  commissaire de police  tira à bout portant, et tua, le chahid  Saal Bouzid, porte drapeau de la manifestation pacifique. Bouzid avait 21 ans, l’âge de tous les espoirs et de tous les rêves. Toujours selon Henri Alleg, le préfet du département de Constantine, dont Sétif dépendait alors, Lestrade – Carbonnel, avait la veille de la manifestation, donné aux autorités locales un ordre impératif : ‘’faites tirer sur ceux qui arboreraient le drapeau algérien ». Ses subalternes , le lendemain s’exécutèrent . Dès lors, le massacre d’ algériens, sans armes dura deux mois et à travers toutes les régions du pays. Le 8 mai, relate l’historien Mohamed Harbi, dans un article publié par le Monde diplomatique, du mois de mai 2005, » le Nord constantinois, délimité par les villes de Bougie, Sétif, Bône et Souk-Ahras et quadrillé par l’armée, s’apprête, à l’appel des AML et du PPA, à célébrer la victoire des alliés. Les consignes sont claires : rappeler à la France et à ses alliés les revendications nationalistes, et ce par des manifestations pacifiques. Aucun ordre n’avait été donné en vue d’une insurrection. On ne comprendrait pas sans cela la limitation des événements aux régions de Sétif et de Guelma. Dès lors, pourquoi les émeutes et pourquoi les massacres ? »

A Guelma, le lendemain, le 9 mai le sous-préfet, André Achiary, qui avait été dit-on, un résistant, fera donner de la milice coloniale, qu’il prendra le soin de fortement armer sur les stocks de l’armée française, pour l’ouverture de la chasse. S’adressant aux colons, il leur lança : »Messieurs les colons ! Vengez-vous ». Des dizaines d’algériens furent sommairement tués, par des apprentis , fiers d’avoir été armés par le sous-préfet, dont ils ne devaient surtout pas décevoir les desseins. Ils tuèrent brutalement en ville et assassinèrent, au bord de l’oued Seybouse, et les corps des suppliciés, furent brûlés dans les fours à chaux de Kef-El-Boumba. (et ces massacres nous rappellent les événements de Vendée

La guerre de Vendée est le nom donné à la guerre civile qui opposa partisans (bleus) et adversaires (blancs) du mouvement révolutionnaire dans l’Ouest de la France, entre l’An I et l’An IV (1793 et 1796) au cours de la Révolution française, et plus particulièrement pendant la Première République.

Elle fut étroitement liée à la Chouannerie, l’ensemble de ces deux conflits étant parfois connu sous le nom de Guerres de l’Ouest. La Chouannerie se déroula sur la rive droite de la Loire, tandis que le soulèvement vendéen eut lieu sur la rive gauche. Le terme Vendée militaire désigne d’ailleurs le territoire insurgé au sud du fleuve.

Comme partout en France, la Vendée a connu des manifestations paysannes entre 1789 et 1792. Mais c’est au moment de la levée en masse, en 1793, que la révolte ou rébellion vendéenne, aussi appelée insurrection vendéenne, s’est déclenchée, dans un premier temps comme une jacquerie paysanne classique, avant de prendre la forme d’un mouvement contre-révolutionnaire.

Étalée sur trois années, la guerre a connu plusieurs phases, avec une brève période de paix au printemps 1795. Elle s’est terminée au début de l’année 1796, après avoir fait plus de 200 000 morts et causé de nombreuses destructions.

Cet épisode vendéen est largement comparable aux événements de 1945 en Algérie.

La contagion se propagea à Kharrata, où, à Chaabat Lakhra, des hommes menottés avec du fil barbelé sont jetés par des légionnaires du haut de la falaise.

Kharrata et toute sa région furent également bombardées, par des navires de la marine française à partir de la mer.

Action militaire, forces militaires :

Le chef du gouvernement français provisoire, le général de Gaulle, ordonne l’intervention de l’armée sous le commandement du général Duval dans une répression violente contre la population musulmane. La marine y participe avec son artillerie, ainsi que l’aviation. Le général Duval rassemble toutes les troupes disponibles, soit deux mille hommes……………….. La répression, menée par l’armée et ses milices, est d’une incroyable violence : exécutions sommaires, massacres de civils, bombardements de mechtas. Deux croiseurs, le Triomphant et le Duguay-Trouin, tirent plus de 800 coups de canon depuis la rade de Bougie sur la région de Sétif. L’aviation bombarde et rase complètement plusieurs agglomérations kabyles. Une cinquantaine de mechtas sont incendiées. Les automitrailleuses font leur apparition dans les villages et elles tirent à distance sur les populations. Les blindés sont relayés par les militaires arrivés en convois sur les lieux. À l’image d’une milice de 200 personnes qui se forme à Guelma sous l’impulsion du sous-préfet André Achinais qui distribue toutes les armes disponibles, soit les 60 fusils de guerre qui équipaient les tirailleurs et se livre à une véritable chasse aux «émeutiers». Pendant deux mois, l’Est de l’Algérie connaît un déchaînement de folie meurtrière. De nombreux corps ne peuvent être enterrés, ils sont jetés dans les puits et dans les gorges de Kherrata .Des miliciens utilisent les fours à chaux pour faire disparaître des cadavres. (3) Kaddache Mahfoud, Histoire du nationalisme algérien, Tome II, 1939-1951, op. cit. page 664

Le nombre de morts :

Le massacre se soldat par la mort de 35/45 000 algériens, selon les sources nationalistes algériennes.

Ce chiffre de 45000 victimes, est corroboré par les sources des services américains, qui eux avaient comptabilisés 35000 morts.

traitement de l’affaire et justice :

La France créa une commission d’enquête sur les violences, qu’elle fera présider par le général Tubert. Mais elle y met un terme sans en tirer de conclusions.

Mohamed Harbi écrit dans un article (publié en mai 2005)  dans Le Monde diplomatique: « Les civils européens et la police se livrent à des exécutions massives et à des représailles collectives. Pour empêcher toute enquête, ils rouvrent les charniers et incinèrent les cadavres dans les fours à chaux d’Héliopolis. Quant à l’armée, son action a fait dire à un spécialiste, Jean-Charles Jauffret, que son intervention « se rapproche plus des opérations de guerre en Europe que des guerres coloniales traditionnelles ».

Le communiqué du Gouvernement Général en Algérie, daté du 10 mai illustre la manière dont les autorités de l’époque ont présenté ces événements :

« Des éléments troubles, d’inspiration hitlérienne, se sont livrés à Sétif à une agression armée contre la population qui fêtait la capitulation de l’Allemagne nazie. La police, aidée de l’armée, maintient l’ordre et les autorités prennent toutes décisions utiles pour assurer la sécurité et réprimer les tentatives de désordre. »

Dans ses Mémoires de guerre, le général de Gaulle, chef du gouvernement à l’époque des faits, écrit en tout et pour tout : Conséquences du 8 Mai 1945 :

Ce fut pour l’histoire contemporaine de l’Algérie, un tournant décisif.

«  En Algérie, un commencement d’insurrection survenu dans le Constantinois et synchronisé avec les émeutes syriennes du mois de mai a été étouffé par le gouverneur général Chataigneau. »

La solution au problème, pour cette génération du 8 mai 1945, résidait désormais dans l’insurrection par les armes, contre la France colonialiste, et seulement cette solution. Les traumatismes occasionnés par ces évènements, accélérèrent le déclenchement de la révolution du premier novembre 1954. Kateb Yacine lycéen en évoquant ces massacres, disait : ‘’Je serais resté un poète obscur, s’il n’y avait pas eu les manifestations du 8 mai 1945 ». Lycéen à Sétif, il fut emprisonné, avec d’autres, tel Abdelhamid Benzine, pour avoir participé à la manifestation. A quelque chose malheur est bon, diront certains. Malgré la perte de toutes ces vies humaines, les massacres, les tueries, l’extermination et les destructions. Ce 8 mai 1945, apporta un avant goût de libération, même s’il était ce printemps là amer et mordant. Ce fut le prélude d’une ère nouvelle. L’historien Harbi, termine son article, par cette affirmation : »La guerre d’Algérie a bel et bien commencé à Sétif le 8 mai 1945 ».

La conviction des hommes et de femmes, et leur foi en la cause d’indépendance de l’Algérie, fut tellement forte et sincère, qu’ils y parviennent, le 5 juillet 1962.

CITATION EN PLUS : « déjà le sang de mai ensemençait Novembre » René Vautier.

(Le Quotidien d’Oran-05.05.2011.)

Comme pour la Vendée une  exigence de repentance algérienne fut  concevable:

Abdelhamid Salakdji. Président de la fondation du 8 Mai 1945- El Watan-06.05.2011.)

- Pourquoi après tant d’années, le sujet reste-t-il ouvert et continue d’envenimer les relations franco-algériennes ?  *La peur de l’histoire qui ne pardonne pas effraie la France, qui n’est toujours pas disposée à faire son mea-culpa. Ces événements représentent effectivement un épineux contentieux, car la France ne veut pas assumer les crimes commis par son administration, sa police et gendarmerie, qui ont actionné la machine de guerre au nom de l’Etat français. On ne peut tourner aussi facilement les pages relatives aux crimes, exactions et répressions perpétrés contre des citoyens désarmés et le plus souvent, à l’intérieur de leur gourbi. Il n’est pas possible de refermer un dossier qui n’a pas divulgué tous ses secrets. Sachant que la répression qui s’est déroulée à huis clos a duré plus de cinq mois. Pis encore, des centaines d’exécutions sommaires ont été commises durant cette période. Pour illustration, en septembre 1945, le général Duval a, dans un de ses rapports, révélé que plus de 280 condamnés à morts ont été exécutés d’une manière expéditive. Quant aux arrestations, elles n’ont pris fin qu’au mois d’octobre. Soit six mois après le début des événements…

- Le nombre des victimes continue lui aussi à faire polémique…*Pour «rétablir l’ordre», la France coloniale qui avait mobilisé à l’époque plus de 40 000 soldats, a, de plus, utilisé les moyens aériens et navals pour broyer  une population exténuée auparavant par la misère et la famine. Un véritable carnage a été commis loin des regards des médias français, n’étant pas à ce propos, exempts de tout reproche. Placée dans le box des accusés, la France veut, par l’intermédiaire de certains nostalgiques de l’Algérie française, faire, à travers ce volet, diversion. Alors que des historiens algériens avancent le chiffre de 45 000 victimes, des Anglais et Américains parlent de plus de 70 000 morts et de sérieux historiens français situent le nombre des martyrs entre 20 et 30 000. Après avoir «nettoyé» les archives civiles et «verrouillé» celles de l’armée, on peut, à chaque fois, revoir à la baisse le nombre des victimes. Les stratèges de l’arithmétique oublient de comptabiliser les milliers de victimes enterrées dans les fosses communes à Sétif, Aïn El Kébira, Amoucha, Beni Aziz, Aïn Roua, etc. Il est facile d’avancer un chiffre, d’autant plus que Oued Afitis de Bouandas, où on a englouti des centaines de corps, reste muet.

Déclaration du même homme en El Watan – 09.05.09 :

Que la France officielle reconnaisse sa responsabilité dans ce crime contre l’humanité car il a été perpétré par son armée qui a laissé faire les milices à l’origine des centaines d’exécutions sommaires. En plus de la repentance, nous exigeons réparation », dira Abdelhamid Salakdji, président de la Fondation du 8 Mai 1945 de Sétif qui n’oublie pas…(El Watan – 09.05.09.)

Bachir Boumaaza :

Bachir Boumaza dira à ce sujet : «On applique et on reconnaît le crime contre l’humanité à propos des juifs, mais pas aux Algériens, dont on oublie qu’ils sont des sémites (…) décoloniser l’histoire et situer la colonisation dans l’histoire de l’humanité, une tentative saine et correcte d’écrire l’histoire.» L’ancien président du sénat algérien ajoutera : «J’ai suivi le procès Barbie. Depuis 1830, l’Algérie a connu une multitude de Barbie» (citation du site la source exacte n’est pas indiquée mais boumaaza a dit ça avec certitude).

Mostefaï ironise: «Le jour où l’Etat français cessera d’exiger de la Turquie la reconnaissance du génocide arménien, ce jour-là nous remercierons la France pour ses crimes commis en Algérie.»L’Expression-06.05.2010.+

la blessure des Harkis : 200 000

L’historien français Benjamin Stora, dans un entretien accordé à l’AFP  a dénoncé à cette occasion, la campagne menée contre le film Hors-la-loi de Rachid Bouchareb avant même sa projection en compétition au Festival de Cannes (12-23 mai).  L’historien français a jugé que 60 ans après l’indépendance de l’Algérie, «cette guerre est loin d’être finie dans les têtes et dans les cœurs», faute d’avoir été «suffisamment nommée, montrée, assumée dans et par une mémoire collective».

Benjamin Stora est revenu sur le refus ou l’éloignement d’une certaine élite française qui prône l’anti-repentance et verse dans la politique de la fuite en avant, en donnant l’exemple des événements du 8 Mai 1945 en Algérie qu’il qualifie de massacres. «Des évènements tels que les massacres de Sétif, Guelma et Kherrata en 1945 ne figurent pas dans le cinéma français, même de manière elliptique, c’est un véritable trou noir», a-t-il souligné.

L’historien a ajouté que la perte de l’Algérie française à laquelle rêvait Paris, «restera toujours une blessure dans l’histoire du nationalisme français». Selon lui, l’Algérie est bien plus proche qu’une lointaine colonie comme l’Indochine ou un simple protectorat comme la Tunisie. Elle formait trois départements français. «On refuse de faire le deuil sur la perte de l’Algérie française», a-t-il estimé.

-Mémoires algériennes :

Un témoin du massacre qui habitait à quelques centaines de mètres du four à chaux décrit l’insupportable odeur de chair brûlée et l’incessant va-et-vient des camions venant décharger les cadavres, qui brûlaient ensuite en dégageant une fumée bleuâtre. Les auteurs de cette épuration décidèrent de réemployer les «techniques» que les nazis allemands avaient utilisées dans les camps de la mort. Ils brûlèrent les corps dans des fours selon la logique voulant que «s’il n’y a pas de corps il n’y a pas de victimes à recenser». L’ histoire n’en retiendra rien, le négationnisme étant pour les autres. Un bachagha travaillant pour l’administration française expliqua dans les colonnes d’un journal de l’époque : «Jamais, tant que je vivrai, je n’oublierai le souvenir de ces viols, ces incendies, de ces canons, des ces mitrailleuses, de ces troupes, l’arme au pied, amassées aux abords du village et dans le village, de ces arrestations, de ces exécutions massives, de ces délations de fellahs terrorisés…» (3) (3) Kaddache Mahfoud, Histoire du nationalisme algérien, Tome II, 1939-1951, op. cit. page 664

Kateb Yacine et le 8 mai 45 : nationaliste et géni littéraire-algérien-: essentiel comme témoignage vraiment

Kateb Yacine écrit : « A Guelma, ma mère a perdu la mémoire (…) On voyait des cadavres partout, dans toutes les rues. La répression était aveugle ; c’était un grand massacre. »

Cf :http://www.alger-republicain.com/spip.php?article441

Kateb Yacine, écrivain algérien, alors lycéen à Sétif, écrit :

« C’est en 1945 que mon humanitarisme fut confronté pour la première fois au plus atroce des spectacles. J’avais vingt ans. Le choc que je ressentis devant l’impitoyable boucherie qui provoqua la mort de plusieurs milliers de musulmans, je ne l’ai jamais oublié. Là se cimente mon nationalisme. »

CAMUS :

Albert Camus dans le journal Combat des 13 au 23 mai31 demande qu’on applique aux Algériens (il dit : « Le peuple arabe ») les « principes démocratiques que nous réclamons pour nous-mêmes ». Il affirme qu’il y a crise — et non de simples incidents — que « le peuple arabe existe », qu’il « n’est pas inférieur sinon par les conditions où il se trouve ». Plus encore, il proclame que « l’Algérie est à conquérir une seconde fois ».

Houari Boumédiène, président algérien a écrit :

« Ce jour-là, j’ai vieilli prématurément. L’adolescent que j’étais est devenu un homme. Ce jour-là, le monde a basculé. Même les ancêtres ont bougé sous terre. Et les enfants ont compris qu’il faudrait se battre les armes à la main pour devenir des hommes libres. Personne ne peut oublier ce jour-là. »

Confronté à ces connaissances déjà anciennes de 60 ans pour moi, lorsque chaque jour, je téléphone à Oran , Bougie, Alger, etc. ; j’aide de nombreux amis qui souhaitent  faire valoir leur droit à venir sur le sol de France, cette terre de l’excellence et des solidarités, celui de ma patrie. Je n’aime que ma patrie ; je ne crains que les dieux ; je n’espère que la vertu » (Montesquieu), mais j’adore mon pays ,l’Algérie.

Relisons ensemble Albert Camus : il y a deux Camus très différents quant à l’Algérie. L’un est politique. La thèse est simple et connue : l’Algérie française est une réalité, elle est souhaitable, mais il faudrait l’humaniser, donner la   pleine citoyenneté française aux algériens, et abolir les privilèges :  tous les algériens égaux en droit. Camus pense (se référer à son dernier texte, inachevé, « Le premier homme ») que la colonisation française a   trouvé un pays sans une habitation, sans un lopin de terre cultivé, dans   un espace nu et désert. Ces colons sont des socialistes réprimés dans la France de 1848, ils viennent fonder une utopie, l’Algérie arabe et française, messagers de l’universalité des Lumières de la Révolution   française. Acte d’accusation : pas de trace d’une éventuelle culture  berbère, d’une spécificité de l’Islam, d’une épaisseur historique.

Les articles de Combat traduisent un repli progressif sur une ligne de défense de plus en plus « franco-centriste ». Il y déplore que l’attitude fascisante des colons, favorables à Vichy, ait entraîné cette  radicalisation des mouvements d’émancipations autochtones. Lorsque la   guerre éclate, puis qu’il la sent perdue pour la cause d’une Algérie   française, il en vient à stigmatiser le nationalisme algérien : le rêve d’un Esprit Saint égalitaire descendant sur le colon esclavagiste avait  fait long feu…

« Relire Camus et autour de Camus avant et après d’autres voix algériennes, d’autres voix d’Algérie : c’est cela aussi reconstruire une mémoire, car de leur étouffement provisoirement sans doute quelques-unes des impasses du présent. » (C.Chaulet-Achout). Mais laissons les exégètes tracer les voies du passé et nous, construisons celles du futur. Unissons ces deux terres à peine séparées par notre mer, mais liées par tant d’histoires, de morts, de vies et de besoins d’amour.

Retour vers le passé

Camus face à la question nationale en Algérie de 1939 à 1958

Y a-t-il une oppression coloniale ? Y a-t-il une nation Algérienne ? La revendication d’indépendance de l ’Algérie est-elle légitime ? Telles sont les questions autour desquelles tournent les articles de Camus réunis par lui en 1958 dans ses Chroniques Algériennes. Il répond oui à la première question, non aux deux autres.

La question nationale est un problème complexe car les questions qu’elle pose et les réponses possibles sont complexes. Lire les discussions entre Lénine et Rosa Luxembourg à ce sujet.

Camus reconnait le problème de l’oppression coloniale et la nécessité de la combattre. Mais La réponse à une oppression nationale admet deux types de solutions : les solutions réactionnaires, nationalistes ou les réponses internationalistes. Un humaniste qui n’entrevoit pas ces dernières, ou plutôt qui sent intuitivement leur nécessité, mais ne voit pas les politiques par lesquelles ont peut y arriver, en dehors desquelles on ne fait qu’ouvrir la voie aux nationalistes peut s’égarer dans le marais du nationalisme. C’est ce qu’on ressent à la lecture des Chroniques Algériennes de Camus. Anticolonialiste sans doute sincère mais qui en vient à se prononcer contre l’indépendance de l’Algérie en 1958.

Quelques résumés :

Dans l’article Misère de la Kabylie, 1939, chapitre L’avenir politique, Camus dénonce la misère, cherche ses racines dans l’économie, démontre qu’il n’y a aucune fatalité. Cette partie est intéressante par les informations très concrètes qu’elle apporte. Il propose ensuite un plan de réformes politiques et économiques tout à fait rationnel, mais à la manière des socialistes utopiques du XIXème siècle qui s’adressaient au pouvoir pour mettre en œuvre leur plan, il s’adresse à la « Métropole » (les bourgeois éclairés) contre les colons. Il ne voit pas le mur du colonialisme (car l’Etat de la métropole n’est pas neutre, il est au service des colons) contre lequel se briseront forcément tous ces plans. Ce plan semble être d’inspiration anarchiste :démocratie du douar-commune, ces communes se regroupant dans une république fédérative inspirée des principes d’une démocratie vraiment profonde

Dans Lettre à un militant algérien, 1955, date à laquelle la guerre est déjà commencée, où aucun retour en arrière n’aura lieu, Camus, effrayé par la violence, voit les événements en pacifiste, tente de réconcilier les démocrates des deux camps , les renvoie dos-à-dos.

Dans L’Algérie déchirée, 1955 il va plus loin : les opprimés qui luttent en utilisant la violence deviennent des oppresseurs, et il ne faut pas oublier que la France (par son apport de la technique) garde un rôle civilisateur envers des populations inférieure s. C’est sans doute ce genre de citation sur lesquelles s’appuient certains en Algérie pour présenter Camus comme un partisan de l’ « Algérie française ».

Dans Algérie 1958 Camus caractérise d’illégitime la revendication de l’indépendance de l’Algérie, et sous-entend que cette revendication n’est pas celle du « peuple arabe » (il n’emploie jamais l’expression « peuple algérien ») mais de quelques militants « sans culture politique » . Il propose encore un plan qui restaurera la fraternité entre les deux camps (français et arabes).

Quelques citations prémonitoires de Camus

Avant-propos, 1958 : averti depuis longtemps des réalités algériennes, je ne puis approuver une politique de démission qui abandonnerait le peuple arabe à une plus grande misère, arracherait de ses racines séculaires le peuple français d’Algérie et favoriserait seulement, sans profit pour personne, le nouvel impérialisme qui menace la liberté de la France et de l’Occident [=l’URSS].

Misère de la Kabylie, 1939 : Je crois pouvoir affirmer que 50% au moins de la population se nourrissent d’herbes et de racines et attendent pour le reste la charité administrative.(…) le régime du travail en Kabylie est un régime d’esclavage (…) A Fort-National, les propriétaires Kabyles, qui n’ont rien à envier aux colons à cet égard, payent leurs ouvriers 6 à 7 francs (…) l’exploitation seule est la cause des bas salaires. (…) La soif d’apprendre du Kabyle et son goût pour l’étude sont devenus légendaires (…) aujourd’hui un dixième seulement des enfants kabyles en âge de fréquenter l’école peuvent bénéficier de cet enseignement. Crise en Algérie, 1945 le peuple arabe existe (…) ce peuple n’est pas inférieur, sinon par les conditions de vie où il se trouve, et nous avons des leçons à prendre chez lui, dans la mesure même où il peut en prendre chez nous (…) La crise apparente dont soufre l’Algérie est d’ordre économique (…) la plus grande partie des habitants d’Algérie connaissent la famine (…) la politique française en Algérie est toujours de 20 ans en retard sur la réalité. (… ) Le projet Blum-Violette (…) grand espoir déçu a entrainé une désaffection aussi radicale (…) ce peuple semble avoir perdu sa foi dans la démocratie dont on lui présente une caricature.

Lettre à un militant algérien, 1955 : l’essentiel est de maintenir, si restreinte soit-elle, la place du dialogue encore possible (…) et pour cela il faut que chacun de nous prêche l’apaisement aux siens (…) Si vous autres, démocrates arabes, faillissez à votre tache d’apaisement, notre action à nous, Français libéraux, sera d’avance vouée à l’échec.

L’Algérie déchirée, 1955-1956 : Quand l’opprimé prend les armes au nom de la justice, il fait un pas sur la terre de l’injustice. (…) Quoi qu’on pense de la civilisation technique, elle seule, malgré ses infirmités, peut donner une vie décente aux pays sous-développés. Et ce n’est pas par l’Orient que l’Orient se sauvera physiquement, mais par l’Occident qui lui-même trouvera alors nourriture dans la civilisation de l’Orient.

L’affaire Maisonseul, 1956 : L’Etat peut être légal mais il n’est légitime que lorsque, à la tête de la nation, il reste l’arbitre qui garantit la justice et ajuste l’intérêt général aux libertés particulières. (…) nous devons rappeler au gouvernement ses responsabilités. Algérie 1958 Ce qu’il y a de légitime dans la revendication arabe. Elle a raison et tous les français le savent, de dénoncer et de refuser :

Le colonialisme et ses abus ; les élections truquées ; L’injustice évidente de la répartition agraire et de la distribution du revenu

Ce qu’il y d’illégitime dans la revendication arabe :

Le désir de retrouver une vie digne et libre, la perte totale de confiance dans toute solution politique garantie par la France, le romantisme aussi, propre à des insurgés très jeunes et sans culture politique, ont conduit certains combattants et leur état-major à réclamer l’indépendance nationale. (…) Il n’y a jamais eu encore de nation algérienne. (…)

En 1939, Camus publie, dans divers journaux, des articles dénonçant la politique de répression contre les nationalistes algériens et l’étouffement de toutes les revendications du PPA (Parti du peuple algérien) ; un historien comme Charles-Robert Ageron en parle comme d’« une voix où la générosité s’alliait à l’intelligence politique ».
Mais ce qui a le plus grand retentissement, c’est la série d’articles qu’il publie en juin 1939 dans Alger républicain sous le titre « Misère de la Kabylie » : onze longs articles, fruit d’une enquête de terrain, qui montrent précisément cette misère, dénoncent le système colonial qui la produit et reconnaissent la justesse des revendications d’une « vie plus indépendante et plus consciente » et des initiatives prises en ce sens par les indigènes. Camus y dit nettement sa honte de ce que la France a fait – et surtout n’a pas fait.
En mai 1945, à la suite des émeutes dans le Constantinois, Camus enquête sur place et publie dans Combat six articles où, contrairement à la majeure partie de la presse française, il dénonce la violence de la répression et affirme la fin inéluctable des « impérialismes occidentaux ». Il prend la défense des nationalistes algériens, modérés comme Fehrat Abbas, ou plus radicaux comme Messali Hadj. « C’est la justice qui sauvera l’Algérie de la haine », conclut-il, mais en vain : ce qui deviendra la guerre d’Algérie est déjà commencé. (…)
pendant toute cette période, Camus reste en lien avec des militants algériens, en France et en Algérie – même quand ils ne partagent pas ses positions, comme c’est le cas avec Feraoun. Il soutient les initiatives de ceux qui, comme Kessous, plaident pour une « communauté algérienne ». Par ailleurs, des témoignages concordants (Germaine Tillion, Jean Daniel) révèlent qu’à de nombreuses reprises, il intervient directement à l’Elysée pour obtenir la grâce d’indépendantistes condamnés à mort.
Il ne plaide pas pour le maintien du système colonial mais pour une coexistence pacifiée des deux communautés sur la terre d’Algérie, dans une justice instaurée par la redistribution des terres – rêve figuré au premier chapitre du roman par la naissance de l’enfant sous le signe de l’harmonie raciale : sa mère européenne est aidée dans son accouchement par une femme arabe, tandis qu’au dehors son père européen s’abrite de la pluie sous le même sac qu’un vieil Arabe. La littérature peut dire ce qu’une parole directe ne peut plus faire entendre. Même sans prendre le parti de l’indépendance de l’Algérie, il a été fermement anticolonialiste ; et il a rêvé que le mouvement historique de décolonisation puisse revêtir des formes non-violentes. Il a pressenti les dangers d’un pouvoir aux mains du FLN ; l’histoire de l’Algérie après l’indépendance a confirmé quelques-unes de ses pires craintes. Il a ardemment espéré la coexistence de deux peuples sur une même terre ; c’est une utopie plus actuelle que jamais, une utopie qui trouve parfois sa réalisation.(Agnès Spiquel)

Que le ciel soit avec nous, inch Allah! Mais aidons le, car Dieu a besoin des hommes.

L’évolution de tout le bassin méditerranéen depuis 50 ans semble aboutir à une désintégration des nations ; seules l’Italie, la France, la Turquie et l’Algérie et le Maroc semblent montrer une forme de stabilité  mais souvent des économies précaires.

Nous sommes un bassin d’un monde ancien, sans beaucoup d espoir de redevenir un univers exemplaire.

La première a été journaliste au Maroc et a notamment écrit, avec le journaliste Nicolas Beau, La Régente de Carthage, un ouvrage consacré à Leïla Trabelsi, épouse de l’ex-président tunisien Zine El Abidine Ben Ali. Eric Laurent a publié de nombreux ouvrages, dont La Mémoire d’un roi (1993), un recueil d’entretiens avec le roi Hassan II, père de Mohammed VI.

Le livre des deux journalistes part d’un constat : «En juillet 2009, le magazine américain Forbes créa la surprise en publiant sa liste annuelle des personnalités les plus riches du monde. Dans le classement spécialement consacré aux monarques, le roi du Maroc faisait une surprenante apparition à la 7e place, avec une fortune évaluée à 2,5 milliards de dollars.» La fortune de Mohammed VI «avait doublé en
cinq ans» en dépit de la crise financière mondiale, notent les auteurs.

«Mohammed VI, roi du Maroc, est désormais le premier banquier, le premier assureur, le premier agriculteur de son pays. Il y joue un rôle dominant dans l’agroalimentaire, l’immobilier, la grande distribution, l’énergie et les télécoms», disent-ils. Les deux journalistes cherchent à décrire les rôles respectifs dans l’entourage du roi, dans la conduite des principaux holdings gérant les participations royales dans les entreprises du pays et dont le domaine d’action s’est élargi depuis l’accession au trône de Mohammed VI, en 1999. Ils décrivent plusieurs opérations démontrant, selon eux, cette mainmise du palais royal sur la marche des affaires, comme les circonstances de la création de la plus grande banque du pays ou l’introduction en Bourse d’un groupe immobilier appartenant à un proche du roi

La France et l’Algérie n’ont pas fait que se mener une guerre violente, de 1954 à 1962. Pendant plus d’un siècle, selon le mot du ministre de l’intérieur en 1954, le jeune François Mitterrand, « l’Algérie, c’est la France ». Avec ce que cela implique de traces et de mémoire partagée. Quelques soubresauts de notre vie politique se sont d’ailleurs chargés de nous le rappeler. Le 16 janvier 2005, paraissait l’appel d’un collectif militant baptisé « Les Indigènes de la République » dénonçant une prétendue rémanence du fait colonial dans la France contemporaine ; un mois plus tard, l’évocation d’un « rôle positif » de la colonisation française de l’Afrique du Nord, dans la loi du 23 février 2005, provoquait une polémique avant que l’article portant mention de cette appréciation soit abrogé un an plus tard.

Cette ébauche de « débat colonial » a certes levé un coin de voile sur le siècle de présence française en Algérie mais, de part et d’autre de la Méditerranée, le souvenir de la guerre, de ses scandales ou de ses déchirures a persisté à maintenir dans l’ombre la réalité de ce destin commun. Et pourtant, depuis une quinzaine d’années, toute une génération de jeunes chercheurs français, mais aussi britanniques ou américains, s’est emparée, sous l’impulsion des études postcoloniales, de cet espace franco-algérien au point de pouvoir aujourd’hui prétendre déjouer les pièges du manichéisme et du relativisme.

Que faire de l’Algérie ? On pourrait entrer dans cette histoire complexe avec cette simple question qui ne fut pas que rhétorique, loin s’en faut. Elle s’est posée de façon récurrente aux pouvoirs français, durant cette longue histoire. Improbables débuts, il faut dire : la décision de conquête, prise par Charles X, est menée à bien le 5 juillet 1830, jour de la capitulation du dey d’Alger ; le 27 du même mois, débute l’insurrection parisienne qui mène à la Révolution de juillet. Charles X cède son trône à Louis-Philippe, peu intéressé par une terre qu’il n’a pas briguée. Si perplexe quant à son avenir qu’il y envoie, en 1833, une commission parlementaire – pratique tout à fait neuve à l’époque. Ce fait même atteste, explique Hélène Blais, « l’absence de projet colonial ayant présidé à la décision d’invasion », ce qui n’ôte rien à la réalité de la violence militaire qui se déchaîne sur place. Pendant neuf ans, les partisans d’une occupation restreinte et d’une occupation totale s’affrontent – avant que les seconds ne gagnent.

UN APPENDICE DE LA FRANCE

Une nouvelle « colonie », l’Algérie ? Dans ces années 1830, mieux vaut éviter ce terme associé à l’héritage esclavagiste (en 1836, un manifeste réclame la Décolonisation d’Alger, première occurrence du mot « décolonisation »). La parade est trouvée : l’Algérie est un appendice de la France, « à l’instar de la Corse ». Argument qui sera repris par la IIe République : en 1848, d’une main, elle abolit l’esclavage et, de l’autre, elle transforme l’Algérie en « territoire français », mesure qui « disait encore le refus d’appeler colonie ce qui y ressemblait pourtant de plus en plus fortement ». Un quiproquo durable veut que la France ait mis en place en Algérie une politique d’assimilation. Elle ne concerne en vérité que le territoire et les colons venus d’Europe, très nombreux, incités à devenir français par le droit du sol accordé à leurs enfants dès 1889. Les Français musulmans (et juifs avant le décret Crémieux de 1870), eux, restent en marge des droits civiques. On apprend que les juristes coloniaux présentent l’indigénat, ce régime de nationalité exceptionnelle (puisque sans citoyenneté), comme respectueux des coutumes locales : l’ »indigène » a des droits particuliers, assurés notamment par le maintien de la juridiction des cadis.

Que faire de l’Algérie ? Et bientôt, surtout, des Algériens ? La question se pose à nouveau, après la première guerre mondiale, alors que Woodrow Wilson proclame, en janvier 1918, le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, et en 1945, aux lendemains de la seconde. Quelles réponses apporte la France ? Le blocage de toutes réformes ou presque, ce malgré les promesses régulièrement faites. Côté algérien, à ces interrogations récurrentes correspondent trois phases : après la résistance, sans relâche de 1830 à 1880, c’est l’entrée en politique dès les premières décennies du XXe siècle sur les deux modes (revendication de l’égalité ou aspiration à l’indépendance), enfin l’entrée en guerre alors que chez les nationalistes se forge, dans les années 1940 et encore plus après les événements de mai 1945, la conviction que la lutte armée est la seule possible.

Mai 1945 : les massacres de Sétif et Guelma sont à ce titre une césure majeure. Sétif, qui relève davantage d’une insurrection proche des rébellions du XIXe siècle, avec son cycle de violences et représailles (terrifiantes), et surtout Guelma, où les Français d’Algérie massacrent pendant deux pleines semaines les hommes de la région, laissant plus de 600 cadavres, « une révolte des Européens contre les musulmans », écrira le directeur de la police judiciaire… sur laquelle le gouvernement ferme les yeux. De ces colons obsédés par l’idée qu’il leur appartient de se défendre contre les « musulmans » et contre les « Français de France » qui ignorent les réalités du pays, l’ouvrage s’applique à cerner les grands traits de la culture politique, faite de racisme, d’antisémitisme et d’autonomisme « étroitement liés, développe Sylvie Thénault, dans une aspiration coloniale à gérer ses affaires entre soi ».

Epouser les reliefs, les paradoxes, la singularité des hommes et des situations, c’est le pari réussi de cette synthèse intelligemment pensée, construite sur une alternance d’ouvertures chronologiques et de focus qui permettent de saisir en détail la pièce qui est en train de se jouer : événements, lieux, personnages ou décor. On l’a compris, la force de cet ouvrage est de maintenir à distance son objet, de restituer les faits – tant pis si cela se paye parfois d’une certaine sécheresse de plume. A une époque où la question n’est plus : « Que faire de l’Algérie ? », mais : « Que faire de l’histoire coloniale ?, cet ouvrage est certainement une belle réponse.

Histoire de l’Algérie à la période coloniale. 1830-1962, sous la direction d’Abderrahmane Bouchène, Jean-Pierre Peyroulou, Ouanassa Siari Tengour et Sylvie Thénault, La Découverte/ Barzakh, 718 p., 28,50 €.

J’ai dit « Pied-Noir », mais que veut dire cette appellation.

Deux définitions qui s’opposent de « pied-noir » indiquent assez bien l’imprécision de ce terme.

D’après le Larousse, « pied-noir » (et « pieds-noirs ») est un nom et un adjectif qui signifie

« Français d’origine européenne installé en Afrique du Nord jusqu’à l’époque de l’indépendance. »

D’après le Grand Robert de la langue française, « pied-noir » est un nom masculin, dont le sens moderne, apparu vers 1955, est :

« Français vivant en Algérie (et considérant l’Algérie française comme sa patrie) ; puis Français originaire d’Algérie. Les pieds-noirs rapatriés – Au féminin Une pied-noir (rare : Une pied-noire)2. »

Le seul groupe commun aux deux définitions est celui des Français d’Algérie descendants d’émigrants européens, et « rapatriés » dans les années 1960.

L’exclusion, par l’une ou l’autre définition, des rapatriés du by Text-Enhance"> by Text-Enhance"> by Text-Enhance"> by Text-Enhance">Maroc et de Tunisie, ou des Juifs sépharades et des descendants d’autochtones de citoyenneté française « rapatriés » d’Algérie, reflète l’attitude d’acceptation ou de refus de l’expression « pied-noir » par les membres de ces groupes. Ainsi, selon Hubert Hannoun, écrivain, « l’expression de pieds-noirs ne peut être employée pour désigner les Juifs originaires d’Algérie. Les pieds-noirs sont les descendants de tous les Européens — majoritairement français — qui, à partir de 1830, se sont installés en Algérie pour en faire une colonie de peuplement. Les Juifs, eux, sont présents dans le pays dès le IIe ou IIIe siècle, donc bien avant les Français, les Turcs et les Arabes. Leur histoire n’est pas celle des pieds-noirs3. »

D’autre part, les deux définitions n’ont pas la même extension temporelle : le Robert réserve l’appellation aux personnes contemporaines de la Guerre et du départ d’Algérie, alors que Larousse semble lui donner une valeur rétroactive.

Dès lors, selon la définition du Larousse, les colons installés dès 1560 dans les « possessions françaises sur la côte septentrionale de l’Afrique », telles que le Bastion de France et La Calle, sont considérés comme des pieds-noirs qui s’ignoraient.

L’origine de l’expression a plusieurs hypothèses :

  • Elle pourrait venir de la coloration des pieds des viticulteurs lors du foulage du raisin, alors que de nombreux Français d’Algérie vivaient de la production de vin ;
  • Une bande de jeunes Français du Maroc, amateurs de cinéma américain, se seraient eux-mêmes baptisés « pieds-noirs » en référence à la tribu amérindienne. L’expression aurait ensuite franchi la frontière algéro-marocaine vers 19554.

 Le terme « pied-noir » étant d’origine incertaine, son usage courant est donc générique et imprécis. Il convient donc d’établir des distinctions pour en apprécier la portée. D’une part, certains membres de cette communauté considèrent l’appellation « pied-noir » comme péjorative, voire offensante, et lui préfèrent la dénomination, plus formelle, de « Français d’Algérie », beaucoup plus conforme à la réalité. D’ailleurs, beaucoup d’entre eux ont sur leur numéro INSEE : leur numéro de département de naissance : 91 Alger, 92 Oran, 93 Constantine, 94 Territoires du Sud et se sentent Algériens de terre et Français de nationalité.

D’autre part, de nombreux Juifs d’Algérie ne se considèrent pas comme « Pieds-noirs. Ainsi, Patrick Bruel et Éric Zemmour, par exemple, se définissent eux-mêmes comme « juifs berbères » et considèrent le terme pieds-noirs comme inexact en ce qui concerne leur famille présente en Algérie bien avant l’arrivée des Français et même de l’islam. Au contraire, en 1987 l’emblématique Enrico Macias, dont le patronyme réel est Ghanassia, affirme que « les Pieds-Noirs c’est pas seulement les catholiques, c’est aussi les musulmans et les israélites », car selon lui « toutes ces communautés forment la communauté nord-africaine ».

Rapatriés d’Algérie et Pieds-Noirs

Les historiens distinguent trois grands groupes sociaux constituant les rapatriés d’Algérie :

  • les Européens rapatriés d’Algérie: communément appelés Pieds-Noirs, ils sont de loin les plus nombreux. En 1962, environ 800 000 Pieds-Noirs quittent l’Algérie dont 512 000 entre le mois de mai et le mois d’août.
  • les Juifs rapatriés d’Algérie: souvent associés aux Pieds-Noirs, estimés a 120 000 en 1962, environ 110 000 s’installent en France en 1962.
  • les Français musulmans rapatriés (FMR), aussi appelés FSNA (Français de souche nord-africaine) avant l’indépendance, puis souvent englobé sous le terme générique de « harkis », ils sont constitués de plusieurs groupes différents: anciens membres des forces supplétives (Harkis, Moghaznis, GMS…), militaires engagés ou appelés au côté de l’armée française et élites francisées (hauts fonctionnaires, membres du « double collège », députés, sénateurs…) . Ils sont au nombre de 138 458 au recensement de 1968.

Dans l’usage courant « pied-noir » est un quasi-synonyme de « rapatrié d’Algérie ». « Rapatrié » fait référence à un statut administratif qui a concerné, à partir de 1962, les « Français d’Algérie » originaires des départements français d’Algérie et du Sahara au moment de l’indépendance de ces deux entités le 5 juillet 1962.

Parmi les rapatriés d’Algérie, qui étaient tous de nationalité française, sont englobés la majorité des « Européens » et des juifs séfarades et un nombre limité de « musulmans » (arabes et berbères), plus souvent désignés par le terme générique de harkis, c’est-à-dire ceux des militaires, anciens supplétifs de l’armée française, et leurs familles qui ont pu trouver asile en métropole. La différence de statut civique entre « Européen » et « harki » fait que le second n’est que supplétif de l’armée française (contractuel) et non membre à part entière de l’armée française. Il est à noter que quelques milliers de musulmans étaient citoyens de droit commun et ont donc conservé automatiquement leur nationalité française en 1962 (essentiellement des militaires, des caïds comme la famille du recteur actuel de la mosquée de Paris Dalil Boubakeur ou les parents de Yazid Sabeg, commissaire français à la diversité). La majorité des musulmans, citoyens de droit local, ont perdu leur nationalité française en 1962.

Les « Européens » rapatriés sont de culture chrétienne ou juive, ils sont d’origine française (en provenance de toutes les régions de la métropole mais en particulier d’Alsace et de Lorraine11) ou étrangère. La proportion d’étrangers monte en 1886 à 49 % des Européens d’Algérie, pour décroître après la loi sur les naturalisations du 26 juin 1889. En 1884, on recense un peu plus de 48 % d’étrangers parmi les 376 772 Européens, avec des différences notables selon les départements : 40 % dans le département d’Alger (56 751 étrangers et 84 816 Français), plus de 59 % dans le département d’Oran (84 881 étrangers et 58 085 Français — la proportion monte à 68 % pour la seule ville d’Oran), 43 % dans celui de Constantine (39 722 étrangers et 52 517 Français)12 (principalement d’Espagne mais aussi de Malte, d’Italie, d’Allemagne de Suisse et d’Angleterre). Les motifs d’installation en Algérie des colons sont variés, attrait pour les concessions, incitation et facilité d’installation par les autorités françaises (en particulier Alsaciens-Lorrains, Allemands et Suisses), élévation du niveau de vie (Maltais), fuite de la guerre civile (guerres de succession d’Espagne 1833-1840 — à laquelle la France prend part — 1846-1849, 1872-1876, guerre d’Espagne 1936-1939), déportation des résistants au coup d’État du 2 décembre 1851 sous Napoléon III) ou annexion du territoire (Anglo-Maltais, Alsaciens et Lorrains suite à la guerre franco-prussienne de 1870). La politique d’assimilation de la France en Algérie se traduit par la naturalisation des étrangers suite au décret Crémieux de 1870 et loi du 26 juin 1889, les colons détenaient 90 % des meilleures terres agricoles (région d’Alger, Tiaret, Oran, etc.) dans l’arrondissement d’Aïn Temouchent par exemple, les Européens, soit 15 % de la population, possédaient plus de 65 % de l’ensemble des terres agricoles

Le 8 novembre 1942, les troupes anglaises et américaines débarquent en Afrique du Nord sous le commandement du général américain Dwight Eisenhower. C’est l’opération «Torch».

Résistance insensée

Dès le début de la Seconde Guerre mondiale, l’Afrique du Nord française (départements d’Algérie, protectorats du Maroc et de la Tunisie) s’était placée sous l’autorité du gouvernement de Vichy, lui-même inféodé à l’occupant allemand.

Au moment du débarquement, l’amiral François Darlan, dauphin du maréchal Pétain, se trouve par hasard à Alger où il est venu rendre visite à son fils malade. Il ordonne aux troupes françaises de résister à l’envahisseur. C’est ainsi qu’à leur arrivée à Casablanca comme à Oran et Alger, les troupes anglo-saxonnes se heurtent contre toute attente à une furieuse résistance des troupes françaises.

Les Anglo-Saxons craignent que cette résistance de leurs ex-alliés ne permette aux Allemands de se ressaisir et de les renvoyer à la mer. Heureusement, Darlan finit par signer la reddition d’Alger et les Anglo-Saxons obtiennent un arrêt des combats. L’Afrique du Nord passe sous leur contrôle tout en conservant l’administration et les lois de Vichy !

Le reflux de l’Axe

Hitler réagit à l’invasion de l’Afrique du Nord par l’occupation de la «zone libre», en France, en violation des accords d’armistice du 22 juin 1940 avec le maréchal Pétain. C’est l’opération «Attila»… La flotte française en rade à Toulon se saborde le 27 novembre sur ordre de l’amiral Jean de Laborde, pour échapper aux Allemands sans avoir à se livrer aux ennemis traditionnels de la marine française, les Anglais ! Les Allemands et leurs alliés Italiens occupent d’autre part la Tunisie, protectorat français revendiqué par l’Italie.

Dans le même temps, dans le désert libyen, à el-Alamein, le général Montgomery repousse l’Afrika Korps de Rommel. Pris en tenaille, les Allemands et les Italiens n’ont pas d’autre issue que de se retrancher sur Bizerte, en Tunisie, d’où ils regagneront l’Europe en mai 1943.

En janvier 1943, Roosevelt et Churchill se retrouvent à Casablanca pour une conférence où ils préparent la libération complète de l’Afrique du Nord et l’invasion de la Sicile.


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